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Qui est Pascal Lamy ? Par la revue Faits & Documents

Auteur : Egalité et Réconciiation | Editeur : Stanislas | Samedi, 28 Sept. 2013 - 20h37

Parfaite incarnation des élites mondialisées, Pascal Lamy est pressenti au poste de Premier ministre en remplacement de Jean-Marc Ayrault. Libéré de sa fonction de président de l’Organisation mondiale du commerce (2005-2013) ce « haut fonctionnaire international, archétype de la tête d’œuf hyperdiplômé » [1] appartient à ce que Jean Claude Michéa appelle la « gauche kérosène ». En effet, en 8 ans, il a parcouru chaque année 450 000 km, soit 10 fois le tour du monde. Ce « Torquemada du libre-échange », affilié au Siècle, au CFR, et invité récurent du Groupe Bilderberg, est, comme François Hollande, un disciple de Jacques Delors. Alain Minc résume : « Pour Lamy, Hollande c’est le gamin qui portait le café dans les groupes Delors. » [2]. Hollande, Président de la République, lui a remis la légion d’honneur en mai dernier. « Le camarade Lamy » a déjà prévenu les Français et mis en garde Arnaud Montebourg : « La démondialisation est une thèse réactionnaire [3]. »

Pascal Lamy est né le 8 avril 1947 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Ses grands-parents étaient d’anciens agriculteurs devenus quincailliers rue Montorgueil. L’un de ses grands-pères fut officier de liaison avec les Alliés. Il est le fils de pharmaciens conservateurs de Saint-Denis. Sa mère fut vice-présidente de la Chambre de commerce de Paris.

Il serait venu, selon la plupart des articles qui lui ont été consacrés, à la gauche par la Jeunesse étudiante chrétienne (il se revendique toujours comme catholique pratiquant) mais il semble qu’en réalité, au lycée Carnot où il en fut le responsable durant dix ans, l‘aumônier d’alors, l’abbé Manet, était nettement traditionaliste. Il passera un bac sans éclat avant d’intégrer HEC au bout de deux ans, dans un rang modeste (où il se liera avec Pierre Rosanvallon, futur patron de la Fondation Saint-Simon, dont il sera membre).

Sa famille maternelle détient une belle et vaste propriété au Boisgeloup, près de Gisors, où il organise des séminaires avec ses collaborateurs et où il reçoit pour ses rendez-vous secrets (tel, en 2003, l’ancien représentant américain au Commerce devenu le numéro deux du département d’État, Robert Zoellick). C’est ce qui explique qu’il ait cofondé la section de Gisors du PS en 1977. Pour recruter des militants, il en sera réduit à passer des annonces publicitaires dans L’impartial, le journal local. Ses deux frères médecins exercent dans la région.

En 1981, on lui proposera d’être candidat aux élections législatives, mais il refuse : « Ce qui intéresse Lamy, c’est le vrai pouvoir, celui qui fait avancer les dossiers, bouger les hommes, changer les structures [4]. » Cette gentilhommière jouxte celle de François Luchaire, lequel, très favorable à François Mitterrand, organisait des séminaires des jeunes radicaux socialistes strictement interdits à ceux qui n’étaient pas mitterrandiens. Pascal Lamy sautera le mur… et épousera finalement (ce qui est très rarement précisé dans ses biographies) la fille de ses voisins « ... et ses opinions politiques » comme l’indique fielleusement Le Nouvel Observateur du 5 mars 1992.

Ce qui a très certainement largement joué en sa faveur dans ses débuts de carrière, puisque François Luchaire, conseiller d’État, ancien membre du Conseil constitutionnel, vice-président d’honneur des Radicaux de gauche, fut une personnalité incontournable du milieu politique de la IVe puis de la Ve République, étant notamment président du Comité de soutien à François Mitterrand en 1974 (ce qui ouvrait à son gendre toutes les portes du pouvoir).

Ancien capitaine de corvette, également diplômé de I’IEP de Paris, cet énarque (la fameuse promotion Léon Blum) est sorti second de sa promotion, juste derrière Alain Minc (mais devant Martine Aubry, la fille de Jacques Delors – ce qui a son importance pour son déroulement de carrière – et Hervé Hannoun). Il militera activement à la section CFDT de l’ENA (il en sera délégué des élèves avec Isabelle Bouillot).

