Mosco' comptera pour du beurre à Bruxelles

Admis au repêchage avec 5 autres de ses peut-être futurs collègues, Pierre Moscovici ne sera peut-être à Bruxelles qu’un intermittent du spectacle …

Son audition le 2 octobre par la Commission Economique du Parlement Européen pour déterminer s’il était capable de devenir le commissaire de police économique de l’Union a été un grand moment. En particulier son discours préalable aux questions orales qui sonnait archi-faux et a paradoxalement renforcé la conviction des parlementaires venus le taquiner, sur son incapacité à imposer un minimum de discipline budgétaire à ses potes parisiens : 

« …Je m’engage à faire respecter nos règles budgétaires par tous les états membres. Il faut le faire sans complaisance pour les uns, sans excès de dureté pour les autres. Il faut traiter tous les états grands ou petits selon les mêmes règles et selon leurs mérites propres. Vous pouvez compter sur moi pour être un arbitre juste et impartial. Pour assurer que tous quels qu’ils soient, je dis bien quels qu’ils soient, jouent selon nos règles communes et fassent progresser nos économies. Je suis français, je suis social-démocrate, comment le nier ? Je n’en rougis pas. Je veux vous dire très directement et de manière formelle que je ne serai pas dans mes fonctions, l’ambassadeur d’un pays ou d’un parti. Je serai, comme vous êtes en droit de l’exiger, un commissaire européen entièrement voué à sa tache, agissant avec impartialité et indépendance… » a-t-il lu en faisant mine d’être solennel, allant jusqu’à prononcer laborieusement 3 mots en allemand histoire d’amadouer nos amis d’Outre-Rhin qui, comme nous l’avons déjà évoqué dans ces colonnes, voient dans son arrivée à ce poste une véritable provocation.

Inspecteur la  bavure économique

Il n’en fallait pas plus pour que Mosco’ apparaisse pour la majorité de son auditoire - auquel il avait adressé plusieurs bras d’honneur dans un passé récent au lieu de venir s’expliquer sur les doutes que suscitait l’évolution de la situation économique et budgétaire hexagonale-, comme le cheval de Troie de Paris dans la citadelle belge, incapable de contraindre Bercy et l’Elysée à revenir dans les clous budgétaires en 2015 malgré le délai supplémentaire consenti et à respecter ainsi « la parole de la France » si chère à Manuel Valls.

Ce qui n’a bien entendu pas manqué de relancer la polémique sur l’opportunité de confier à un français - Mosco’ ou un autre - les clefs du commissariat de police économique et budgétaire européenne. 

Sauf qu’un mystérieux « article 6 » d’un document interne, non daté mais signé de la main de Juncker le nouveau président de la Commission, et récemment publié par le Financial Times, serait peut être de nature à calmer les esprits s’agissant de l’autonomie dont bénéficierait le garçon s’il est finalement confirmé à son poste.

Les subtilités de l'article 6

Que dit en effet le doc’ en question, rédigé en anglais, et titré « Décision du Président de la Commission quant à l’organisation et aux responsabilités des membres de la Commission » ?

Son article 6 affirme ni plus ni moins que « Dans le domaine de la coordination et de la surveillance des politiques économique et budgétaire des états membres, en particulier dans la zone euro, toute décision requérant l’approbation de la Commission dans le cadre des Traités, sera élaborée et lui sera soumise par le Vice Président chargé de l’Euro et du Dialogue Social (Valdis Dombrovskis pour ne pas le nommer) en liaison avec le Commissaire pour les Affaires Economiques et Budgétaires, les taxes et les affaires douanières. C’est l’article 12 (5) du règlement intérieur (de la Commission) qui s’appliquera dans une telle hypothèse ».  

En clair, Mosco’ aura juste le droit de porter le cartable de Valdis La Rigueur, le jour où des décisions déchirantes telles des sanctions « à tout état membre grand ou petit » comme il s’exprimait dans sa profession de foi, seront prises à l’encontre des mauvais élèves de l’Union.

Ce n’est pas non plus un hasard si en bon connaisseur des arcanes de l’usine à gaz bruxelloise, l’auteur anonyme du document signé par M. Juncker fait une discrète allusion à l’article 12-5 du règlement intérieur de la Commission qui, comme son nom l’indique, définit ses modes opératoires.

Un commissaire sous surveillance

Ajouté à l’article 12 dudit règlement le 9/11/2011, l’alinéa 5 dispose en effet que «Tout membre de la Commission souhaitant suspendre une procédure écrite dans le domaine de la coordination et de la surveillance des politiques économique et budgétaire des états membres, en particulier dans la zone euro, adresse au président une demande motivée en ce sens qui indique explicitement les éléments du projet de décision qu’elle concerne, une évaluation impartiale et objective du moment, de la structure, du raisonnement ou du résultat de la décision proposée. Si le Président estime que cette décision n’est pas fondée et si la demande de suspension est maintenue, il peut refuser la suspension et décider que la procédure écrite se poursuive ; dans ce cas, le Secrétaire Général sollicite la position des autres membres de la Commission pour s’assurer du respect du quorum fixé par l’article 250 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Le Président peut également inclure le point, aux fins de son adoption, à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la Commission. »

Bref, qu’il s’agisse le cas échéant de punir ou d’absoudre Paris dans le domaine de la coordination et de la surveillance de la politique économique et budgétaire, l’ami Mosco’ risque fort de faire de la figuration. 

Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard non plus si le Financial Times a porté l’information à la connaissance des membres de la Commission Economique du Parlement Européen avant le repêchage de Mosco’. 

Dès fois que leur serait venue l’idée de le recaler pour défaut d’indépendance ou d’impartialité.

C’est Hollande qui doit être déçu d’avoir expédié à Bruxelles pour gagner du temps, un homme qui n’y jouera finalement qu’un rôle de figuration. Un intermittent du spectacle en quelque sorte…