Le credo anti-islamiste de l’archevêque d’Alep
Pour Jean-Clément Jeanbart, la descente aux enfers de la Syrie correspond aux objectifs de l’Arabie saoudite et de la CIA américaine. Le meilleur allié des chrétiens? La Russie
Jean-Clément Jeanbart, l’archevêque d’Alep, a des raisons de s’alarmer. A Genève, où il est passé cette semaine après avoir été reçu au Vatican par le pape François, il a eu l’occasion de décrire une nouvelle fois la tragique situation que vivent aujourd’hui les chrétiens de Syrie. Mais le prélat apportait aussi une bonne nouvelle: ses mises en garde, qu’il répète inlassablement depuis le début de la guerre en Syrie, ont fait leur effet. «Notre vision des faits progresse. Les gens comprennent mieux ce qui est réellement en train de se passer», souligne-t-il.
Cette vision «chrétienne» du conflit, au demeurant, n’est pas très éloignée de celle que professent à satiété, par exemple, les médias de propagande russes lorsqu’ils évoquent la situation en Syrie. La guerre actuelle? Elle oppose désormais, grosso modo, les djihadistes à un pouvoir syrien qui, certes, a ses défauts mais qui reste le rempart essentiel face aux islamistes fanatiques. L’opposition modérée? «Elle avait du bon à l’origine, mais elle est sortie du jeu de la guerre. Aujourd’hui, elle n’existe pratiquement plus.»
Cette radicalisation de la guerre a un coupable principal, aux yeux du prélat: c’est l’Arabie saoudite, qui alimente désormais tous les opposants, regroupés dans la bouche de l’archevêque sous la même appellation de Daech (l’acronyme en arabe de l’organisation de l’État islamique). Mais cette descente aux enfers a aussi ses complices. Le sauve-qui-peut de millions de réfugiés syriens, par exemple, qui risquent leur vie pour fuir les combats et les barils d’explosifs largués par les hélicoptères du régime? «C’est un scénario monté par la CIA américaine afin de terroriser l’opinion publique internationale et de préparer une intervention contre Bachar el-Assad», assure Mgr Jeanbart.
De fait, une mise en scène similaire avait déjà été utilisée à l’heure de faire croire à l’utilisation d’armes chimiques à la Ghouta, près de Damas, qui a fait des centaines de morts en 2013 selon des enquêtes indépendantes. «C’était, là aussi, un prétexte des Américains pour bombarder Damas. Seule l’intervention du pape François a permis d’éviter ce qui se préparait», croit savoir l’archevêque.
Jean-Clément Jeanbart en convient: c’est désormais sur la Russie – quelles que soient ses raisons politiques inavouées – que reposent les espoirs des chrétiens d’Orient. Moscou a «bousculé» le projet fou qui consistait à tenter de «désintégrer la Syrie». Un signe: «Vladimir Poutine est le seul dirigeant à afficher publiquement sa confession et à faire le signe de croix devant les caméras.» La Russie n’est pas celle que l’on croit. A l’inverse de l’Occident, elle est mue «par la foi».
Mais l’archevêque le reconnaît également: il prêche surtout pour ses fidèles, dont il a à coeur de garantir la survie. Ainsi, pas un mot pour évoquer les quelque 200 000 personnes assiégées dans les quartiers de l’Est d’Alep qui subissent quotidiennement les bombardements des armées russe et syrienne et qui sont menacés de famine. C’est une zone contrôlée par «Daech». Et les chrétiens, là-bas, «se comptent sur les doigts d’une main».
- Source : Le Temps (Suisse)