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Dimanche, 22 Déc. 2024

Comment les États-Unis aident Netanyahu à saboter le cessez-le-feu à Gaza

Auteur : Jeremy Scahill | Editeur : Walt | Mardi, 03 Sept. 2024 - 14h55

“Les discussions portent sur le succès des objectifs [d'Israël] sans nuire à l'image des États-Unis à l’international, bien que soutenant un génocide qui menace leurs chances de gagner les élections”.

Après la découverte des corps de six nouveaux otages israéliens du Hamas dans la bande de Gaza, la pression monte en Israël sur le gouvernement pour qu’il obtienne un accord de cessez-le-feu et libère les autres otages et soldats faits prisonniers le 7 octobre. L’annonce, dimanche, de la découverte des otages dans un tunnel à Rafah, dont un citoyen américain à la double nationalité, a encore attisé la colère du Premier ministre Benjamin Netanyahu, en particulier celle des familles des otages détenus à Gaza. Elles ont accusé le Premier ministre de saboter les accords de libération de leurs proches, affirmant qu’“il a leur sang sur les mains”.

De hauts fonctionnaires israéliens, en particulier le ministre de la Défense, se sont joints aux appels publics demandant à M. Netanyahou de cesser d’entraver les négociations en vue d’un cessez-le-feu, tandis que le Hamas a déclaré qu’il ne participerait à aucun processus tant que les États-Unis n’auraient pas convaincu Israël d’accepter un cadre de négociation accepté par le Hamas au début du mois de juillet. Le Hamas et les familles des prisonniers israéliens encore détenus à Gaza ont déclaré que M. Netanyahou est responsable de la poursuite de la guerre et de l’impossibilité de procéder à l’échange de prisonniers.

La Maison Blanche dit espérer que les événements de ces dernières 24 heures modifient le cours des choses. Après avoir été informé samedi soir de la découverte des otages à Rafah, le président Joe Biden, qui passe ses vacances dans le Delaware, a déclaré :\“Je pense que nous sommes sur le point de conclure un accord”, ajoutant : “Nous pensons que nous pouvons conclure l’accord, tout le monde en a accepté les grands principes”.

Dès dimanche après-midi, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs régions d’Israël et le maire de Tel-Aviv a annoncé une grève municipale pour lundi. “[N]ous allons permettre à tous les employés de sortir et de soutenir le combat des familles”, a-t-il écrit sur Twitter/X.

À la suite d’une réunion dimanche avec une association de membres de familles de captifs israéliens, le chef de la fédération du travail Histadrut, le plus grand syndicat d’Israël, a annoncé une grève générale. Si cette action se prolonge au-delà d’une grève symbolique d’un ou deux jours, elle pourrait se transformer en cascade en une crise redoutable pour Netanyahu.

“Netanyahu a abandonné les otages. C’est désormais avéré”, a déclaré l’association des familles dans un communiqué. “Nous appelons les citoyens à être prêts. Nous allons bloquer le pays. Nous ne les abandonnerons plus”.

La vice-présidente Kamala Harris a publié une déclaration approuvant la version des faits d’Israël sur les captifs découverts à Rafah et s’est fait l’écho de la promesse de Netanyahu d’éliminer le Hamas.

“Le Hamas est une organisation terroriste malfaisante. Avec ces meurtres, le Hamas a encore plus de sang américain sur les mains”,

a-t-elle déclaré, faisant référence à la mort de Hersh Goldberg-Polin, un double citoyen dont les parents ont pris la parole lors de la Convention nationale du parti démocrate à Chicago au début du mois. M. Goldberg-Polin a été enlevé au festival de musique Nova le 7 octobre et a perdu une partie de son bras après l’explosion d’une grenade dans l’abri où il se cachait.

“La menace que le Hamas fait peser sur le peuple israélien et les citoyens américains en Israël doit être éliminée et le Hamas ne doit pas contrôler Gaza”.

Le Hamas n’a pas encore répondu de manière détaillée à l’accusation d’Israël selon laquelle des combattants du Hamas ont assassiné les six captifs, mais il a accusé Israël d’être responsable de leur mort.

“Nous tenons le terroriste criminel Benjamin Netanyahu et l’administration américaine partisane pour responsables de l’échec des négociations visant à mettre fin à l’agression contre notre peuple et à libérer les prisonniers dans le cadre d’un échange”, a déclaré le groupe dans un communiqué. “Nous le tenons également pour entièrement responsable de la vie des prisonniers tués par sa propre armée”.

