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Mardi, 04 Mars 2025

L’agonie de « l’Occident politique » par Thierry Meyssan

Auteur : Thierry Meyssan | Editeur : Walt | Mardi, 04 Mars 2025 - 12h52

La semaine dernière, je narrais les évènements concernant le conflit ukrainien en soulignant que le président français, Emmanuel Macron, aussi brillant soit-il, était incapable de s’adapter aux changements du monde.

Cette semaine, je reprends les mêmes éléments, et bien d’autres qui ont suivi, pour montrer que le divorce des Européens entre eux et de l’UE avec les États-Unis est devenu une réalité.

Il n’est plus temps de tergiverser : le monde ancien vient d’être détruit. Si nous ne nous positionnons pas immédiatement, nous serons emportés avec lui.

Or, pour le moment, le Royaume-Uni et la France rivalisent pour prendre la place des États-Unis sur le continent et non pas pour se réformer.

Les deux dernières semaines, nous avons vécu une charnière dans l’Histoire comparable à celle de la bataille de Berlin, en avril-mai 1945, lorsque l’armée rouge a pris Berlin et renversé le III° Reich : cette fois, c’est l’administration Trump qui a renvoyé définitivement l’Union européenne dans les cordes.

Pour le moment, l’UE, le G7 et le G20 n’ont pas encore été dissous, mais ces trois structures sont déjà mortes. La Banque mondiale et les Nations unies pourraient suivre.

Revenons sur ces évènements, qui se sont déroulés si vite, que presque aucun d’entre nous ne les a suivi et en a compris les conséquences.

Mercredi 12 février

Les principales puissances européennes (c’est-à-dire l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Union européenne), qui craignaient ce que l’administration Trump pourrait décider, se sont réunies à Paris, le 12 février, pour élaborer une position commune sur le conflit ukrainien. En l’occurrence, elles sont convenues de poursuivre ce qu’elles font depuis trois ans :
 nier avoir violé les engagements pris lors de la réunification allemande de ne pas étendre l’OTAN à l’Est,
 nier que l’Ukraine soit aux mains des « nationalistes intégraux » (c’est-à-dire du parti des collaborateurs des nazis)
 et poursuivre la Seconde Guerre mondiale, non plus contre les nazis, mais contre les Russes.

Pendant ce temps, à Kiev, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, présentait la facture de l’aide US : 500 milliards de dollars et proposait de la régler en exploitant les terres rares dont le pays s’enorgueillit. J’ai déjà expliqué que cette proposition n’était qu’une réponse du berger à la bergère : l’Ukraine ayant mensongèrement prétendu offrir, à terme, aux Occidentaux d’exploiter ces richesses qui n’existent pas. Cependant, d’un point de vue européen, ce qui se tramait était effrayant : si les États-Unis s’emparaient de ces prétendues richesses, ils excluaient que les Européens profitent du partage dont ils étaient convenus. Sans en informer leurs concitoyens, ils s’étaient partagés l’Ukraine lors de sa reconstruction : aux Britanniques, les ports, aux Allemands, les mines, etc. Ils avaient déjà procédé ainsi lors des invasions de l’Iraq et de la Libye et lors de la guerre contre la Syrie.

Surtout, alors que Washington et Moscou échangeaient des prisonniers, les présidents états-unien, Donald Trump, et russe, Vladimir Poutine, se parlaient par téléphone, pendant une heure et demi. Ce sommet avait été précédé d’une conversation, au Kremlin, entre le président Poutine et Steve Wilkoff, l’envoyé spécial du président Trump venu organiser l’échange de prisonnier. Wilkoff avait donné à son président un compte-rendu de sa mission qui mettait à bas tout ce que l’OTAN prétendait savoir sur l’Ukraine.
Les deux boss avaient désormais les mêmes informations.
La ligne directe entre la Maison-Blanche et le Kremlin venait d’être rétablie.

Jeudi 14 février

Le 14 février, le vice-président des États-Unis, JD Vance, s’adressait au gratin diplomatique et militaire de l’UE, lors de la Conférence sur la sécurité à Munich. Il dressait un réquisitoire contre l’autisme des dirigeants européens : Ils refusent de répondre aux préoccupations de leurs concitoyens en matière de liberté d’expression et d’immigration. Or, s’ils ont peur de leur peuple, les États-Unis ne pourront rien pour eux, affirmait-il, faisant pleurer le président de la conférence, l’ambassadeur allemand Christoph Heusgen.

