Guerres économiques mondiales - Les cabinets d'avocats US, Palantir, la suspension du FCPA, le Cloud Act

Partie 6 : Puissance culturelle US
Il n’est pas sans rappeler la puissance culturelle US à travers non seulement son industrie cinématographique (Hollywood) mais également musicale qui a tendance à imposer au monde entier des valeurs américaines de façon insidieuse.
Les cabinets d’avocats US, cheval de Troie de l’administration états-unienne ?
Les entreprises françaises font appel à des cabinets d’avocats US pour s’assurer de respecter les règles d’extraterritorialité américaines. Dans ce cadre, les cabinets d’avocats US ont la capacité d’identifier les vulnérabilités de leurs clients français et d’obtenir des données stratégiques. Et si ces données et informations étaient utilisées pour renforcer les entreprises US dans leurs marchés respectifs ?
Cette question peut également être soulevée pour les cabinets de conseils, d’audit et de fiscalité anglo-saxons qui prédominent en France.
Le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act)
Le Cloud Act a été voté par les États-Unis en 2018 et permet à l’État américain d’accéder aux données d’acteurs économiques sous le coup d’investigation de la justice US. Les entreprises étrangères subissent l’extraterritorialité de cette loi qui permet à la justice américaine d’accéder aux données stockées à l’étranger. En effet, le Cloud Act a pour perspective de donner au gouvernement US un accès libre aux données à caractère personnel et professionnel récoltées par les entreprises américaines en Europe. Cette loi s’adresse aux fournisseurs de services sans passer par une demande d’entraide judiciaire internationale. Le Cloud Act peut donc permettre aux autorités US de capter le savoir-faire des entreprises étrangères via des acteurs économiques incontournables tel que Microsoft en situation de quasi-monopole avec son système d’exploitation Windows et sa suite Office.
Palantir, la start-up financée par la CIA, s’est imposée au cœur des services de renseignement français
En 2016, la DGSI (la direction générale du renseignement intérieur français) a signé un contrat avec Palantir, une start-up US basée dans la Silicon Valley, qui a parmi ses premiers investisseurs In-Q-Tel, le fonds lié à la CIA.
Avec Palantir, les services US ont eu à priori une fenêtre grande ouverte sur des informations sensibles et sur la lutte antiterroriste française. Il a été mis en avance une absence de solution française et européenne, à l’époque, pour traiter le « big data » nécessaire à la lutte antiterroriste hexagonale. Cette collaboration visait à faciliter le travail des enquêteurs, parfois noyés par la masse des renseignements recueillis. En effet, les capacités d’écoute des services de renseignements ont notamment été décuplés par la loi sur le renseignement, votée en juillet 2015, qui permet une surveillance de masse de l’internet français.
En 2022, la DGSI a lancé un appel d’offres avec pour objectif remplacer son ancien système de gestion de données de masse fourni par l'américain Palantir par un outil 100 % tricolore. Le vainqueur du marché en 2024 a été ChapsVision. Après une longue série de tests techniques, cet éditeur de logiciels fondé en 2019 par Olivier Dellenbach a été préféré à Athea, la joint-venture portée par les plus imposants groupes Thalès et Atos, mais cette victoire tricolore n’arrive-t-elle pas trop tard, là où Palantir a déjà pris connaissance de tous les rouages de la DGSI ?
La suspension du Foreign Corrupt Pratctices Act (FCPA)
Donald Trump a signé début février 2025 un décret visant à suspendre le Foreign Corrupt Practices Act, une loi de 1977 qui permettait à la justice américaine de poursuivre les entreprises et leurs dirigeants pour des faits de corruption à l’étranger. Ce revirement majeur revient à octroyer un permis de corrompre aux entreprises US sur les marchés internationaux sous couvert d’une dérégulation prétendument destinée à renforcer leur compétitivité.
Depuis une quinzaine d’années, le Department of Justice a conféré au FCPA une portée extraterritoriale afin d’empêcher officiellement les entreprises US d’être désavantagées face à des concurrents moins scrupuleux. Mais cette loi, sous l’administration Obama notamment, est devenue une véritable arme de guerre économique pour affaiblir les entreprises non américaines, y compris celles de pays alliés. Entre 2008 et 2018, sur les 26 entreprises ayant écopé des sanctions les plus lourdes, 14 étaient européennes et seulement 5 américaines.
Il sera intéressant de voir l’impact de la suspension du FCPA qui risque de relancer des guerres économiques à grande échelle avec de grosses affaires de corruption à l’étranger.
Chapitre II (l’espionnage) à venir
Partie 1: L’explosion des Nord Streams et la crise financière de 2008
Partie 2: la déstabilisation d'Atos
Partie 3: La cession du pôle énergie d’Alstom à General Electric
Partie 4: le cas Airbus et la prise de contrôle de Gemplus
Partie 5: Les entrées au capital ou collaborations de sociétés US /UK qui posent question
L'auteur, Anne Philippe, est spécialiste en intelligence économique et en relations internationales et diplômée de l’Université Panthéon-Assas. Elle a beaucoup voyagé notamment en Europe dans le cadre de ses activités professionnelles. Economiste et financière de formation, elle s’est intéressée très tôt au droit international et aux crises financières en particulier celle de 2008.
- Source : France-Soir