Ces dernières semaines, la Maison Blanche a dépeint ses efforts pour parvenir à un cessez-le-feu comme se résumant à la résolution d’une poignée de détails techniques, et Mme Harris a déclaré qu’elle “travaillait sans relâche” avec M. Biden “24 heures sur 24” pour parvenir à un cessez-le-feu dans la guerre de Gaza.

Mais alors que les négociateurs américains s’efforcent d’apaiser M. Netanyahou, le dirigeant israélien mène depuis deux mois une campagne implacable pour faire échouer tout accord, tandis que le Hamas dénonce le processus et affirme que le cadre américain qu’il a accepté au début du mois de juillet doit être respecté.

Un responsable du Hamas impliqué dans les négociations sur le cessez-le-feu a déclaré à Drop Site News que le vice-président et d’autres responsables américains ont délibérément trompé le public sur le processus par crainte que la guerre de Gaza ne nuise aux chances de victoire des Démocrates en novembre.

“Kamala Harris est désormais obsédée par la façon de vaincre Trump, de gagner les élections, et elle sait que le génocide à Gaza et ces massacres sont un élément crucial de la campagne”, a déclaré Basem Naim, membre du bureau politique du Hamas. “Elle veut créer l’illusion que quelque chose est en cours, ce qui est faux”.

Lors d’une interview, M. Naim a déclaré que si les États-Unis souhaitent, à des fins politiques, obtenir une trêve temporaire facilitant la libération des Israéliens détenus à Gaza et permettre à l’aide humanitaire d’atteindre la bande assiégée, ils n’ont par contre donné aucune indication sur leur volonté de voir Israël mettre un terme à sa guerre contre les Palestiniens de Gaza.

“Ils souhaitent un cessez-le-feu, mais ils ne sont pas prêts à mettre fin à la guerre de manière permanente”, a déclaré M. Naim. “Les discussions tactiques portent sur la manière d’atteindre les objectifs [d’Israël] sans nuire à l’image des États-Unis sur la scène internationale, alors qu’ils soutiennent un génocide qui menace leurs chances de remporter les élections”.

Selon lui, les États-Unis reconnaissent également que la guerre menée par Israël en a fait un paria aux yeux d’une grande partie du monde, menaçant ainsi la viabilité d’une nation essentielle à la domination des États-Unis dans la région.

“Les intérêts stratégiques de l’Amérique à préserver Israël en tant que base avancée sur la ligne de front sont en danger”, a déclaré M. Naim.

Établir un cadre

En mai, Joe Biden a présenté ce qu’il a qualifié de

“feuille de route pour un cessez-le-feu durable et la libération de tous les otages”proposée par Israël lui-même. “C’est vraiment un moment décisif. Israël a fait sa proposition”, a déclaré M. Biden le 31 mai. “Le Hamas dit qu’il veut un cessez-le-feu. Cet accord est l’occasion de prouver qu’il le veut vraiment. Le Hamas doit accepter cet accord”.

Le 10 juin, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé une résolutionconfirmant cette entente. Le 2 juillet, le Hamas a annoncé qu’il acceptait de reprendre les pourparlers sur le cessez-le-feu sur la base de cet accord.

“Nous sommes prêts à des négociations qui aboutissent à une cessation de l’agression et à un retrait complet de la bande de Gaza”, a déclaré Khalil Al-Hayya, négociateur principal et adjoint du chef du Hamas, Yahya Sinwar. “Nous sommes prêts à de véritables négociations si Netanyahu adhère aux principes énoncés par le président Biden”.

À l’époque, les négociateurs du Hamas avaient indiqué qu‘ils étaient ouverts à un accord en trois phases qui ne nécessiterait pas d’engagement immédiat en faveur d’un cessez-le-feu permanent et d’un retrait complet des forces israéliennes de la bande de Gaza comme condition préalable à la poursuite du processus. Auparavant, le Hamas avait insisté sur le fait que tout accord devait inclure des mesures clairement définies garantissant la fin de la guerre menée par Israël.

Drop Site News a examiné des documents internes des négociations qui montrent que le 2 juillet, le Hamas a officiellement informé les médiateurs internationaux qu’il avait accepté l’accord, dont le Hamas dit avoir été informé qu’il avait été modifié par les États-Unis et approuvé par Israël le 24 juin. Cet amendement a supprimé le libellé sur lequel le Hamas avait précédemment insisté, qui prévoyait des négociations au plus tard 14 jours après le début de la première phase d’un accord sur les “dispositions nécessaires au retour d’un calme durable (cessez-le-feu permanent)”, selon un projet dont Drop Site News a eu connaissance. Le Hamas a estimé que ce compromis témoignait de sa volonté de parvenir à un accord.