En 1975, il devient inspecteur général des finances. Il fut, en 1978-1979, secrétaire général du groupe sur la décentralisation centrale et financière animé par Jacques Mayoux, avant d’être appelé par Jean-Yves Haberer comme sociétaire général adjoint (1979), puis secrétaire général du Comité interministériel pour l’aménagement des structures industrielles (il fut cité dans un dossier d’escrocs opérant pour le compte du PS, l’équipe Lelouch-Loviconi et la fameuse CFDE longuement étudiée dans Mitterrand et les 40 voleurs de Jean Montaldo, mais a toujours nié, semble-t-il contre l’évidence, toute connaissance de ce dossier). Sur cette affaire, on pourra consulter « Le Retour des pilleurs d’entreprises » (Le Monde, 19 décembre 1995).

Ayant donc milité aux Jeunesses radicales-socialistes (où il se trouve en mai 1968), puis ayant rejoint la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) dès 1970 (section du XIe arrondissement), il assurait, après 1981 pour « gauchir » son parcours, avoir été à l’Union des grandes écoles et au Comité Vietnam (mais nul ne s’en souvient, comme l’indique Le Nouvel observateur du 5 mars 1992).

En 1974, il seconde son beau-père et tient la trésorerie du comité de soutien. Il devint donc, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, conseiller technique au cabinet de Jacques Delors (rencontré via Martine Aubry et lors de séminaires à l’ENA), même s’il a déjà « à peu près autant de convivialité qu’un réfrigérateur neuf [5] ». Les deux hommes ont tout pour s’entendre, comme l’avoue Libération (6 septembre 1999) : « Catholiques engagés, ils partagent la même vision d’une Europe fédérale, une même “conception de l’intérêt général européen”. » Il sera son directeur de cabinet l’année suivante avant d’être, en 1983-1984, directeur adjoint du cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy.

C’est lui qui, avec Jean Peyrelevade, Hervé Hannoun, Philippe Lagayette et Daniel Lebègue, persuada François Mitterrand de ne pas sortir le franc du Système monétaire européen et qui défendra la politique de rigueur financière, qui allait à l’encontre des engagements électoraux progressistes du Président. Il fut donc l’un des pères de la politique de la rigueur financière et du ralliement du PS aux thèses néolibérales et à l’Europe, inversant le cours de tout ce qui avait constitué la doctrine du socialisme français depuis sa fondation. Raoul-Marc Jennar écrit dans Europe : La Trahison des élites (2004) : « Pascal Lamy est envoyé au cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy pour piloter ce “tournant de la rigueur” et veiller à ce que ce ralliement socialiste aux thèses libérales ne connaisse aucune altération. »

Quand Jacques Delors est nommé à Bruxelles en 1985, il le suit comme directeur de cabinet (il sera son « sherpa » pour tous les grands sommets internationaux), et reste à ce poste jusqu’en 1994, c’est-à-dire toute l’époque où Delors instillera des doses de plus en plus massives de réformes néolibérales avec l’Acte unique puis le traité de Maastricht. « Il est le bouclier et le bras armé de Jacques Delors. L’estime qu’on lui porte n’a d’égale que la crainte qu’il inspire [6]. » Jennar ajoute :

« Privilégiant comme son patron l’Europe économique et monétaire, il va appuyer les démarches de ce dernier afin de réduire les initiatives de 1a Commission européenne en matière d’environnement, sujet d’irritation grandissante pour le patronat européen. »

Lorsque Delors quitte ses fonctions, il rejoint, en avril 1994, son ami Jean Peyrelevade au Crédit lyonnais, avec pour charge de remettre la banque sur pied en coupant les têtes (10 000 départs ou mises à la retraite) au lieu de poursuivre les véritables responsables (pour l’essentiel ses collègues de l’Inspection des finances) qui avaient conduit la première banque mondiale à la banqueroute. Il sera désigné avec raison par la CGT comme « celui qui a organisé la casse sociale ». Ce qui recoupe nombre d’avis :

« Lamy n’est pas homme à s’embarrasser des états d’âme de ses collaborateurs. Esprit brillant et synthétique, bourreau de travail, il n’hésite pas à briser ceux qui s’opposent à lui sans bonnes raisons ou qui ne sont pas assez rapides pour le suivre [7]. »

