Sanofi et lobbying : scandale sur le Doliprane
Premier médicament de Sanofi France en chiffres d'affaires, 5° médicament le plus remboursé par la Sécurité Sociale, le "bon vieux Doliprane" comme se plaît à le souligner les Echos dans un article paru le 30 mai dernier, bénéficie d'une mesure protectionniste négociée à grands coups de chantage à l'emploi qui lui assure une protection permanente contre ses équivalents génériques.
Doliprane, Efferalgan, Paracetamol Mylan, Paracetamol Biogaran, Paracetamol Arrow sont autant de médicaments identiques. Même molécule, mêmes dosages.
Puis-je prendre de l'Efferalgan à la place de mon Doliprane ? Oui !
Puis-je prendre du Paracetamol Arrow à la place de mon Doliprane ? Oui !
Mon pharmacien doit-il obligatoirement me proposer la substitution du Doliprane par un de ces équivalents ? Non !
Comment se fait-il que cette molécule qui a fêté son demi-siècle, qui ne coûte rien à produire, mais qui rapporte gros, très gros à Sanofi ne figure pas au Répertoire des génériques, le guide officiel qui règlemente ce que le pharmacien a le droit ou pas de substituer ? La conséquence directe est que ce médicament qui se fait rembourser par le contribuable à hauteur de 276 millions d'euros n'est substitué que dans 15% des cas au lieu des 85% habituellement observés pour n'importe quel autre médicament qui dispose de génériques sur le marché !
Comment se fait-il qu'une entreprise qui ne cesse de vanter son caractère innovant et son orientation biotech fasse son plus gros chiffre d'affaires en France sur ce vieux médicament qui n'a vraiment plus rien d'innovant ?
Le Figaro nous a livré un éclairage il y a quelques années : Pourquoi le Doliprane reste le médicament le plus vendu en France.
Il ne s'agit là que des réminiscences de la pression exercée en 2002 par M. Ambroise Dupont (Calvados - UMP) - lire à ce sujet le JO du 25/07/2002 ou il mettait clairement dans la balance les emplois de l'usine de Lisieux d'Aventis (rachetée par Sanofi) contre l'inscription au répertoire des génériques. Cédant à ces pressions, le ministre de l'époque avait choisi d'omettre d'inscrire ce médicament au Répertoire.
11 ans plus tard, en publiant le panorama des ventes de médicaments en France, les Echos nous montrent que ce médicament garde toujours son statut de médicament le plus protégé de la pharmacopée française : Médicaments : le « Top 10 » bousculé par les génériques et : Médicaments : le nouveau « top 10 » des ventes :
"Au milieu de ces molécules récentes, on retrouve tout de même, à la 5 e place, le bon vieux Doliprane, malgré son prix très bas. Les ventes de cet incontournable des armoires à pharmacie, produit par le français Sanofi, ont augmenté de 19 % l'an dernier. Son prix a il est vrai été relevé de 1,74 euro à 1,95 euro la boîte."
Près de 20% de croissance et une augmentation de prix (! !!) pour un médicament qui a plus de 50 ans ! Un cas exceptionnel qui a coûté encore cette année 276 millions d'euros de remboursements pour une affaire franco-française unique au monde soit plus de 3 fois le budget des Restos du Coeur (dont le budget 2011-2012 s'élevait à 78,5 millions d'euros) !!! L'Etat semble plus disposé à voir partir ces mannes d'argent dans les caisses de Sanofi que dans les estomacs des personnes dans le besoin.
Ces extraordinaires privilèges accordés à Sanofi par l'Etat français lui permettent de compenser grassement ses échecs récents avec deux molécules en développement : l'iniparib et l'otamixaban - Lire l'article des Echos : Résultats décevants pour deux programmes de Sanofi - qui lui couteront une dépréciation d'actifs de 219 millions d'euros.
Sanofi finance donc ses échecs en recherche par une mesure protectionniste négociée à grands renforts de lobbying et qui se maintient année après année aux dépends du contribuable.
De quels appuis le labo français a-t-il bien pu bénéficier auprès des gouvernements différents pour que même Arnaud Montebourg décide de ne pas utiliser cette affaire dans le bras de fer qui l'oppose à Chris Viehbacher, le numéro 1 de Sanofi, dans ses plans de licenciement ? Les révélations récentes de Jérôme Cahuzac au sujet de Daniel Vial, le plus puissant des lobbyistes de Big Pharma, conseiller spécial de Viehbacher, récemment mis à la porte du groupe permettent d'y voir plus clair. Pour plus d'information, lire l'enquête du Nouvel Obs sur le lobbyiste de Sanofi et son influence sur tout l'appareil d'état.
- Source : Pharmwatch via Agoravox