Lundi 17 février

Une seconde réunion s’est tenue, le 17 février, toujours à Paris, avec les mêmes participants, plus Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN. Ils sont convenus de faire bloc face à Donald Trump et de ne pas accepter de remise en cause de la politique occidentale face à la Russie.

Olaf Scholz, chancelier allemand sortant, a déclaré à l’issue du sommet : « Il ne doit pas y avoir de
division de la sécurité et de la responsabilité entre l’Europe et les États-Unis. L’OTAN repose sur le fait que nous agissons toujours ensemble et que nous partageons les risques […]. Cela ne doit pas être remis en question. »

Donald Tusk, Premier ministre polonais, a déclaré : « Peu importe ce que chacun peut se dire, parfois avec des mots brutaux […], il n’y a aucune raison pour que les Alliés ne trouvent pas un langage commun entre eux sur les questions les plus importantes. [Il est] dans l’intérêt de l’Europe et des États-Unis de coopérer le plus étroitement possible. »

Toujours le 17 février, l’armée ukrainienne a attaqué des intérêts états-uniens, israéliens et italiens en Russie. Elle a bombardé des installations partiellement détenues par Chevron (15 %), ExxonMobil (7,5 %) et ENI (2 %). Une vingtaine de drones ont causé de graves dommages au Caspian Pipeline Consortium (CPC) qui alimente notamment Israël en pétrole russe.
Les Européens n’ont pas plus réagi à cette opération que lorsque la CIA a saboté le gazoduc Nord Stream (26 septembre 2022), pourtant propriété non seulement du russe Gazprom (50 %), mais aussi des Allemands BASF/Wintershall et Uniper, du Français Engie, de l’Autrichien OMV et du Britannique Royal Dutch Shell. Ce sabotage a jeté l’Allemagne dans une récession économique, qui ne cesse de faire tache d’huile sur le reste de l’UE, sans parler de l’augmentation des prix de l’énergie pour tous les ménages de l’UE.
Dans les deux cas (le sabotage de Nord Stream et l’attaque du CPC), les Européens n’ont pas été capables de défendre leurs intérêts. Ils ont successivement laissé leur allié principal leur faire du mal, puis leurs alliés se battre l’un contre l’autre.

Mardi 18 février

Les puissances européennes ont appris avec stupéfaction que, dès leur première rencontre à Riyad (Arabie saoudite), le 18 février, les délégations états-unienne et russe sont convenues :
 de dénazifier et de neutraliser l’Ukraine,
 de respecter les engagements souscrits lors de la réunification allemande et de retirer les troupes de l’OTAN de tous les pays ayant adhéré à l’Alliance atlantique après 1990.

Le président Trump avait soudain abandonné le plan du général Keith Kellogg, son envoyé spécial pour l’Ukraine, tel qu’il avait été publié en avril 2024 par l’America First Foundation. Il avait, au contraire, utilisé le plan de son ami Steve Witkoff, envoyé spécial pour le Moyen-Orient, qui avait rencontré Vladimir Poutine à Moscou grâce à l’entremise du prince héritier saoudien Mohamed ben Salmane (dit « MBS »), d’où le choix de Riyad pour ces négociations. Kellogg raisonnait avec les idées de l’OTAN, tandis que Witkoff a écouté, entendu et vérifié le bien-fondé de la position russe.

Les puissances européennes ont rapidement pu vérifier que l’ordre de repli avait été transmis à certaines troupes US, dans les pays baltes et en Pologne. L’architecture de sécurité en Europe, c’est-à-dire le système assurant la paix, était détruit. Bien sûr, il n’y a aucune menace immédiate d’invasion, russe ou chinoise, mais à terme et compte tenu du temps que demande un réarmement, chacun doit, tout de suite, se préparer au meilleur ou au pire.

