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Jeudi, 27 Nov. 2025

«Misinformation» climatique sur CNews ? Une décision problématique du Conseil d’Etat

Auteur : France-Soir | Editeur : Walt | Jeudi, 27 Nov. 2025 - 13h53

Le 6 novembre dernier, le Conseil d'État a rejeté le recours présenté par CNews en vue de l’annulation d’une sanction de l’Arcom au titre d’une mauvaise information en matière climatique. 

Cette décision, applaudie par les fans de la thèse d’une crise climatique due à l’homme, est aussi critiquée comme un acte de censure. En fait, elle est surtout inquiétante quant à la posture de la justice administrative sur des sujets de type scientifique.

Le reproche de l’Arcom : durant l’émission ‘Punchline été’ du 8 août 2023, l’un des quatre invités a exprimé une opinion controversée en matière climatique, sans être assez contredit.

Dans l’émission Punchline, les ‘grands témoins’ invités du présentateur commentent l’actualité durant deux heures. Ce jour-là, le 8e et dernier sujet sont le record de température enregistré en juillet 2023 et une sécheresse au Loch Ness. Les 4 invités : une députée au Parlement européen, une climatologue, un secrétaire général d’association, un économiste.

La séquence dure 18 minutes. La climatologue s’exprime en premier, liant le record de température au rôle de l’homme dans le climat. L’économiste dit que ce rôle n’est pas prouvé de façon scientifique : des modèles de projections ne sauraient constituer une preuve ; des scientifiques de haut niveau (tel le Nobel de physique 2022) s’opposent à la thèse d’une crise climatique. Des raisons solides. 

Chacun donne sa conclusion lors d’un dernier tour de table ; la climatologue, puis le présentateur et la députée se disent inquiets ; l’économiste ne l’est pas : le climat a toujours changé, dit-il, et ainsi, « expliquer que c’est à cause de l’Homme (…) c’est de l’ordre du complot, (…) ça justifie l’intervention de l'État dans notre vie, et ça aussi absout l'État de devoir diminuer ses dépenses publiques. Élisabeth Borne a annoncé qu’on allait dépenser 60 milliards d’euros par an pour lutter (…) contre ce soi-disant réchauffement, (…) ça permet d’intervenir dans l’agenda, dans la vie des gens, l’habitation, le transport, l’industrie, l’agriculture (…). Moi qui suis un économiste libéral, c’est une forme de totalitarisme. » Le SG d’association se dit alors inquiet, mais sans alarmisme. 

Qu’a mis en avant l’ARCOM pour sanctionner le 3 juillet 2024 CNews à hauteur de 20 000€ ?

  • La récidive : CNews avait été enjoint en 2022 de respecter les règles ARCOM sur « l’obligation d’honnêteté et de rigueur de l’information », dont celles relatives à « l’obligation de présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l’expression des différents points de vue », et celles relatives à « l’obligation de maîtrise de l’antenne ».
  • « L’intervenant a ainsi pu exprimer une thèse controversée et non vérifiée par les données acquises de la science sans que la position qu’il défendait ne soit mise en perspective et sans qu’une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos ». La thèse est à la fois le manque de preuve d’une crise climatique et l’idée que cette crise justifie une intervention coûteuse et intrusive de l'État. Selon les règles Arcom, cette thèse devait être mise en perspective et soumise à contradiction ensuite.
  • Enfin, la thèse n’a « donné lieu à aucune réaction de la part des autres personnes présentes en plateau », d’où un manquement à l’obligation de maîtrise de l’antenne.

Que dit le Conseil d'État : « l’intervenant, un 'économiste', a, à deux reprises, contesté l'existence d'un réchauffement climatique dû aux activités humaines, niant son caractère scientifiquement établi et la qualifiant de mensonge et d'escroquerie, imputable à un complot destiné à justifier l'intervention de l'État dans la vie quotidienne des citoyens et qui s'apparenterait à une forme de totalitarisme. Ni le présentateur ni les autres invités de l'émission n'ont apporté de contradiction à ces propos grossièrement erronés et manifestement non conformes aux données acquises de la science, au surcroit accompagnés de propos de caractère complotiste. » Or il faut « n'aborder les questions prêtant à controverse qu'en veillant à une distinction entre la présentation des faits et leur commentaire et à l'expression de points de vue différents ». 

