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Mardi, 25 Févr. 2025

La France, incapable de faire face au choc de Donald Trump par Thierry Meyssan

Auteur : Thierry Meyssan | Editeur : Walt | Mardi, 25 Févr. 2025 - 13h24

Ce n’est pas Donald Trump qui s’est retourné contre le régime de Kiev, ainsi que l’on veut nous le faire croire, mais Volodymyr Zelensky qui a fait bombarder des intérêts états-uniens, causant de lourds dégâts à Chevron et à ExxonMobil.

Il est donc parfaitement vain de croire qu’une visite à Washington suffira à Keir Starmer et à Emmanuel Macron pour renverser la situation.

Il peut paraître absurde d’attaquer ses alliés, mais c’est ce que firent les nazis contre la Pologne et ce qu’ont fait les nationalistes intégraux ukrainiens contre les États-Unis.

12 février

Le président français, Emmanuel Macron, a immédiatement réagi à l’annonce des pourparlers états-uno-russes de Riyad. Il a convoqué, à l’Élysée, le 12 février, une réunion de ses sept principaux alliés du continent européen : les ministres des Affaires étrangères allemand (Annalena Baerbock), espagnol (José Manuel Albares Bueno), britannique (David Lammy), italien (Antonio Tajani), polonais (Radosław Sikorski) et la haute représentante de la Commission européenne pour la Politique étrangère (l’Estonienne Kaja Kallas), ainsi que le commissaire européen chargé de la Défense et de l’Espace (le Lituanien Andrius Kubilius).

Cet aréopage devait déterminer une réponse commune. Bien sûr, il n’en a rien été. Seuls, la France et le Royaume-Uni sont prêts à envoyer des troupes en Ukraine pour faire respecter la mise en application d’une éventuelle paix. L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie y sont fermement opposés. L’UE et particulièrement les baltes souhaiteraient que les autres le fassent.

Au même moment, le secrétaire états-unien au Trésor, Scott Bessent, était à Kiev. Non pas pour donner encore et encore des milliards aux Ukrainiens, mais au contraire, pour leur en réclamer… 500 ! Avec un aplomb trumpien, il présentait la facture exorbitante de trois ans de guerre. Le président ukrainien non-élu, Volodymyr Zelensky lui répondait qu’il ne céderait pas à ce racket.

Enfin, cela, c’est la version officielle. La vérité est tout autre : en juin dernier, Zelensky avait reçu le sénateur Lindsey Graham, vieil ami des « nationalistes intégraux ». Il lui avait expliqué qu’en envahissant son pays, la Russie souhaitait uniquement s’emparer de ses terres rares, dont il avait estimé la valeur entre 10 000 et 12 000 milliards de dollars. Graham l’avait répété lors de son interview à « Face the nation » (CBSNews, 9 juin 2024). Cette idée s’était imposée aux États-Unis, dispensant la classe dirigeante d’écouter la version russe. Or, l’agence Bloomberg révélait, le 19 février 2025, que cette histoire n’était qu’une intoxication, l’Ukraine ne possédant pas ces minerais.

Selon Vladimir Sergienko (Vesti FM), les Européens se sont déjà partagé l’Ukraine, comme ils l’ont fait à l’avance avec l’Iraq, la Libye et la Syrie. Les Britanniques ont un accès privilégié aux ports qu’ils doivent reconstruire et moderniser, les Allemands aux mines, etc. Le Congrès des États-Unis avait adopté, en avril 2022, une loi autorisant la fourniture d’armes à l’Ukraine sur le modèle du prêt-bail de la Seconde Guerre mondiale (Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act of 2022), mais ce texte n’a jamais été appliqué par l’administration Biden et a expiré en septembre 2023. Tout ce que Washington a fourni, que ce soit en argent ou en matériel, l’a donc été à fonds perdus.

L’administration Trump réclame donc aujourd’hui le remboursement de ce qu’elle et les autres alliés occidentaux ont donné sans contrepartie. Elle estime la facture totale à 500 milliards de dollars qui ne sont qu’une petite partie des prétendues 10 000 milliards de dollars que l’Ukraine prétend détenir.

17 février

Dans ce contexte, une seconde réunion, s’est tenue à l’Élysée, le 17 février, avec les mêmes, plus Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN.

L’UE et l’Otan sont deux organisations fondées par les Anglo-Saxons pour surveiller l’Europe occidentale. Ursula von der Leyen et Mark Rutte doivent tous deux leurs nominations à Londres et à Washington, même s’ils ont été élus par tous les représentants des États membres. Mais tous deux la doivent à l’administration Biden, pas à Donald Trump. Ils défendent donc la continuation de la guerre, surtout pas la paix.