Mercredi 19 février

Les ambassadeurs des États membres auprès de l’UE ont approuvé, le 19 février, le 16e paquet de mesures coercitives unilatérales (abusivement qualifiées de « sanctions » par la propagande atlantique) à l’encontre de la Russie. Il devait être officiellement approuvé, le 24 février, par le Conseil des Affaires étrangères à l’occasion du troisième anniversaire de l’opération militaire spéciale russe en l’Ukraine. En outre, l’UE a décidé de déconnecter 13 banques du système Swift et d’interdire de transaction trois institutions financières. De plus, 73 navires de la « flotte fantôme » russe ont été sanctionnés, et 11 ports et aéroports russes contournant le plafond du prix du pétrole ont fait l’objet d’une interdiction de transactions. Enfin 8 médias russes ont aussi vu leur licence de diffusion dans l’UE suspendue.

Pendant ce temps, le même jour, 19 février, le président Donald Trump laissait exploser sa colère contre son homologue non-élu ukrainien, en le qualifiant de « comédien au succès modeste » et de « dictateur sans élection », puis en l’accusant d’avoir provoqué la guerre. De son côté, le général Kellogg, envoyé spécial de la Maison-Blanche à Kiev, annulait sa conférence de presse avec Volodymyr Zelensky.
L’administration Trump avait rompu avec le gouvernement de Kiev que l’administration Biden avait porté aux nues.

Jeudi 20 février

Le sénateur libertarien Mike Lee (Utah) a introduit, le 20 février, une proposition de loi au Sénat sur le retrait complet des États-Unis de l’Organisation des Nations unies. Le représentant Chip Roy (Texas) a déposé le même texte à la Chambre des représentants, le lendemain.

Si le président Donald Trump est un « jacksonien » (c’est-à-dire un disciple d’Andrew Jackson, qui voulait remplacer la guerre par le business), Washington est désormais acquis à « l’exceptionnalisme américain ». Il s’agit d’une théologie politique selon laquelle les États-Unis sont un peuple élu qui doivent apporter la lumière, qu’ils ont reçue, au reste du monde. De ce fait, ils n’ont pas à négocier quoi que ce soit avec les autres et surtout pas à leur rendre des comptes.

« L’exceptionnalisme américain » ne doit pas être confondu avec « l’isolationnisme » qui a conduit, en 1920, le Sénat à refuser d’adhérer à la Société des Nations (SDN). Cette organisation, à la différence de l’ONU qui lui a succédé, avait prévu une solidarité militaire entre les États qui reconnaissaient le Droit international. Par conséquent, les États-Unis auraient dû entretenir des troupes pour maintenir la paix en Europe et les Européens auraient pu intervenir en Amérique latine (le « pré carré » de Washington selon la « Doctrine Monroe ») pour y maintenir la paix.

Samedi 22 février

Sans attendre, le président polonais, Andrzej Duda, s’est rendu sans invitation à Washington, le 22 février. Il est parvenu à croiser dix minutes le président Donald Trump, non pas à la Maison-Blanche, mais en marge de la Conférence d’action politique conservatrice (CPAC). Il lui a demandé de ne pas retirer les troupes US de son pays, le temps pour la Pologne de terminer sa restructuration militaire. Comme Varsovie a déjà enclenché une profonde révolution intérieure en rétablissant le service militaire universel et en constituant une armée très nombreuse, il est parvenu à lui faire, non pas annuler, mais reporter son ordre.

Andrzej Duda est président polonais, du moins jusqu’aux élections de mai. Constitutionnellement, ce n’est pas lui qui exerce le pouvoir exécutif, mais il n’en est pas moins le chef des armées. Son Premier ministre, Donald Tusk, s’était engagé, à Paris, à ne pas négocier séparément avec les États-Unis.
Donc, quoi qu’on en dise, le front uni des Européens était brisé. Il n’avait duré que dix jours.

Lundi 24 février

Pour le troisième anniversaire de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine, le 24 février, Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, António Costa, président du Conseil européen et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ont publié une déclaration commune totalement décalée. Ils s’y prononçaient pour « une paix complète, juste et durable fondée sur la formule de paix ukrainienne », c’est-à-dire qu’ils s’accrochaient au narratif ancien : il n’y a pas de nazis en Ukraine et la Russie est l’agresseur. Ce faisant, ils contredisaient non seulement les faits, mais aussi les récentes déclarations de leur suzerain économique et militaire, les États-Unis.

