Le dôme des lâches

Un sommet d’urgence des pays arabes s'est tenu hier le mardi 4 mars pour discuter de leurs propres plans de reconstruction de Gaza, après près d’un an et demi d’anéantissement total du territoire palestinien par l’armée israélienne.
« Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi accueille le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 4 mars 2025 au Caire pour le sommet extraordinaire de la Ligue arabe sur Gaza. © Khaled Desouki / AFP
Cette réunion est une réponse aux déclarations de Donald Trump concernant un nettoyage ethnique de Gaza qui serait mené pour en faire une grande station touristique, sans les Palestiniens, qui seraient expulsés vers la Jordanie et l’Égypte. Même après le rejet international de cette proposition – à l’exception d’Israël, qui s’est mis l’eau à la bouche – le président américain et spéculateur immobilier a redoublé d’efforts et publié une vidéo fantaisiste de ce à quoi ressemblerait Gaza à l’avenir, une sorte de Trumpland étrange.
Pour aller plus loin : “Trump à Gaza”, une vidéo de Trump et sa vision de Gaza
Trump sait qu’il peut humilier les Arabes autant qu’il le souhaite. Les dirigeants de la région y sont habitués et ne semblent pas s’en préoccuper outre mesure. Il a exposé une partie de ses plans lors d’une réunion avec le roi de Jordanie lui-même à la Maison Blanche, montrant ainsi qui est le côté dominant dans la relation. Il a même exclu toute mesure de rétorsion si ces pays refusaient sa proposition : « Je n’ai pas besoin de menacer de le faire ». Les dirigeants arabes sont des chiens dociles.
Ils sont « domestiqués » parce qu’ils sont des clients des États-Unis. Ils dépendent du soutien de Washington pour rester au pouvoir. L’Égypte en est l’exemple le plus clair : Trump a coupé pratiquement toute « aide » étrangère au gouvernement, à l’exception de celle qui va au Caire et, bien sûr, à Tel-Aviv. Al-Sisi n’a aucun soutien populaire et la dictature militaire égyptienne n’est soutenue que par la corruption et l’argent des États-Unis, du FMI et de la Banque mondiale. Les généraux sont donc entre les mains de Trump.
Les chiffres d’octobre 2024 montrent que 40 000 militaires américains servent au Moyen-Orient, présents dans au moins 19 sites répartis entre l’Égypte, la Jordanie, le Bahreïn, l’Irak, le Koweït, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Syrie, les Émirats arabes unis, Oman et la Turquie – ainsi qu’Israël, bien sûr. Le Qatar, par exemple, abrite le siège du commandement central de l’armée américaine. Bahreïn abrite la 5e flotte navale. Le Koweït et l’Arabie saoudite disposent d’une dizaine de bases qui fonctionnent depuis des décennies. La Turquie, membre de l’OTAN depuis 1952, accueille également plus de dix bases américaines.
Ces pays n’ont pas la possibilité d’exercer une réelle souveraineté si leurs dirigeants agissent sous la botte des soldats américains. C’est pourquoi le soutien que certains d’entre eux apportent aux Palestiniens est extrêmement limité, même si dans certains cas précis il est d’une grande importance pour la résistance. Ces régimes peuvent simplement jouer un double jeu. Certains apportent encore un soutien financier, armé ou logistique insuffisant. D’autres se contentent d’un appui de pure forme. Certains, comme le Bahreïn et les EAU, vont jusqu’à persécuter les sympathisants de la cause palestinienne et réprimer ceux qui dénoncent le génocide commis par Israël.
Ce n’est pas seulement qu’ils n’ont rien fait d’efficace pour arrêter le carnage contre les enfants et les femmes palestiniens. Certains ont même contribué à ce génocide. Les bases militaires et les soldats états-uniens présents dans ces pays, puisque Washington est le principal bailleur de fonds des actions d’Israël, sont utilisés quotidiennement pour soutenir l’armée israélienne. En outre, des pays comme la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis fournissent aux États-Unis et à Israël des renseignements sur les mouvements et les plans de l’axe de la résistance.
Mais le plus grave est le soutien direct à Israël. Les exportations du Caire vers Tel-Aviv ont doublé en mai 2024, par rapport au même mois de l’année précédente – malgré les humiliations imposées par Israël à l’Égypte, avec l’assassinat de militaires et les crises à Rafah. En d’autres termes, alors qu’au moins 35 000 Palestiniens ont déjà été décimés (selon les chiffres officiels), l’Égypte a doublé ses expéditions de produits essentiels pour entretenir la machine de guerre israélienne.
Il en va de même pour les exportations de la Jordanie et des Émirats arabes unis, tandis que celles de la Turquie ont diminué mais n’ont pas cessé et ont garanti un soutien important à la survie du régime de Netanyahou, malgré les vociférations d’Erdogan dans les rassemblements populistes.
Après avoir autorisé la destruction de Gaza, ils veulent maintenant discuter de sa reconstruction. Beaucoup craignent que la dispersion des Palestiniens en dehors de Gaza ne déstabilise la fragile structure politique et sociale de leurs pays. La cause palestinienne est la cause commune de tous les peuples du Moyen-Orient et un facteur d’instabilité interne en Égypte, en Jordanie, au Liban, au Koweït et dans d’autres pays au cours des dernières décennies. En outre, les monarchies et les hommes d’affaires qataris, émiratis, saoudiens et turcs seront en mesure de réaliser de bons bénéfices et de gagner en influence dans la prétendue reconstruction de Gaza. Bien sûr, en partenariat avec les capitaux américains et européens, car même s’ils déclarent leur opposition à une « Riviera du Moyen-Orient », ils savent que les États-Unis et Israël ne renonceront pas à ce qu’ils ont gagné dans ce génocide.
Alors que les dirigeants arabes se réunissent à nouveau pour planifier l’avenir de Gaza, Israël continue à ne pas respecter le cessez-le-feu, à attaquer la zone, à bloquer l’accès de l’aide humanitaire, à détenir des personnes kidnappées qui devraient être rendues, et à ouvrir de nouveaux fronts, avec l’invasion de la Cisjordanie il y a plus d’un mois (y compris avec des chars d’assaults) et le déplacement forcé du plus grand nombre d’habitants depuis 1967.
Traduction : Mondialisation.ca
Image en vedette : Capture d’écran, La citadelle du Caire.
L'auteur, Eduardo Vasco, est journaliste spécialisé en politique internationale, correspondant de guerre et auteur des livres « Le peuple oublié : une histoire de génocide et de résistance dans le Donbass » et « Blocus : la guerre silencieuse contre Cuba ».
- Source : Global Research (Canada)