Comment appliquer ces règles Arcom lorsqu’une telle ‘thèse’ apparait de façon inopinée, comme ce fut – probablement – le cas le 8 août 2023 ? Lorsque l’économiste s’exprime, le présentateur réagit ‘bien‘ : il souligne le désaccord, repasse la parole à la climatologue. Problème : celle-ci ne répond pas aux arguments sceptiques ! Puis, au tour de table conclusif, elle parle en premier, et quitte l'antenne… C’est alors que l’économiste donne sa lecture socio-politique du sujet. Le présentateur et les deux autres témoins expriment leur inquiétude sur les perspectives climatiques, sans revenir sur la position de l’économiste. La climatologue - qui a bénéficié du plus long temps d’antenne - partie, et les deux autres témoins s’avérant peu affutés, le présentateur aurait-il dû conclure par une diatribe contre la position de l’économiste ?

Dans tout cela, plusieurs sujets se superposent :

  • La notion de question ou thèse controversée : de quoi s’agit-il ? En démocratie, n’y a-t-il pas des désaccords sur chaque sujet ? Du coup, les thèses visées sont-elles en fait les minoritaires, non conformes aux vues communément admises, voire en opposition aux vues des autorités ? C’est ce qui semble ressortir de la jurisprudence Arcom, un peu comme en Grande-Bretagne : un encadrement de positions minoritaires qui gênent.

Ce n’est pourtant pas ce qui ressort de la lecture directe des règles Arcom et des commentaires du Conseil : toute question controversée ne devrait-elle pas donner lieu à l’expression des divers points de vue ? Ce n’est guère le cas sur les chaines TV classiques ; en témoigne le traitement des sujets liés au conflit en Ukraine : la russophobie n’est-elle pas reine sur ces antennes, sans contradiction ? 

  • Le traitement des sujets scientifiques : l'Arcom cite une thèse « non vérifiée par les données acquises de la science » : quelle est sa source pour cette affirmation ? absente de sa décision ! De son côté, le Conseil d'État évoque la « négation d’un caractère scientifiquement établi », des « propos grossièrement erronés et manifestement non conformes aux données acquises de la science ». Là encore, sur quoi s’appuie l’assertivité du Conseil ? Quelle est la compétence ou la légitimité de l’Arcom et du Conseil pour de telles affirmations dans le domaine scientifique ?

D’ailleurs, la controverse n’est-elle pas le mode d’avancement de la science, et les grands (Galilée, Copernic, Einstein, etc.) n’ont-ils été vilipendés, etc. avant que leurs thèses ne l’emportent ? 

Sur le climat, la référence citée est souvent le GIEC, pourtant un organisme intergouvernemental de nature non essentiellement scientifique, dont les rapports ont souvent été amendés et synthétisés dans le sens souhaité par les politiques. Et aux USA, les autorités ont retenu en 2025 un rapport scientifique contraire aux thèses du GIEC. Aujourd’hui, l’Europe est quasi-seule à accorder une priorité aux sujets GIEC, et l’UE et les États membres réduisent chaque jour la portée des mesures ‘climatiques’ adoptées ces dernières années. 

  • Complotisme : signale sans commentaire la mention par l’économiste d’un complot ; le Conseil s’offusque d’un « propos de caractère complotiste ». Sait-il que la CIA est à l’origine de l’acception contemporaine du mot complotiste, comme désignation des critiques d’une thèse officielle (le rapport Warren sur l’assassinat de JFK) ? Or, les supposés complotistes s’avèrent souvent (cf. le Covid) les précurseurs des vues qui s’imposent peu à peu (cf. vidéo d’Aberkane « complotiste, un compliment ?»). 

Le rôle du Conseil est seulement de vérifier l’absence d’une erreur manifeste dans la décision de l’Arcom, ce qu’il dit avoir fait : pas d’inexacte application des pouvoirs qu'elle tient de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986, ni retenu une sanction disproportionnée, ni porté une atteinte excessive à la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Pour autant, la motivation du rejet du recours de CNews pêche par la prétention régalienne du Conseil de distinguer sans explication le vrai du faux en sciences, et par le recours médiocre à la doxa « anti-complotiste ». Résultat : un alignement sur les thèses du gouvernement.

DOCUMENTATION

Punchline Été (Émission du 08/08/2023) | CNEWS (à 1h 22) 

décision n° 2024-656 du 3 juillet 2024 : Arcom - Sanction pécuniaire Punchline Eté 8 août 2023.pdf

décision Conseil d’Etat : ArianeWeb

Tocsin : Il conteste le réchauffement climatique : 20 000 d'euros d'amende ! - Philippe Herlin

Désinformation climatique : CNews définitivement condamnée à 20 000 euros d’amende

Idriss Aberkane  : Conférence : Comment le mot "complotiste" est devenu un compliment en 2025 ? (UPR, 2025)


- Source : France-Soir

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