Le même jour, le président français, Emmanuel Macron, se rendait à Washington, au nom de tous les Européens atlantistes. Avant de le recevoir, le président Donald Trump le faisait conduire par sa cheffe de cabinet dans une aile de la Maison-Blanche pour participer à une vidéo-conférence du G7 qu’il présidait… depuis une autre pièce.

Durant deux heures, les chefs d’État et de gouvernement du G7, plus le Premier ministre espagnol et le président non-élu ukrainien, tentaient vainement de faire fléchir leur suzerain. Celui-ci n’en démordit pas : le conflit ukrainien n’a pas été engagé par la Russie, mais par les seuls nationalistes intégraux ukrainiens qui se cachent derrière Zelensky. De toute manière, par principe, il n’est pas possible de défendre des gens qui viennent d’attaquer des intérêts états-uniens, fussent-ils localisés en Russie. Pour bien se faire comprendre, Donald Trump refusa de signer le communiqué final préparé par les Européens et leur annonça que, si ce texte était publié (il avait déjà été distribué sous embargo à des journalistes), il le démentirait et son pays quitterait le G7.

Ce n’est qu’après cet esclandre qu’il reçut le président Emmanuel Macron. Ce dernier choisit de ne pas l’affronter, mais de célébrer l’amitié transatlantique. Lors de la conférence de presse commune, il interrompit son hôte lorsque celui-ci répéta que l’Ukraine, et pas la Russie, avait provoqué la guerre, mais, en définitive, il n’osa pas le contredire.

Pendant ce temps, à New York, l’Assemblée générale de l’ONU débattait d’une résolution proposée par l’Ukraine. Elle dénonçait « l’invasion totale de l’Ukraine par la Fédération de Russie » et exigeait qu’elle retire « immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays et que cessent immédiatement les hostilités menées par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, en particulier toute attaque contre les civils et les biens de caractère civil ».
Pour la première fois de l’Histoire depuis la Seconde Guerre mondiale, la délégation états-unienne a voté contre un texte, avec celle de la Russie, contre celles du Canada, des Européens et du Japon qui l’ont approuvé.

Puis, les États-Unis ont présenté, eux-mêmes, une seconde résolution afin qu’il soit « mis fin au conflit dans les plus brefs délais. » Ce texte visait à aligner l’Assemblée générale sur la position des négociateurs états-uniens de Riyad. Mais la Russie a voté contre parce que le texte « plaide pour une paix durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie » et non pas pour une « paix durable à l’intérieur de l’Ukraine ». Du coup, les États-Unis, considérant qu’ils avaient mal rédigé leur proposition, se sont abstenus sur leur propre texte, tandis que le Canada, les Européens et le Japon le condamnaient.

Mardi 25 février

Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, s’est rendue à Washington pour rencontrer le secrétaire d’État, Marco Rubio. L’entretien, qui avait été annoncé de longue date, a été annulé en dernière minute par le secrétariat de M. Rubio, officiellement pour des raisons d’agenda surbooké.
Mme Kallas a fait savoir qu’en remplacement, elle rencontrera « des sénateurs et des (…) membres du Congrès pour discuter de la guerre de la Russie contre l’Ukraine et des relations transatlantiques ».
Après que les membres de l’UE aient voté contre les États-Unis à l’ONU, le secrétaire d’État refusait de rencontrer son homologue européen.

Mercredi 26 février

Lors d’une conférence de presse à Kiev, Volodymyr Zelensky assure, le 26 février, que sans garanties de sécurité des États-Unis et de l’OTAN, tout accord de paix sera injuste et il n’y aura pas de vrai cessez-le-feu.

Jeudi 27 février

Avant de quitter Washington, Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a donné une conférence au Hudson Institute, le 27 février. Elle y a déclaré : « Il faut faire pression sur la Russie pour qu’elle veuille aussi la paix. Elle est dans une position où elle ne veut pas la paix »

Keir Starmer, Premier ministre britannique, s’est rendu, quant à lui, à la Maison-Blanche, porteur d’une invitation du roi Charles III à une seconde visite d’État au Royaume-Uni. Les diplomates de Sa Majesté estiment que le président Trump avait grandement apprécié la première et que, vu son orgueil, il serait sensible aux fastes de la Couronne.