On en aura un assez bon exemple avec le sans-gêne dont il fit preuve avec les députés français de la délégation pour l’Union européenne, le 9 décembre 1999, qui entendaient l’interroger. Il commença par indiquer qu’il aurait peu de temps à leur consacrer car il avait « quatorze autres clients à servir ». Il justifia ensuite au nom de l’efficacité sa manie de s’exprimer en anglais dans les assemblées, où le français est pourtant langue officielle et refusa ensuite de répondre aux principales questions ou botta en touche. « L’Audition mouvementée de M. Lamy à l‘Assemblée nationale » (Le Monde, 11 décembre 1999) évoque des échanges « aigres » et « l’usage de la langue de bois ».

Il refuse en 1997 la tête d’Air France, jugeant le poste indigne de ses capacités. En juillet 1999, cette « tête de Turc préférée des altermondialistes [8] » est nommée, sur proposition de Dominique Strauss-Kahn et de Lionel Jospin (Lamy était secrètement son principal conseiller pour les affaires communautaires), commissaire européen en charge du Commerce international (il quitte son poste fin 2004), devenant le négociateur unique des Quinze sur tous les points du globe.

Jennar écrit :

« Défini par son maître, Jacques Delors, comme un “moine-soldat”, le commissaire européen met son savoir et son intelligence, en bon social-libéral, au service d’une vision marchande de la société qui, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, contribue à la destruction du modèle européen. Il inaugure son mandat de manière spectaculaire en proposant de lever l’interdiction d’importer en Europe des semences génétiquement modifiées en provenance des États-Unis. »

À Strasbourg, le 6 octobre 1999, il déclarera :

« L’OMC doit élargir ses attributions pour englober les questions de société telles que l’environnement la culture, la santé et la nourriture, qui, à l’instar de la concurrence et de l’investissement, ne peuvent plus être tenues à l’écart du commerce. »

Bref, celui qui se prétend porteur d’un message chrétien d’humanisme, de solidarité et de générosité, est en réalité le défenseur d’une pure Europe des marchands, n’oubliant pas d’obtenir la suppression des subventions agricoles à l’exportation (ce qui ne représentait rien financièrement) pour frapper le cœur de l’électorat chiraquien [9].

Peu après son entrée en fonction, il déclare devant l’assemblée du TransAtlantic Business Dialogue, un des plus puissants lobbies mondiaux d’affaires :

« La nouvelle Commission soutiendra (les propositions du TABD) de la même manière que la précédente. Nous ferons ce que nous avons à faire d’autant plus facilement que, de votre côté vous nous indiquerez vos priorités [...] Je crois que le mondes des affaires doit aussi parler franchement et convaincre que la libéralisation du commerce et en général la globalisation sont de bonnes choses pour les peuples. »

Il manifeste une agressivité néolibérale digne de son prédécesseur, le conservateur Leon Brittan, formulant les propositions les plus avancées pour une mise en œuvre de la libéralisation des services. C’est lui qui tentera d’imposer aux 148 pays de 1’OMC le contenu de l’Accord multilatéral sur l’investissement (rebaptisé « matières de Singapour »). Son obstination et son arrogance seront directement à l’origine de l’échec cuisant sur ce dossier par l’Union européenne à Cancun en 2003. Il faut dire qu’il déclarait :

« Le libre-échange est une bonne chose, même quand il provoque des licenciements, pourvu que cela se fasse selon certaines régles. »

Comme le disait le professeur invité à l’université d’Oxford George Monbiot au lendemain de la conférence de Cancun : « S’il y avait un prix Nobel de l’hypocrisie, cette année, il serait décerné à Pascal Lamy. » Pour le fondateur d’Attac, Bernard Cassen :

« Lamy tient exactement le même discours que Chirac. Tout en passant son temps à demander aux Français de s’adapter à la mondialisation, il essaie de faire croire qu’il fait le maximum pour en limiter les effets. Il mériterait de prendre sa carte à Démocratie libérale, le parti de Madelin, car il n’y a pas un cheveu de divergence entre eux. »

