Guerres économiques mondiales - le cas Airbus et la prise de contrôle de Gemplus

Partie 4 - Le cas d’Airbus
En 2017, des nuages noirs se sont amoncelés au-dessus d’Airbus empêtré dans plusieurs enquêtes sur des soupçons de corruption. Un audit interne, confié par Tom Enders (surnommé dans les notes de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur français « Le Cheval de Troie » pour entre autres son attachement inconditionnel aux États-Unis et à son service de renseignement) à un cabinet d’avocats new-yorkais, Hughes Hubbard & Reed, a menacé le groupe d’une prise de contrôle discrète US.
En effet, la loi américaine impose à tout cabinet d’avocats US qui aurait connaissance d’irrégularités chez ses clients d’en informer la justice américaine.
Comme l’a mentionné son Président, l’Allemand Tom Enders, Airbus est sous le feu des médias et de la justice avec plusieurs enquêtes ouvertes portant sur d’éventuelles irrégularités dans des contrats de ventes d’appareils civils et militaires.
On imagine mal pourtant comment Airbus aurait pu éviter de passer par la case « lourdes pénalités financières US » en soumettant tous ses documents internes liés à la conclusion de contrats de ventes sur lesquels la direction du groupe avait émis des soupçons. La stratégie visant à aller au-devant de la justice européenne, soi-disant pour éviter des poursuites américaines, est mise au compte de l’Anglais John Harrison. Cet ancien du groupe Airbus l’avait quitté quelques années auparavant pour rejoindre Technip, un fleuron français de l’ingénierie pétrolière, avant de revenir chez Airbus en 2015. Le nom de John Harrison, est associé à la fusion de Technip, à la suite de déboires avec la justice US, à 50/50 avec l’américain FMC pourtant trois fois plus petit que lui, et a installé par la suite le siège du nouvel ensemble à Londres.
Pour certains, la prise de contrôle US d’Airbus a en réalité déjà commencé en juillet 2016 avec notamment la nomination de l’Américain Paul Eremenko à la direction technique du groupe. Paul Eremenko avait préalablement effectué une partie importante de sa carrière au DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), l’agence du Pentagone. De même, on peut s’interroger de la vente à cette époque de la division d’électronique de défense du groupe au fonds américain KKR dirigé par l’ancien directeur de la CIA, le général David Pétraeus.
On notera également qu’Airbus a fait appel à Palantir, financé par la CIA, pour réduire les coûts de l’A350 tout comme Stellantis qui a fait appel à Palantir pour qu’il déploie son logiciel visant à accélérer la transformation numérique du groupe automobile.
La prise de contrôle de Gemplus
L’École de Guerre Économique (EGE) identifie certains fonds d’investissements américains (Blackstone, One Equity, BlackRock, KKR, Carlyle….) comme « outil de prédation financière contribuant à l’affaiblissement des économies concurrentes… notamment à travers la prise de participation et le rachat d’entreprises stratégiques, ainsi que par le rapatriement de leurs technologies sur le sol américain ». L’EGE constate notamment qu’une entrée au capital de ces entreprises est « généralement réalisée de gré lorsque l’entreprise cible traverse des difficultés financières » plus ou moins opportunes.
À ce titre, on peut citer notamment la prise de contrôle effectif totale en 2006 de Gemplus (le créateur des cartes à puces) par une société liée à la CIA. La société française, promise à être le leader des technologies de transactions électroniques et des télécommunications, a vu finalement ses brevets devenir propriété américaine.
À la suite de la divulgation du lanceur d’alerte de la NSA, Edward Snowden, on sait que le Siège des Communications du Gouvernement Britannique (GCHQ), travaillant avec la NSA, avait déjà pénétré avec succès les cartes SIM utilisées par Gemalto (issu de la fusion entre Gemplus et Axalto).
Le travail des services de renseignements états-uniens pour acquérir le leader de la technologie des cartes à puce français avait débuté dès 2001 et s’est poursuivi sur plusieurs années. Les documents internes de « En Marche » identifient pourtant quatre agences gouvernementales françaises qui ont mené des enquêtes sur la prise de contrôle de Gemplus (les Renseignements Généraux, la Direction de Surveillance du Territoire, le ministère de l’Industrie et le ministère de l’Économie d’Emmanuel Macron). Le rôle de Macron était, à cette époque, de s’assurer que les entreprises françaises étaient à l’abri des tentatives étrangères visant à bloquer la croissance économique française, sa performance…
Pourtant, dès 2002, Alex Mandl, un Américain ancien président de AT&T, président et directeur de Teligent, membre du conseil d’administration de la société In-Q-Tel (fonds de la CIA) avait « été nommé PDG de Gemplus International puis président exécutif de Gemalto. Cette proximité avec le renseignement US aurait dû attirer l’attention du gouvernement français.
Partie 5 à venir
Partie 1: L’explosion des Nord Streams et la crise financière de 2008
Partie 2: la déstabilisation d'Atos
Partie 3: La cession du pôle énergie d’Alstom à General Electric
L'auteur, Anne Philippe, est spécialiste en intelligence économique et en relations internationales et diplômée de l’Université Panthéon-Assas. Elle a beaucoup voyagé notamment en Europe dans le cadre de ses activités professionnelles. Economiste et financière de formation, elle s’est intéressée très tôt au droit international et aux crises financières en particulier celle de 2008.
- Source : France-Soir