Durant la Conférence de presse des deux dirigeant, le président Trump a prétendu ne pas se souvenir d’avoir qualifié Volodymyr Zelensky de « dictateur » (« J’ai dit cela ? Je ne parviens pas à croire que je l’ai dit ! »). En outre, il s’est montré ouvert à l’idée que la hausse des tarifs douaniers de 25 % ne concerne pas le Royaume-Uni et à la rétrocession par Londres des îles Chagos (dont la base de Diego Garcia) à Maurice.

Sur le fond, Keir Starmer est parvenu à renouveler la « relations spéciale » de son pays avec les États-Unis. Celle-ci inclue le système d’interception et d’espionnage global des « Cinq Yeux » et la délégation de la force de frappe (Rappelons que la bombe atomique britannique ne pourrait pas fonctionner sans l’appui des scientifiques militaires états-uniens).

Pendant ce temps, des négociateurs états-uniens et russes se sont retrouvés durant six heures et demie au consulat général des États-Unis à Istanbul pour un second round de négociations, à un « niveau technique ». Il ne s’agissait pas d’avancer sur le fond, mais de régler des problèmes qui avaient été abordés par les ministre à Riyad. À savoir, les conditions de fonctionnement des ambassades respectives à Washington et à Moscou, que le président Joe Biden avait considérablement encadrés et auxquelles Moscou avait répondu à l’identique.

Vendredi 28 février

Le président ukrainien non-élu, Volodymyr Zelensky, s’est rendu à la Maison-Blanche, le 28 février. Le président Trump et le vice-président Vance l’ont reçu, non pas pour écouter sa version des faits, mais pour signer un accord sur les terres rares que l’Ukraine prétend posséder. Bien entendu, il n’a pas pu l’être, puisqu’elles n’existent pas, mais c’était un moyen pour l’administration Trump de montrer à celui que l’on ne sait plus si elle le considère comme un « démocrate » ou un « dictateur » qu’il n’avait plus aucune carte en main.

Le point de presse d’accueil restera gravé dans les mémoires. La presse occidentale a été choquée par l’algarade entre le président Trump et son invité. Il faut se méfier ici des images : elles ne disent pas du tout la même chose si l’on s’en tient à un extrait choisi ou si l’on écoute la totalité de l’échange. Dans un extrait, on retient les arguments qui sont énoncés, tandis que dans l’ensemble, on comprend pourquoi ils sont énoncés.

Durant les cinquante minutes de ce point de presse, le président Donald Trump n’a cessé de rappeler qu’il n’était aligné sur aucune des deux parties, russe ou ukrainienne, mais qu’il négociait avec la Russie pour défendre l’intérêt de son pays et, en définitive, pour l’ensemble de l’Humanité. En tant que président des États-Unis, il parle avec tous, veille à n’injurier personne et reconnaît les points positifs de chacun. Au contraire, Volodymyr Zelensky n’a cessé d’accuser la Russie d’agression depuis 2014, de meurtres, d’enlèvements et de tortures. Il a même affirmé que le président Vladimir Poutine avait violé 15 fois sa propre signature.

Contrairement à ce qu’a vu la presse occidentale, ce point de presse n’a porté ni sur l’aide militaire, ni sur les terres rares et encore moins sur un partage de territoires. Il a dégénéré lorsque le vice-président Vance a noté que la narration de son hôte était « de la propagande », puis est revenu à la charge en déclarant à propos des deux versions des faits : « Nous savons que vous avez tort ! ». En définitive le président Trump a noté que l’Ukraine était en mauvaise posture et que son invité, non seulement n’était pas reconnaissant du soutien US, mais ne voulait pas de cessez-le-feu. Excédé, il a observé que Vladimir Poutine n’avait jamais violé sa signature, ni avec Barack Obama, ni avec lui, mais uniquement avec Joe Biden du fait de ce que ce dernier lui a fait. Il a alors rappelé les accusations mensongères à répétition lancées contre la Russie par le président Biden.