“Si vous établissez une chronologie des négociations au cours des dix derniers mois, vous observerez un schéma constant de la part des Israéliens : chaque fois que nous sommes sur le point de parvenir à un accord, soit ils commettent de nouveaux massacres, soit ils reviennent sur l’accord et ajoutent de nouvelles exigences”, a déclaré M. Naïm.

Le gouvernement israélien n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Le “coup” de Netanyahu contre sa propre proposition de cessez-le-feu

Depuis le début du mois de juillet, M. Netanyahu a intensifié les attaques israéliennes à Gaza, a ajouté à plusieurs reprises de nouvelles exigences à l’accord et a assassiné Ismail Haniyeh, le chef politique du Hamas et son principal négociateur, à Téhéran. Parmi les nouvelles exigences formulées par M. Netanyahu figure le droit de continuer à occuper le couloir Philadelphie le long de la frontière avec l’Égypte, de maintenir le contrôle du poste frontière de Rafah et de positionner des troupes israéliennes dans le centre de Gaza, le long de l’axe de Netzarim, où les forces de défense israéliennes établiraient des checkpoints pour fouiller les Palestiniens qui cherchent à rentrer chez eux dans le nord de la bande de Gaza.

L’Égypte s’est opposée aux propositions israéliennes de rester dans le couloir de Philadelphie. Israël a demandé au Caire de modifier un accord de 2005, une annexe de sécurité au traité de Camp David signé en 1979, interdisant à Israël d’y stationner ses forces. L’Égypte a rejeté cette demande en déclarant que

“l’ouverture d’une discussion sur l’amendement du traité de Camp David pourrait conduire à de nouvelles crises auxquelles le traité ne résisterait pas, en particulier à la lumière de la colère croissante en Égypte face aux pratiques israéliennes [à Gaza]”.

Entre-temps, le site d’information égyptien indépendant Madr Masr a récemment publié des images satellite montrant qu’Israël a renforcé sa présence le long de Netzarim. L’armée israélienne a commencé à détruire au bulldozer des zones situées le long de cet axe cinq mois après le début de la guerre et insiste sur le maintien de sa présence dans le cadre d’un accord avec le Hamas.

“Personne au sein du Hamas ne peut accepter une quelconque forme de présence israélienne dans le couloir de Netzarim qui enquête sur les gens alors qu’ils rentrent chez eux. Et personne n’accepte la présence militaire dans le couloir Philadelphie et le checkpoint de Rafah”, a déclaré Naim. “Le seul moyen de parvenir à un accord est de supprimer ces points de tout accord”, qui “signifieraient que nous acceptons une occupation permanente de la bande de Gaza”.

M. Naim a également déclaré qu’Israël insiste pour obtenir de nouveaux droits de veto sur la libération des prisonniers palestiniens détenus par Israël, empêchant ainsi la libération de prisonniers politiques précieux, notamment ceux du Hamas et d’autres groupes de résistance qui purgent des peines de prison de plusieurs dizaines d’années.

“[Netanyahu] a totalement modifié les termes concernant l’échange de prisonniers, qui a déjà été convenu et négocié pendant des mois”, a déclaré Naim. “Il serait honteux pour un Palestinien d’accepter un tel accord”.

Plutôt qu’insister sur le respect de ce que Biden a déclaré être la propre proposition d’Israël en mai, les États-Unis se sont accommodés des objectifs de Netanyahu en permettant une présence indéfinie des forces israéliennes à Gaza et une campagne d’attaques militaires à durée indéterminée. Depuis l’assassinat de Haniyeh et la nomination de Sinwar pour lui succéder en tant que chef du Hamas à Gaza, le Hamas a déclaré qu’il ne participerait pas à ce qu’il a décrit comme un processus truqué se faisant passer pour des négociations.

“Les nouvelles conditions ajoutées par Netanyahu constituent un coup d’État contre sa propre proposition”, a déclaré M. Naim.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken rencontre le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi à El-Alamein le 20 août 2024. Photo © KEVIN MOHATT/POOL/AFP via Getty Images.

Blinken n’est plus crédible

Début août, la Maison Blanche a insisté sur l’imminence d’un cessez-le-feu et a présenté ce qu’elle a appelé une “proposition finale de rapprochement” pour résoudre les questions en suspens. “Nous sommes plus proches [d’un accord] que nous ne l’avons jamais été”, a déclaré M. Biden le 16 août. Quatre jours plus tard, le secrétaire d’État Antony Blinken était à Tel Aviv pour rencontrer Netanyahu. “Il y est favorable”, a déclaré M. Blinken aux journalistes à l’issue de leur entretien. “Il incombe maintenant au Hamas de faire de même”. Quelques heures après le départ d’Israël de Blinken, les collaborateurs de Netanyahu diffusaient des articles contestant ces affirmations, disant que le Premier ministre israélien avait en fait convaincu Blinken d’accepter qu’Israël continue d’occuper certaines parties de Gaza. Les États-Unis ont nié cette information.