La seconde réunion de l’Élysée n’a pas été plus utile que la première.

D’autant plus que le mouvement s’est accéléré : pendant que les lumières européennes déploraient à Paris la révolution trumpiste, le Conseil de défense et de sécurité nationale d’Ukraine donnait l’ordre, le 17 février, de bombarder le pipe-line reliant le Kazakhstan au port russe de Novorossiisk. C’est un des plus gros du monde. Il permet d’exporter d’énormes quantités de pétrole kazakh et russe.

Depuis la mise en place de la loi martiale, ce Conseil est la véritable autorité exécutive d’Ukraine. Il se réunit dans le palais présidentiel de sorte que les étrangers ne sachent pas qu’il exerce, de facto, toutes les fonctions exécutives du pays à la place de son président et de son administration. Ce président, désormais non-élu, Volodymyr Zelensky (son mandat a expiré, il y a huit mois), y siège, mais n’a pas son mot à dire. Toutes les décisions sont prises sous l’autorité de l’ancien patron des services secrets extérieurs (SZRU), Oleksandr Lytvynenko.

Ce Conseil, qui a interdit tous les partis politiques d’opposition, brûlé trois millions de livres et interdit l’Église orthodoxe majoritaire dans le pays, est le fief des « nationalistes intégraux », c’est-à-dire des disciples de Dmytro Dontsov et de son homme demain, Stepan Bandera, les collaborateurs des nazis. En bombardant, en Russie, la principale station de pompage du pipe-line, il savait ce qu’il faisait : il attaquait les intérêts états-uniens en Russie.

Le Caspian Pipeline Consortium (CPC) est propriété
- à 2 % de l’Italien ENI,
- à 7,5 % de la société Caspian Pipeline Co. , filiale de l’États-unien Mobil
- et à 15 % de Caspian Pipeline Consortium Co., filiale de l’États-unien Chevron.

En outre, ce pipe-line fournit la majorité du pétrole consommé en Israël.

Le Conseil de défense et de sécurité nationale d’Ukraine déclarait donc la guerre à l’Italie et aux États-Unis.

18 février

Les délégations états-uniennes et russe se rencontrèrent au palais de Diriyah à Riyad (Arabie saoudite). Comme je l’analysais la semaine dernière [1], Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, insista pour que l’on ne parle pas seulement de la guerre et des questions territoriales, mais aussi des questions de fond, dont les relations entre les deux parties. Marco Rubio, le secrétaire d’État, assura qu’il arrêterait le harcèlement des diplomates russes accrédités dans son pays auquel se livrait l’administration Biden. De même, il ne sera plus question d’annuler des événements artistiques parce qu’ils célèbrent des auteurs russes. Il s’engagea à honorer la signature de Washington et donc à retirer progressivement les troupes de l’OTAN de tous les pays y ayant adhéré après la réunification allemande.

Du point de vue des bellicistes occidentaux, cette première prise de contact fut inégale : seuls Washington fit des concessions, pas Moscou. Mais du point de vue des pacifistes, ce ne pouvait être autrement puisque, dans cette affaire, tous les torts revenaient aux néo-conservateurs des administrations républicaine Bush Jr., et démocrates Obama et Biden. La Russie acceptait que les États-Unis reconnaissent leurs fautes et n’exigeait rien en contrepartie des torts qu’ils avaient causés.

19 février

Le président des États-Unis, Donald Trump commentait alors les bombardements ukrainiens et les négociations avec la Russie : « Je suis vraiment déçu par ce qui s’est passé. Je regarde ça depuis trois ans... J’entends dire que, vous savez, ils [les Ukrainiens] sont contrariés de ne pas avoir été invités [aux négociations avec la Russie] à Riyad. Eh bien, ils ont eu une place pendant trois ans et longtemps avant cela. »