Dimanche 2 mars

Keir Starmer, Premier ministre britannique, a déclaré : l’Europe est « à la croisée des chemins de l’histoire » en accueillant à Downing Street les dirigeants de l’Ukraine, de la France, de l’Allemagne, du Danemark, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Pologne, de l’Espagne, du Canada, de la Finlande, de la Suède, de la Tchéquie et de la Roumanie, ainsi que du ministre turc des Affaires étrangères, du secrétaire général de l’OTAN et des présidents de la Commission européenne et du Conseil européen.

Le Royaume-Uni et la France rivalisent pour remplacer les États-Unis et garantir la paix sur le continent européen. Les deux pays seraient prêts à garantir la sécurité des autres grâce à leurs armes nucléaires. Cependant, personne ne songe sérieusement que celles-ci suffiraient à assurer la paix en l’absence de forces conventionnelles sérieuses, ce dont ni Londres, ni Paris ne disposent. Tout au plus Varsovie a débuté, il y a plus de deux ans déjà, la réorganisation de ses armées et la généralisation du service militaires de ses jeunes gens, mais il ne dispose toujours pas d’armes en quantité.

À l’issue de la réunion, qui visait à créer une « coalition de volontaires », Keir Starmer a déclaré au nom de tous les participants :
« Aujourd’hui, j’ai accueilli à Londres des homologues de toute l’Europe, y compris de la Türkiye, ainsi que le secrétaire général de l’OTAN et les présidents de la Commission européenne, du Conseil de l’UE et du Canada, pour discuter de notre soutien à l’Ukraine.
Ensemble, nous avons réaffirmé notre détermination à œuvrer en faveur d’une paix permanente en Ukraine, en partenariat avec les États-Unis. La sécurité de l’Europe est avant tout notre responsabilité. Nous nous allons nous atteler à cette tâche historique et nous augmenterons nos investissements dans notre propre défense.
Nous ne devons pas répéter les erreurs du passé lorsque des accords faibles ont permis au président Poutine d’envahir à nouveau. Nous travaillerons avec le président Trump pour garantir une paix forte, juste et durable qui garantisse la souveraineté et la sécurité futures de l’Ukraine. L’Ukraine doit être en mesure de se défendre contre de futures attaques russes. Il ne doit pas y avoir de pourparlers sur l’Ukraine sans l’Ukraine. Nous sommes convenus que le Royaume-Uni, la France et d’autres travailleront avec l’Ukraine sur un plan visant à mettre un terme aux combats dont nous discuterons plus avant avec les États-Unis et que nous avancerons ensemble (…) En outre, beaucoup d’entre nous se sont déclarés prêts à contribuer à la sécurité de l’Ukraine, y compris par une force composée de partenaires européens et autres, et intensifieront notre planification.
Nous continuerons de travailler en étroite collaboration pour faire avancer les prochaines étapes et prendre des décisions dans les semaines à venir ».

Les participants à ce sommet n’ont absolument pas fait évoluer leurs analyses du conflit ukrainien. Ils restent sourd aux États-Unis et, de ce fait, ne les comprennent plus. Ils sont parvenus à s’unir non pas pour déployer une force de stabilisation de la paix en Ukraine, mais pour protéger les infrastructures critiques dans l’ouest de l’Ukraine ou dans des domaines stratégiques similaires. Ils sont convenus de ne pas réaliser d’efforts nationaux fragmentés, mais de tirer parti de la puissance économique de l’Union européenne (UE) en réorientant ses fonds de relance. Ils ont donc convoqué un Conseil européen spécial, le 6 mars. Or, pour transformer l’UE d’un marché commun en une alliance militaire, il leur faudra réunir non pas une majorité, mais l’unanimité des 27 États-membres, Hongrie et Slovaquie comprises.

Or, d’ores et déjà, Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, a répondu au projet de déclaration finale du Conseil européen en soulignant qu’il y a des « différences stratégiques » entre les États de l’UE. Il plaide donc pour qu’il n’y ait pas de conclusions écrites, car « Toute tentative d’y parvenir projetterait l’image d’une Union européenne divisée ».

Photo d'illustration: Christoph Heusgen, ancien représentant permanent de l’Allemagne aux Nations unies et actuel président de la Conférence sur la Sécurité de Munich, pleure en découvrant le divorce entre les États-Unis et les Européens.

 


- Source : Réseau Voltaire

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