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La police dira à Google les sites qu’il doit censurer

Auteur : Guillaume Champeau | Editeur : Walt | Vendredi, 17 Oct. 2014 - 21h28

Ce n’est même plus une crainte infondée, mais une possibilité, les sites et blogs considérés comme étant « terroristes » pourront être censurés sur simple décision de l’état, et le terme terroriste étant ici très flou, cela peut tout autant concerner les sites pro-djihadistes comme ceux allant à l’encontre de certains intérêts politiques, géopolitiques, économiques, bref, l’ensemble des sites d’information alternative.

Les sites de ré-information présentent une grande différence avec les médias habituels, c’est que nous présentons pour la plupart un condensé de l’information qui n’est pas disponible ailleurs, nous mettons en avant (ou tentons de le faire) l’actualité sous un autre angle afin que vous puissiez avoir un regard différent de celui imposé par la télévision. Quand les sujets abordés ne sont tout simplement pas tabous…

Alerte rouge. Dans le cadre du projet de loi de lutte contre le terrorisme, le Gouvernement a fait adopter jeudi un amendement qui confie aux services de police de l'Etat le pouvoir d'ordonner à Google et autres moteurs de recherche ou annuaires de déréférencer des sites dits de "propagande terroriste". Une notion qu'il faut pourtant manipuler avec une extrême prudence, tant elle est porteuse de possibles manipulations politiques et anti-démocratiques.

C'est l'invité surprise de l'examen au Sénat du projet de loi de lutte contre le terrorisme, adopté ce jeudi par les parlementaires. Pour compléter le dispositif de blocage des sites terroristes, le Gouvernement a déposé un amendement de dernière minute qui n'a fait l'objet d'aucune controverse en séance, alors qu'il donne des pouvoirs de censure exorbitants à l'Etat.

En effet, le sous-amendement n°94 présenté avec succès par Bernard Cazeneuve donne à l'autorité administrative (la police, via l'OCLCTIC) le pouvoir de "notifier aux moteurs de recherche ou aux annuaires" les URL des sites qui abritent des contenus de propagande terroriste, ou des contenus pédopornographiques. Il ajoute que ces moteurs de recherche et annuaires, c'est-à-dire en pratique essentiellement Google, "prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne".

Avec une certaine mauvaise foi voire une malhonnêteté certaine, le ministre de l'intérieur a expliqué qu'un tel dispositif était déjà prévu par la loi ARJEL sur les jeux d'argent et de hasard en ligne, se référant à l'article 61 de la loi du 12 mai 2010. Mais c'est feindre d'oublier que l'ARJEL n'a absolument pas le pouvoir d'ordonner à Google et consorts de déréférencer des sites. Elle doit saisir le président du TGI de Paris pour que le magistrat vérifie l'illégalité du site en cause, et ordonne lui-même la mesure de déréférencement.

Il y a donc une première différence fondamentale avec l'ARJEL, puisque le déréférencement des sites illégaux de jeux en ligne se fait après une procédure judiciaire qui offre des garanties minimums de protection des droits, alors que le déréférencement des sites terroristes se ferait sur simple injonction policière, sans aucun contrôle.

Censure légitime, ou contre-propagande ?

Mais il y a une autre différence, peut-être plus importante encore. La mesure prévue en 2010 s'appuie sur un constat objectif. Il s'agit de déréférencer des sites n'ayant pas obtenu une homologation pour leur activité bien précise, ce qui est un critère matériel difficilement contestable. Alors qu'au contraire avec le projet de loi de lutte contre le terrorisme, le Gouvernement veut censurer des sites dont la liste est établie par l'Etat selon des critères extrêmement subjectifs et politiques.

Comme nous le constations au début des débats parlementaires, le mot d'ordre est que la France est en guerre, ce qui justifie de faire appel à la propagande de guerre pour défendre le point de vue français, et d'utiliser les moyens de contre-propagande pour attaquer celle de l'adversaire. La censure fait partie des armes à disposition du Gouvernement, qui les utilisera à tort ou à raison pour combattre les discours, aujourd'hui de l'Etat Islamique, demain d'autres groupes considérés comme terroristes.

"Terrorisme", qu'est-ce que c'est ?

Or la notion de "terrorisme" s'apprécie mal en droit. L'article 412-1 du code pénal liste une série de crimes et de délits qui sont considérés comme des actes de terrorisme (meurtres, enlèvements, détournements d'avions, dégradations, vente d'armes, blanchiment d'argent). Mais il précise que pour être qualifiés de "terroristes", ces actes doivent avoir été commis "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". Nous sommes très loin de l'objectivité de la détention ou non d'une homologation délivrée par une administration.

Avec cette loi, des sites internet de groupes indépendantistes basques, corses ou bretons pourraient être désignés par l'Etat comme faisant "l'apologie" de poseurs de bombes, même si la réalité est plus complexe, et pourraient être déréférencés du jour au lendemain sur instruction de l'Etat.

Plus près de nous, Dieudonné a été accusé d'apologie du terrorisme — ce qui n'a pas encore été jugé —, avec le soutien du Gouvernement. Celui-ci aurait donc pu demander le déréférencement de son site internet, ou de sa page Facebook, sans même avoir à attendre le jugement confirmant ou non l'accusation.

De même pour le groupe de Tarnac, dont le leader présumé Julien Coupat est mis en examen depuis 2008 pour "dégradations en relation avec une entreprise terroriste", alors que les doutes s'accumulent sur le sérieux de l'enquête et des accusations appuyées par le gouvernement de l'époque. Remis en liberté après sept mois de détention provisoire, il avait inspiré ces mots à Arnaud Montebourg : "Julien Coupat, le romantique de Tarnac, coupable de ce qu’il pensait et de ce qu’il avait dans la tête, plutôt que de ce qu’il a fait, symbolise désormais la victime des abus judiciaires du régime". 

Et si De Gaulle avait été censuré ?

Or il ne s'agit même plus aujourd'hui d'un "abus judiciaire", mais de se passer totalement du judiciaire pour, peut-être, réduire à l'invisibilité ceux qui promettent l'Insurrection qui vient.

Si l'histoire doit servir à quelque chose, c'est bien à prévenir les dangers pour l'avenir. L'erreur serait de croire que nous ne serons à jamais gouvernés que par des gens bien intentionnés.

Sous le régime de Vichy, dont les responsabilités font encore débat soixante-ans après, la presse et le régime vichyste relayaient le discours nazi qui parlait des résistants en les désignant comme "terroristes". Le 18 juin 1943, le jour du troisième anniversaire de l'appel du Général de Gaulle, la préfecture de Vienne placardait aux murs des affiches dénonçant les "terroristes, d’odieux criminels unanimement condamnés par une foule émue".

C'est grâce au développement d'une presse clandestine que les discours "terroristes", en réalité résistants, ont pu se faire entendre pour gagner des partisans. Or ce que fait le projet de loi antiterroriste de 2014, c'est donner à l'Etat la possibilité de supprimer le contenu des tracts, et de faire que la population n'ait même plus connaissance du fait que ces tracts ont existé. C'est une arme redoutablement efficace pour contrôler la population.

Est-ce vraiment à un gouvernement qui se dit démocratique d'offrir une telle arme au gouvernement plus autoritaire qui pourrait un jour lui succéder ?


- Source : Guillaume Champeau

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