Plus dur, il postait peu après ce message sur TruthSocial : « Pensez-y, un comédien au succès modeste, Volodymyr Zelensky, a convaincu les États-Unis d’Amérique de dépenser 350 milliards de dollars pour entrer dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée, qui n’aurait jamais dû commencer, qu’il ne pourra jamais résoudre sans les États-Unis et « TRUMP ». Les États-Unis ont dépensé 200 milliards de dollars de plus que l’Europe, l’argent de l’Europe est garanti, tandis que les États-Unis ne recevront rien en retour. Pourquoi Joe Biden n’a-t-il pas exigé la péréquation, dans la mesure où cette guerre est bien plus importante pour l’Europe que pour nous – nous avons un grand et magnifique océan comme séparation. En plus de cela, Zelensky admet que la moitié de l’argent que nous lui avons envoyé a « DISPARU ». Il refuse d’organiser des élections, il est très bas dans les sondages ukrainiens, et la seule chose pour laquelle il était doué était de jouer du Biden « comme un violon ». Dictateur sans élections, Zelensky ferait mieux d’agir vite, sinon il ne pourra plus avoir de pays. En attendant, nous négocions avec succès la fin de la guerre avec la Russie, ce que tout le monde admet : seul « TRUMP » et l’administration Trump peuvent le faire. Biden n’a jamais essayé, l’Europe n’a pas réussi à apporter la paix, et Zelensky veut probablement continuer à faire tourner la machine. J’aime l’Ukraine, mais Zelensky a fait un travail terrifiant, son pays est brisé et des MILLIONS de personnes sont mortes inutilement – et ainsi de suite… »

Horrifiées, les élites occidentales pro-Biden accusaient alors Donald Trump de répéter la propagande du « dictateur Poutine. » Selon elles, c’est renverser les charges que d’accuser l’Ukraine d’avoir déclenché la guerre, alors que celle-ci est le seul fait du « dictateur » qui l’a envahie pour la conquérir.

Nous avons expliqué ici, lors du déclenchement du conflit, que celui-ci avait été ouvert par les bombardements de l’armée ukrainienne contre la population de ses territoires du Donbass à partir du 19 février 2022. Ce fait est indiscutable et a été acté par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe qui était chargée d’observer la frontière interne du Donbass. Le colonel suisse Jacques Baud, expert reconnu des services de Renseignements dans le monde, a souligné dans plusieurs ouvrages de fond [2], que l’OSCE avait relevé les bombardements ukrainiens dans les jours précédents la reconnaissance par la Russie de l’indépendance des deux républiques du Donbass, Donetsk et Lougansk, suivie quelques heures plus tard de la signature de deux traités d’Amitié, de Coopération et d’Assistance mutuelle, et deux jours plus tard, du lancement de l’opération militaire spéciale contre les « nationalistes intégraux » ukrainiens (et non pas contre l’Ukraine). L’expression de l’OTAN, repruite dans toues les communiqués officiels de l’ensemble des documents occidentaux, selon laquelle la Russie s’est livrée à une « invasion, illégale et non provoquée » est donc de la pure propagande de guerre.

Dans cette affaire comme toujours, les gouvernements qui déversent une propagande de guerre mensongère sur leurs peuples en sont les premières victimes. Emmanuel Macron, Keir Starmer, Ursula von der Leyen et Mark Rutte n’ont pas échappé à la règle. Ils croient désormais de bonne foi les absurdités qu’ils n’ont cessé de répéter depuis trois ans. [3].

23 février

Volodymyr Zelensky, le « dictateur sans élection », lors d’une conférence de presse à Kiev, annonçait qu’il était prêt à démissionner si cela permettait l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, c’est-à-dire jamais compte tenu de la position des États-Unis. Il a redit que Kiev n’acceptera rien qu’il n’ait lui-même négocié avec les États-Unis et la Russie. Là encore, il est évident que cela n’arrivera pas : les États-Unis et la Russie décideront ensemble, l’UE et l’Ukraine se rangeront, quoi qu’ils disent, à leur volonté.

24 février

Le président russe, Vladimir Poutine, a accordé une interview à la première chaîne de télévision russe. Il a déclaré que la Russie avait bien plus de terres rares que l’Ukraine et que Moscou était « prêt à travailler avec nos partenaires étrangers, y compris avec les États-uniens », pour développer ces gisements. En d’autres termes, si la paix devait advenir, Washington ne pourrait pas exploiter de terres rares en Ukraine, puisqu’il n’y en a pas, mais pourrait le faire en Russie même.

Vladimir Poutine avait déjà dit qu’il n’accepterait de signer de paix avec l’Ukraine que lorsque celle-ci aura un dirigeant légitime. Concernant les élections, qui n’ont pas été convoquées car le Conseil de défense et de sécurité nationale refusait de lever la loi martiale afin d’imposer sa dictature, M. Poutine s’est montré favorable au général Valery Zaloujny, ancien commandant en chef des armées et actuel ambassadeur à Londres. Selon lui, cet homme est deux fois plus populaire dans son pays que ne l’est Zelensky.

