Laurent Bénézech: "Briser l'omerta du monde du rugby"
L'ancien pilier international Laurent Bénézech entend rompre la loi du silence qui entoure certaines pratiques discutables en matière de dopage dans le rugby. Attention! Sujet sensible...
Après son procès - gagné - en diffamation pour avoir émis des doutes sur les performances de certains joueurs de rubgy, Laurent Bénézech enfonce le clou.
Comment vous sentez-vous après votre relaxe prononcée en septembre dernier?
Je suis tout d'abord satisfait de voir, dans les attendus, que le contenu de mes déclarations durant l'audience ont été retenus. En particulier, le fait que certaines pratiques, pas obligatoirement illicites, peuvent néanmoins mettre en danger la santé des joueurs. Je suis donc heureux que ma démarche ait été reconnue comme cohérente.
Votre livre ne risque-il pas de relancer la polémique?
Je souhaiterais surtout lancer un vrai débat autour de la question de l'encadrement médicalisé dans le monde du rugby, et sortir de l'omerta dans laquelle nous vivons aujourd'hui. J'ai pris la parole pour faire bouger les choses. Au lecteur, maintenant, de se forger sa propre opinion après avoir lu le livre.
Dans ce livre, vous "balancez" le noms de joueurs connus, emblématiques même - Thierry Dusautoir par exemple. N'avez-vous pas peur de passer pour un traitre?
On m'a tellement accusé d'être un affabulateur... Il me fallait donc, dans un premier temps, prouver ma bonne foi et, sur ce point, je préfère être actif que passif ! Je me doute bien que cela va créer quelques animosités ici ou là. Mais, de toute façon, quoi que je fasse, quoi que je dise, on me traine dans la boue. Autant anticiper et dire "ma" vérité - qui, je le crois, est tout simplement "la" vérité.
Avez-vous eu des contacts avec d'autres joueurs depuis cette affaire?
Aucun! Je croise tout de même parfois des joueurs, qui ont la politesse de me dire bonjour - même si, sur le visage, n'apparaissent pas franchement des signes de plaisir. En revanche, de nombreux formateurs et pas mal d'encadrants m'ont contacté. Tous m'ont dit leur inquiétude devant ce phénomène de fuite en avant.
Vous refusez d'employer le mot de "dopage". N'est-ce pas quelque peu hypocrite?
Quand un mot a plusieurs définitions possibles - et c'est le cas du mot dopage - cela me le rend incompréhensible. Car enfin, de quoi parle-t-on? De la prise exceptionnelle d'un médicament pour une pathologie spécifique? Ou d'un cocktail médicamenteux de 4, 5 ou 6 substances qui peuvent, au final, se révéler dangereux?
Mais cela arrive aussi dans le monde du travail...
Et c'est bien tout le problème! J'entends effectivement dénoncer la banalisation de la prise de médicaments pour un oui pour un non, chez les salariés, chez les séniors, chez les sportifs aussi. C'est justement là où j'emmerde tout le monde! Certains aimeraient bien se contenter d'une simple alternative : il est déclaré positif? Il est dopé. Il n'a pas été pris lors d'un contrôle? Tout va bien.
Comme si la vie était aussi simple que ça...
- Source : Vincent Olivier