Il semble qu’il soit au PS depuis 1969, PS dont il fut membre du comité directeur de 1977 à 1999. Il s’est présenté sans succès dans la 5e circonscription de l’Eure en 1993, ayant été éliminé dès le premier tour, étant même devancé par le candidat FN, ayant obtenu moins de 15 % des suffrages. Il avait pourtant accueilli, record absolu de tous les candidats, dans cette circonscription dont le sortant était de gauche, la visite de neuf ministres. Il écrivait même dans sa profession de foi, signe de sa rouerie et de son entregent alors que toutes ses actions ont abouti à plus de délocalisations et de désindustrialisation : « C’est d’un député efficace, influent, capable d’apporter chez nous les implantations d’entreprises et les emplois qui manquent, de mobiliser des énergies nouvelles pour mettre sur pied un véritable projet de développement économique et social conforme à vos besoins. » Il avoue parfois n’avoir jamais digéré cet échec.

En mars 1998, sur proposition de Denis Kessler (ex-militant maoïste), il est nommé président de la commission prospective du CNPF (Medef). Il siège dans de nombreux cénacles mondialistes et différentes fondations influentes, comme l’Institute for East Studies, l’Overseas Development Council (dont il est administrateur) ou la Rand Corporation, le principal think tank du complexe militaro-industriel américain. Les 28 et 29 décembre 1999, il fut un des très rares invités français de la fameuse Fabian Society, le plus influent lobby économique travailliste, qui passe pour avoir été à l’origine du lancement du New Labour et de la « troisième voie » de Tony Blair.

Il a participé au Forum de Crans Montana ou au Forum économique mondial de Davos. Une rumeur persistante prétend qu’il aurait été initié dans une loge belge, sans doute au Grand Orient de Belgique. Membre de la Fondation Saint-Simon puis d’En temps réel, il a également été trésorier de Transparency International France, association œuvrant en faveur de la transparence des institutions publiques mais qui véhicule en fait les thèses de l’État minimum et de la pensée néolibérale américaine et qui sert souvent de paravent aux actions des services secrets américains [10].

Il est aussi membre du bureau national du Mouvement européen France, président d’honneur (après en avoir été président) de l’institut des relations internationales et stratégique (IRIS) dont le directeur est Pascal Boniface (démissionnaire du PS en 2003), membre du club Le Siècle (dont il a été l’un des administrateurs) et du Council on Foreign Relations, où il a été invité en 2002,2004,2005 et 2010. Il a par ailleurs cosigné The Future of Global Trade dans sa revue (10 mars 2005). Il appartient au Groupe de Bilderberg, ayant participé à ses assemblées secrètes en 2000, 2001, 2003, 2005, 2009, 2011 et 2012.

Il devait signer, en janvier 2002, avec Jean Pisani-Ferry , président délégué du conseil d’analyse économique du premier ministre, une importante note de la fondation Jean-Jaurès (le think tank du PS), L’Europe de nos volontés, où il explique benoîtement qu’il n’y a d’autres possibilité que la France fonde sa voix dans celle d’une Europe pratiquant la régulation du capitalisme de marché. Il devait récidiver en 2004 avec La Démocratie-monde. Pour une autre gouvernance globale (Seuil). Voilà ce qu’en dit Libération, juin 2004 :

« Le commissaire européen au commerce extérieur semble totalement imperméable aux interrogations, un mélange bien français d’arrogance française et de tranquille certitude propos. »

Raoul-Marc Jennar écrivait à son tour :

« L’actuel commissaire européen en charge du commerce international est probablement une des plus brillantes machines de l’institution. Une remarquable puissance de travail et une maîtrise parfaite des dossiers en font un négociateur redoutable. Mais c’est aussi un homme qui possède un aplomb peu commun pour dire, avec un cynisme absolu, la chose qui n’est pas. La social-démocratie française a trouvé en lui le parfait Janus pour faire triompher le libéralisme intégral. »

Il est aussi professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris. En novembre 2004, il prend la présidence de la fondation Notre Europe, où il a succédé à Jacques Delors. Cette année-là, le PSE (parti socialiste européen) lui confie la rédaction de son programme [11].