“M. Blinken a nui à l’ensemble du processus parce qu’il a perdu toute crédibilité en tant que médiateur sérieux”, a déclaré M. Naim. “Nous assistons aujourd’hui au pire exemple que puisse donner le secrétaire d’État d’une superpuissance. Il est très affaibli, très peu crédible. C’est un échec cuisant.”

Naim a déclaré que les propositions dites de transition recommandent largement au Hamas d’accepter certains aspects des nouvelles exigences ajoutées par Netanyahu après que le Hamas ait accepté la trame définie par Biden et l’ONU.

“Nous sommes prêts à négocier si nous discutons d’un plan opérationnel pour mettre en œuvre ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord le 2 juillet”, a déclaré M. Naim. “Nous ne sommes pas prêts à négocier une nouvelle proposition parce que [Netanyahu] a ajouté de nouvelles exigences qui n’ont rien à voir avec les anciennes.”

La Maison Blanche insiste sur les progrès réalisés.

“Les discussions de haut niveau qui ont eu lieu au Caire ces derniers jours ont été constructives et réalisées avec la volonté de tous de parvenir à un accord définitif et réalisable”, a déclaré un responsable du département d’État dans un communiqué transmis à Drop Site News. “Le processus se poursuit dans le cadre de groupes de travail afin d’examiner les questions et les détails restants. Nous soulignons l’urgence d’un accord pour toutes les parties”.

Le Hamas maintient qu’il n’a pas participé directement aux négociations ou aux “groupes de travail”, se contentant de recevoir des actualisations de la part des médiateurs égyptiens et qataris, puis de proposer leurs réponses.

“Nous n’avons pas participé aux négociations”, a déclaré M. Naim. “Le dernier cycle de négociations s’est déroulé uniquement entre les médiateurs, les Américains et [Israël].”

Il a ajouté que les médiateurs ont déclaré au Hamas que les délégations israéliennes ne semblent pas habilitées par Netanyahu à prendre des décisions et que la plupart du temps, lorsque des progrès semblent réalisables, Netanyahu oppose son veto aux suggestions de sa propre délégation.

“Ils ne sont pas autorisés à négocier sérieusement [sur] quelque point que ce soit”, a déclaré M. Naim. “Il ne s’agit que de négociations entre médiateurs et Israéliens. Ou pour être plus précis, ce sont des négociations entre les médiateurs, les Américains et Netanyahu. Et en l’occurrence, l’un des médiateurs EST la délégation israélienne”.

Jeudi, le cabinet de sécurité israélien a voté pour soutenir la volonté de Netanyahu de maintenir ses effectifs en position le long du couloir de Philadelphie, entre Gaza et l’Égypte. Selon les rapports des médias sur cette rencontre, le propre ministre de la Défense de Netanyahu, Yoav Gallant, s’y est opposé.

“Le Hamas ne l’acceptera pas, il n’y aura donc pas d’accord et aucun otage ne sera libéré”, aurait déclaré M. Gallant. “Vous menez les négociations de votre côté”, a-t-il ajouté, “nous apprenons tout après coup”.

La proposition de Netanyahu a été approuvée, Gallant étant le seul à voter contre.

M. Naim a déclaré que l’optimisme exprimé récemment par les responsables américains en faveur d’un accord mettant fin à la guerre n’est qu’une tentative d’occulter une réalité de plus en plus désastreuse, dont les enjeux sont aggravés par l’invasion brutale de certaines parties de la Cisjordanie par Israël, qui a débuté mercredi.

“Ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie est un signe clair, une indication sans équivoque que ce conflit a besoin d’une solution politique. Et les Palestiniens ont tous les droits d’atteindre leurs objectifs nationaux de dignité, de liberté et d’indépendance, d’autosouveraineté”, a déclaré M. Naim. “En laissant faire ces dirigeants fascistes en Israël, ils risquent non seulement de déstabiliser la situation ici, mais aussi celle de toute la région. Car jour après jour, ils transforment ce conflit politique en conflit religieux”.

Traduction : Spirit of Free Speech

Image en vedette : Capture d’écran. Kamala Harris rencontre Benjamin Netanyahu à Washington, le 25 juillet 2024 © Roberto Schmidt/AFP via Getty Images


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