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Dimanche, 29 Juin 2025

Zone euro : l’impasse démocratique d’une monnaie unique imposée

Auteur : Orestis Nikiforou | Editeur : Walt | Dimanche, 29 Juin 2025 - 12h47

Depuis son adoption, l’euro est présenté comme un symbole d’unité et de prospérité européenne. Pourtant, la monnaie unique ne profite pas à tous les États membres. Privés de souveraineté monétaire, certains pays sont enfermés dans une économie rigide, avec une croissance faible et un chômage élevé. Cet article analyse les enjeux démocratiques et économiques liés à la zone euro, remet en question le dogme «TINA» (There Is No Alternative), et explore les opportunités offertes par les monnaies numériques nationales et les initiatives monétaires innovantes.

Introduction

Depuis plus de vingt ans, l’euro est présenté comme l’emblème d’une Europe unie, forte et prospère. Mais derrière ce discours consensuel se cache une réalité plus trouble : la monnaie unique est devenue un carcan pour plusieurs États membres, un outil de rigidité économique et, surtout, une atteinte à la souveraineté démocratique des peuples européens.

Une monnaie unique… sans choix démocratique

Les pays qui ont adopté l’euro ont en effet renoncé à contrôler leur politique monétaire. Ce transfert de souveraineté, confié à la Banque centrale européenne (BCE), a un impact direct sur la vie quotidienne : croissance atone, chômage structurel élevé, incapacité à dévaluer face aux crises. Et le plus grave, c’est que ce choix fondamental n’a jamais été soumis à un véritable débat démocratique dans tous les pays concernés.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes

Les pays hors zone euro, comme la Pologne, la Tchéquie ou la Suède, affichent aujourd’hui une croissance plus solide et un chômage plus faible que la moyenne des pays de la zone euro. Pourquoi ? Parce qu’ils ont conservé la maîtrise de leur monnaie, leur capacité à réagir aux chocs, à s’adapter aux besoins économiques locaux.

Une sortie de l’euro tardive serait-elle avantageuse ?

Face aux tensions économiques et sociales récurrentes dans certains pays de la zone euro, la question d’une sortie tardive se pose avec acuité. Si l’adhésion initiale à la monnaie unique s’est souvent faite sous des pressions économiques et politiques, les difficultés persistantes soulèvent le doute : quels seraient les bénéfices ou risques d’une sortie de l’euro, même après plusieurs années d’appartenance ?

D’un côté, une sortie tardive pourrait offrir un regain de souveraineté monétaire, permettant à un pays de dévaluer sa monnaie pour restaurer sa compétitivité, ajuster ses taux d’intérêt à sa situation réelle, et relancer son économie. Cela offrirait des marges de manœuvre qui manquent aujourd’hui dans le cadre rigide de l’euro.

D’un autre côté, cette démarche s’accompagnerait de défis importants : instabilité financière temporaire, incertitudes sur les marchés, sortie des contrats libellés en euro, et potentiellement une forte perte de confiance. La transition nécessiterait donc une préparation rigoureuse et un consensus politique fort.

Cependant, compte tenu de la stagnation économique et des taux de chômage élevés observés dans plusieurs pays de la zone euro, ne pas envisager cette option revient à enfermer ces pays dans un carcan économique pesant, aux conséquences sociales lourdes.

TINA : le slogan «Il n’y a pas d’alternative» est fallacieux, propagandiste et contraire au principe du débat démocratique

Dans le contexte européen actuel, où la monnaie unique est devenue l’un des piliers du projet politique de l’Union, le slogan TINA – There Is No Alternative – est régulièrement brandi pour étouffer toute critique ou remise en cause. Or, ce discours est non seulement faux, mais aussi dangereux pour la démocratie.

Affirmer qu’il n’existe aucune alternative à la zone euro revient à nier la diversité des réalités économiques des États membres et à imposer un modèle rigide sans possibilité d’adaptation. Ce dogme sert d’outil de propagande pour verrouiller les débats, justifier des politiques d’austérité ou des réformes néolibérales impopulaires, et éviter toute remise en question des institutions européennes.

Cette absence de débat démocratique autour des choix monétaires bafoue les principes mêmes sur lesquels repose l’Union européenne : la souveraineté des peuples, le pluralisme politique et la démocratie participative. En réalité, des alternatives crédibles existent, qu’il s’agisse de mécanismes différenciés, d’une plus grande solidarité budgétaire ou d’une diversification monétaire.

Refuser de les envisager, c’est trahir l’esprit même de l’Europe démocratique.

Les monnaies numériques nationales et initiatives collectives : un levier d’autonomie et d’innovation

Dans un contexte où la souveraineté monétaire est au cœur des débats, l’émergence des monnaies numériques nationales (CBDC – Central Bank Digital Currency) ouvre de nouvelles perspectives. Ces monnaies digitales, émises et garanties par les banques centrales, permettraient :

Une meilleure maîtrise des flux monétaires par les États,

Une réduction des coûts et des délais des transactions,

Une plus grande transparence dans la politique monétaire et financière,

Le développement de mécanismes ciblés de soutien économique (par exemple, versements directs de fonds aux citoyens).

Parallèlement, des initiatives collectives autogérées de monnaies complémentaires ou locales se multiplient, favorisant des circuits courts économiques, la résilience locale, et le renforcement des liens sociaux. Ces systèmes peuvent coexister avec la monnaie officielle tout en stimulant l’économie réelle.

Ces innovations offrent donc des outils potentiels pour réconcilier souveraineté monétaire, démocratie et adaptation économique, que ce soit dans les pays hors zone euro ou dans ceux cherchant à recouvrer leur souveraineté monétaire.

Une Europe solidaire et flexible, pas rigide et coercitive

Plutôt que de forcer une uniformité monétaire illusoire, l’Europe gagnerait à construire une intégration fondée sur la solidarité : un mécanisme de transferts budgétaires, des politiques communes de relance, et la possibilité de chemins différenciés selon les besoins et spécificités des États.

C’est à ce prix que l’Europe redeviendra un projet politique crédible, capable de répondre aux crises sans sacrifier ses peuples.

Conclusion : refuser l’immobilisme

La zone euro, en l’état, est une cage dorée pour certains États membres. La démocratisation du débat sur la monnaie unique est une urgence politique. Refuser la liberté de sortie, c’est refuser la démocratie elle-même. Il est temps que l’Union européenne reconnaisse cette vérité et offre à ses citoyens la capacité de choisir librement.


- Source : Le Grand Soir

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