Discret partisan du « oui » lors de la campagne du référendum sur le traité de la Constitution européenne en 2005 (il refusera même une invitation à Arrêt sur image en raison de la présence de Raoul-Marc Jennar comme contradicteur), il imputera la victoire du non et les divisions au sein du PS à un « formidable narcissisme » expliquant « les Français parlent aux Français, se regardent en tant que Français et éprouvent une extrême difficulté à franchir ce miroir et à parler d’autre chose que de la France [12] », et assénera une leçon de « social-démocratie » lors de l’université d’été du PS.

Conscient du rôle joué par Internet dans la victoire du « non », il préside le comité de parrainage de Télos.eu (Télos signifie la cause finale) en décembre 2005. Il recycle ainsi Zaki Laïdi, son conseiller spécial lors de son époque bruxelloise. Homme de la « troisième gauche » également proche de Daniel Cohn-Bendit et de Dominique Strauss-Kahn, Zaki Laïdi prend donc la présidence de cette « agence intellectuelle » chargée de porter la bonne parole mondialiste, par le biais d’articles d’universitaires zélés, pouvant être reproduits dans les pages « débats » des journaux.

2005 est en fait pour Lamy l’année de sa nomination à la tête de l’OMC. Il est déjà « un des Français les plus connus des grands de ce monde », comme le fait remarquer Challenges du 26 mai 2005 qui, dans une hagiographie, ira jusqu’à chercher un camarade de CM1 : « Il suffisait que dans la cour de récréation Pascal aperçoive un gamin en difficulté pour qu’il vole à son secours. » Gustave Messiah, vice-président d’ATTAC, prévient alors :

« Quoi qu’il dise de ses tropismes pour l’hémisphère sud, Lamy [dans les négociations internationales] finit toujours par s’aligner sur le Américains [13]. »

Contrairement à ses rodomontades (voir par exemple « Comment Lamy a fait campagne » dans L’Express du 16 mai 2005, qui ose écrire qu’il ne doit sa nomination qu’à ses capacités d’organisateur), Pascal Lamy ne doit nullement son élection à une supposée « Blitzkrieg ». Sa nomination est due exclusivement au jeu des grandes puissances, et essentiellement à Jacques Chirac, qui a négocié son poste avec George W. Bush : lorsque le président des États-Unis a décidé de propulser à la tête de la Banque mondiale le faucon sioniste Paul Wolfowitz, le président français (dont l’accord était indispensable en raison du nombre de ses droits de vote) a donné son aval... en échange du fait que l’OMC reviendrait à Lamy. Un échange de bons procédés en quelque sorte.

« Depuis Jean Monnet, Pascal Lamy est le premier politique français à être sorti du cadre franco-français, le premier a avoir une connaissance intime, de l’intérieur, du système européen et des rouages du monde. A ce titre, il peut servir de “passeur”. » Il est donc pour Le Nouvel observateur (19 mai 2005), qui s’en flatte, « un international pur sucre ». Impatient, il avait qualifié l’OMC de « médiévale » au lendemain des conférences de Seattle (1999) et de Cancun (2003).

Ce défenseur de la « globalisation » (qu’il préfère au terme de mondialisation) et de la « démocratie alter nationale » (sic) [14], s’échinera obstinément pendant ses deux mandats (2005-2008) à relancer le cycle de Doha de 2001 (libéralisation des échanges mondiaux au niveau planétaire)… jusqu’à la crise de 2008. Il peut s’enorgueillir de l’adhésion de la Russie à l’OMC et de la participation de l’OMC au G20.

En 2009, en pleine crise financière mondiale, il demandera une augmentation de 32 % de son salaire (480 000 francs suisses), qui lui sera finalement refusée. Dans un entretien paru dans L’Express du 12 avril 2007, il certifiait que « la mondialisation profite à la France », expliquant à propos des protections douanières :

« À présent imaginez que les Européens décident seuls de remonter ces barrières : croyez vous que leurs partenaires resteraient les mains dans les poche ? Nous connaissons, car nous avons pu mesurer dans les années 1930 les ravages du protectionnisme en cascade. »

Il était alors pressenti comme premier ministre de Ségolène Royale ou de François Bayrou. Il récidive dans Le Point (19 janvier 2012), où il évoque le « pragmatisme » et le « démarche concrète » des cas brésilien, américain et chinois en matière de protectionnisme. Quant à la possibilité d’un protectionnisme français, Lamy explique sans rire : 

« Le protectionnisme français est barrésien et teinté juste comme il faut de xénophobie. »


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