Le président français, Emmanuel Macron, s’est rendu à Washington. Selon les télévisions françaises, il a été accueilli à la Maison-Blanche par son homologue, Donald Trump. Mais selon les télévisions états-uniennes, il ne l’a été que par la directrice de cabinet de son homologue, en violation des règles basiques du protocole.

Le 24 février, en duplex depuis Kiev, le président non-élu Volodymyr Zelensky et ses invités participent à une réunion du G7 élargi autour du président états-unien, Donald Trump, en vidéoconférence depuis la Maison-Blanche.

Depuis la Maison-Blanche, il a participé par vidéo à la réunion du G7 qui se tenait à Kiev autour du président non-élu, Volodymyr Zelensky et de Justin Trudeau (Premier ministre canadien), d’Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne) et d’Antonio Costa (président du Conseil européen).
Olaf Scholz (chancelier allemand), Keir Starmer (Premier ministre britannique), Giorgia Meloni (Premier ministre italien), Shigeru Ishiba (Premier ministre japonais) se sont joints par vidéo.
Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol, qui se trouvait également à Kiev, a participé à la réunion.
Tous les participants, y compris Emmanuel Macron, ont fait allégeance au président des États-Unis, Donald Trump et accepté ses décisions.

Emmanuel Macron rejoint une autre aile de la Maison-Blanche après avoir participé à un sommet du G7 élargi sous la présidence de Donald Trump et lui avoir fait allégeance. Il ne sera introduit dans le bureau ovale qu’après une autre réunion de celui-ci et de ses conseillers.

À l’issue de cet échange, et pas avant, Emmanuel Macron a été autorisé à rencontrer le président Donald Trump en tête à tête dans le bureau ovale. On ignore ce que les deux hommes se sont dit, mais lors du point de presse qui a suivi, ils se sont félicités de leur unité. En d’autres termes, le président Macron a abandonné ses doléances pour se rallier sans réserve, comme ses confrères du G7, aux décisions du président Trump.

Keir Starmer, Premier ministre britannique, se rendra, quant à lui, le 27 février à Washington. Il proposera de déployer une force de paix britannique pour garantir le cessez-le-feu, ce qui sera refusé par les présidents Poutine et Trump, un protagoniste ne pouvant devenir un arbitre.

La suite des événements est déjà connue : dans les toutes prochaines années, l’OTAN et l’UE seront dissoutes comme le Pacte de Varsovie et l’URSS l’ont été. C’est la seule solution pour conserver l’unité des États-Unis. Faute de cela, ce sont eux qui disparaîtront.

Les élites européennes devront assumer seules la sécurité de leurs patries. Elles devront donc reconstituer leurs armées. Ce processus demandera une dizaine d’années pour les pays qui, comme le Danemark, commenceront dès demain. Les autres s’exposeront aux aléas de l’Histoire.

La France et le Royaume-Uni, comme les autres, n’ont plus d’armées capables de défendre leur territoire, juste des « forces de projection » qu’elles utilisent pour maintenir les confettis de leurs anciens empires. Pour payer de vraies armées, chacun de ces pays devra couper dans ses dépenses. En France, ce sera évidemment dans les dépenses sociales. Il faudra alors se poser la question de la gabegie dans les services de Santé et d’Enseignement. Les Français sont persuadés, à tort, que leur Sécurité sociale, leurs Allocations familiales et leur retraite par répartition sont indissociables de leur République, alors qu’il s’agit de systèmes hérités du régime fasciste de Philippe Pétain. Certes, ils ont été validés à la Libération par le Conseil national de la Résistance, mais ils n’ont rien de républicain.

Nous devons donc nous préparer à des jours difficiles. Nous devons, non pas dans plusieurs années, mais dans les semaines qui suivent, trouver comment passer de notre modèle social actuel à un autre, plus moderne et plus libre, sans léser les plus démunis. Il est peu probable que notre classe politique actuelle en soit capable. Ses principaux leaders viennent de se rassembler à l’Élysée (encore) avec le président Macron pour confirmer qu’ils partagent sa vision du conflit ukrainien et de la « démence » du président des États-Unis.

Il y a des trains que l’on peut rater pour prendre le suivant. Mais celui-là, c’est le dernier.

Notes:

[1] « Les Occidentaux et le conflit en Ukraine », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 18 février 2025.

[2] Poutine, maître du jeu ?, par Jacques Baud, Max Milo éditions (2022).

[3] Le président Emmanuel Macron a enregistré un monologue d’une heure adressé à ses concitoyens. Il s’y entraine à présenter sa vision du conflit ukrainien. C’est un exemple éclairant d’auto-persuasion.


- Source : Réseau Voltaire

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