La Commission Juncker au bord du précipice
Candidats décrédibilisés, alliances laminées: les auditions de plusieurs membres de l'équipe Juncker au Parlement européen, notamment celles de l'Espagnol Canete et du Français Moscovici, ont tourné au jeu de massacre et menacent de faire chuter la Commission. Une réunion de crise est prévue mardi pour tenter de trouver une solution et éviter une catastrophe lors du vote d'investiture de l'exécutif européen prévu le 22 octobre au Parlement, ont indiqué à l'AFP plusieurs sources européennes.
Elle réunira le président-élu de la Commission, le chrétien-démocrate Jean-Claude Juncker, le président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, et les présidents des groupes PPE (droite), Manfred Weber, socialiste, Gianni Pittella, et libéral, Guy Verhofstadt.
Le commissaire espagnol contesté
La grande coalition constituée entre ces trois formations a volé en éclat lors de l'audition mercredi du candidat espagnol, Miguel Arias Canete, désigné pour le grand portefeuille de l'Energie et du Climat. Ce baron du Parti populaire a été mis en cause sur ses potentiels conflits d'intérêts liés aux participations de sa famille dans le secteur pétrolier. Les attaques les plus dures sont venues des socialistes, qui exigent des clarifications sur sa déclaration de patrimoine, modifiée à la veille de son audition pour ajouter des revenus qu'il avait omis de déclarer. Ils ont obtenu le renvoi du vote sur son évaluation à mardi.
La droite rendra coup pour coup
La droite a considéré que les socialistes avaient rompu leur pacte de non-agression, et décidé de rendre coup pour coup. "Si un fusible saute au PPE, alors un fusible sautera chez les socialistes. Et ce sera Moscovici", avait prévenu l'eurodéputé UMP français Alain Lamassoure. Jeudi, l'audition du Français Pierre Moscovici s'est transformée en calvaire.
"Procès de la France"
"Sur 11 questions du PPE, sept ont porté sur la France. C'était le procès de la France, pas l'audition d'un candidat commissaire", ont déploré les socialistes. M. Moscovici a été malmené également par les libéraux et les conservateurs britanniques. Les premiers entendaient venger le vote négatif des socialistes contre une des leurs, la Suédoise Cecilia Malmström, chargée du Commerce. Les seconds agissaient en représailles des attaques socialistes contre Jonathan Hill, désigné aux services financiers, ont expliqué à l'AFP plusieurs participants.
La candidature de Moscovici jugée "non crédible"
A l'exception des socialistes, aucun groupe n'a soutenu la candidature de l'ancien ministre français des Finances, jugé "non crédible" pour le portefeuille des affaires économiques. Il devra répondre par écrit à une nouvelle série de questions, et le vote sur son évaluation a lui aussi été renvoyé à mardi. "Le jugement final sur sa candidature dépendra de la répartition exacte des tâches entre lui et les deux vice-présidents sous lequel il est placé, Jyrki Katainen (Croissance et compétitivité), et Valdis Dombrovskis (Euro)", a dit M. Lamassoure.
Cinq commissaires sur la sellette
Cinq commissaires sont désormais sur la sellette. Outre MM. Arias Canete, Moscovici et Hill, il s'agit du conservateur hongrois Tibor Navracsics (Éducation et Citoyenneté) et de la libérale tchèque Vera Jourova (Justice). Il reste encore six auditions lundi et mardi. M. Juncker reste pour le moment imperméable aux problèmes posés par certains membres de son équipe.
"Prématuré" de parler de changements
"Il est satisfait des auditions des candidats, qui ont démontré leurs compétences et leur engagement européen", a assuré une de ses porte-parole, jugeant "prématuré" de parler de changements de candidats ou de portefeuilles avant la fin des auditions. Le PPE n'entend pas sacrifier M. Canete. Il "ne se retirera pas. Juncker ne changera ni candidat ni portefeuille et on ira au vote comme ça", ont affirmé à l'AFP des responsables conservateurs.
La grogne monte
La grogne monte dans leurs rangs. "A ce stade, il me sera impossible de voter pour la nouvelle Commission sans trahir les engagements pris devant les électeurs, et nous sommes plusieurs élus UMP à être dans le même état d'esprit", a affirmé vendredi l'eurodéputée française Rachida Dati. De leur côté, nombre d'élus socialistes assurent qu'ils ne pourront pas accepter un compromis qui les contraindraient à voter pour Miguel Arias Canete.
- Source : 7sur7