Contrôle de l’obligation vaccinale contre la Covid-19 : trois mesures fixées par le ministre de la santé (Olivier VÉRAN) jugées illégales et annulées par le Conseil d’État
Mardi 13 juin 2023, le Conseil d’État (CE, 5ème et 6ème chambres réunies, n°459447) rend une décision qui pourrait concerner tous les professionnels de santé exerçant en libéral.
Un confrère pharmacien titulaire d’une officine (en ville) saisit le Conseil d’État en lui demandant d’« annuler » l’instruction du ministre des solidarités et de la santé, Monsieur Olivier VÉRAN, du 28 octobre 2021.
Cette instruction (n°DGOS/RH2/2021/218) concerne le contrôle de l’obligation vaccinale contre la Covid-19 des professionnels de santé libéraux. Elle précise les « suites à donner en cas de non-respect par un professionnel de santé de son obligation vaccinale ». Elle « a pour objet de présenter la procédure de sanction applicable aux professionnels de santé libéraux n’ayant pas respecté l’obligation vaccinale prévue par la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 » (obligation vaccinale contre la Covid-19). Ce contrôle est confié aux agences régionales de santé (ARS).
I. Ce que prévoit cette instruction du ministre des solidarités et de la santé, Monsieur Olivier VÉRAN, du 28 octobre 2021
En cas de manquement d’un professionnel de santé à l’obligation de vaccination, cette instruction prévoit notamment les mesures suivantes : le directeur général de l’ARS informe l’intéressé de sa suspension d’exercice et de la suspension des remboursements aux assurés sociaux par l’assurance maladie à l’issue d’un délai de trente jours.
Ce directeur général de l'ARS informe également le conseil départemental de l’ordre professionnel compétent ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du lieu d’exercice principal du professionnel de santé. À son tour, cette CPAM informe les assurés sociaux suivis habituellement par ce professionnel de la suspension dont il fait l’objet.
En cas de poursuite de l’activité par le professionnel, cette instruction prévoit que le conseil départemental de l’ordre compétent peut être saisi d’une plainte pour manquement déontologique.
Même en l’absence de décision de suspension ou d’action disciplinaire, cette instruction prévoit que le professionnel de santé ne peut plus procéder à des téléconsultations. Il ne peut plus non plus se faire remplacer, même sans contrepartie financière.
Cette instruction prévoit aussi que les pharmacies d’officine doivent être fermées en cas de méconnaissance de cette obligation vaccinale par le pharmacien titulaire.
II. Ce que vient de décider le Conseil d’État ce mardi 13 juin 2023
Le Conseil d’État considère que cette instruction du 28 octobre 2021 « est susceptible de produire des effets notables sur la situation de ces professionnels ».
Concernant « la suspension des remboursements par l’assurance maladie à l’issue d’un délai de prévenance de trente jours » qui se traduit pour les pharmaciens d’officine par le fait que les médicaments délivrés sur prescription médicale par un pharmacien suspendu ne pourront plus donner lieu à remboursement par l’assurance maladie, le Conseil d’État juge que « le ministre chargé de la santé a ajouté aux dispositions de l’article 14 de la loi du 5 août 2021 » une « règle nouvelle ». Il juge que le ministre a « ainsi fixé une règle nouvelle entachée d’incompétence » : la fixation de cette règle ne relève pas de sa compétence.
Selon le Conseil d’État, le ministre chargé de la santé a également « fixé une règle nouvelle entachée d’incompétence » lorsqu’il interdit aux pharmaciens titulaires de se faire remplacer et quand il prévoit la fermeture des pharmacies d’officine dans tous les cas. Aucune loi et aucun règlement n’avaient habilité le ministre à prendre ces règles nouvelles, constate la plus haute juridiction administrative.
Eu égard à ce constat, le Conseil d’État décide l’annulation des trois mesures suivantes prévues par cette instruction du 28 octobre 2021 du ministre chargé de la santé :
1. Annulation de la mesure de suspension des remboursements par l’assurance maladie des médicaments dispensés par un pharmacien n’ayant pas respecté l’obligation vaccinale contre la Covid-19 ;
2. Annulation de la mesure interdisant aux pharmaciens libéraux non vaccinés de se faire remplacer ;
3. Annulation de la mesure visant la fermeture, dans tous les cas, des pharmacies d’officine dont le pharmacien titulaire est suspendu en raison de sa méconnaissance de l’obligation vaccinale.
Le Conseil d’État demande aussi à l’État de verser 3 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative (frais d’avocat) ainsi répartis : 1 500 euros au pharmacien titulaire suspendu ; et 1 500 euros à la pharmacie d’officine (personne morale).
Il reste à savoir si tous les professionnels de santé libéraux concernés, et pas seulement les pharmaciens titulaires d’officine, pourraient bénéficier de cette décision.
- Source : Analyse citoyenne indépendante