Et questions protestations, on en a maintenant un paquet.
Dans la société civile, si on se rappelle bien les petits airs renfrognés et les contestations plus ou moins atrabilaires des socialistes lorsque Sarkozy était parvenu au pouvoir, on a bien du mal à retrouver de la part du peuple la même contestation que celle à laquelle on assiste actuellement.
Sarkozy, on s’en souvient, a d’ailleurs été dépeint comme un président qui clive et qui aura laissé une France en bien triste état. Hollande, socialiste officiel, bénéficiera toujours d’un a priori favorable dans une presse majoritairement acquise à ses lubies, mais il cumule malgré tout, en à peine plus d’un an d’exercice du pouvoir, un nombre conséquent de manifestations et de mouvements d’oppositions vifs et médiatiques dont le nombre de participants laissent clairement rêveurs les militants du Parti Communiste (si si, il y en a encore) ou même du NPA (qui, malgré les apparences, n’a pas encore été dissout).
Ici, je fais bien sûr référence aux manifestations provoquées par le « débat » sur le mariage homosexuel, qui auront rassemblées, de façon régulière, bien plus de militants et de sympathisants que les 10 ou 15 années de manifestations précédentes. Si, à l’évidence, Hollande n’a pas réussi à apaiser la France, il aura au moins réussi à rassembler et fédérer un nombre considérable de personnes contre lui.
Pire : loin de s’essouffler, les manifestations en question ont engendré la création de mouvements indépendants de partis politiques qui ont encore à présent toutes les peines du monde à analyser ce qui se passe et à tirer autre chose qu’un embarrassant silence. Le Printemps Français, les Veilleurs n’auraient vraisemblablement jamais pu se développer sans les manœuvres policières et politiques hasardeuses de l’actuel gouvernement.
Peut-être l’utilisation massive des réseaux sociaux explique-t-elle le décollage rapide et durable de ces mouvements ; Hollande, à ce titre, subirait la montée en puissance de ces nouveaux moyens de rassemblement numérique, au contraire de Sarkozy qui, en quelque sorte, aurait été président « trop tôt » pour en mesurer les effets lors de son propre quinquennat. Peut-être. Force est de constater qu’en tout cas, ces mouvements si spécifiques n’ont jamais vraiment décollé du temps de Sarkozy, alors qu’il y avait déjà largement de quoi, compte-tenu de l’enchaînement de bêtises qu’il nous aura offertes.
Mais de nos jours, une chose est sûre : chaque tentative, de la part des aigrefins qui nous gouvernent, d’introduire une nouveauté sociale frétillante dans les lois, comme, par exemple, les saillies délicatement genrées de Najat Vallaud-Belkacem ou Vincent Peillon, aboutit à la création de l’une ou l’autre page web ou groupe Facebook.
Sur le plan social, l’acmé de ces mouvements n’est probablement pas encore atteint. Sur le plan économique, on en est encore loin, mais l’aspect douloureusement exponentiel de la progression de ces mouvements de protestation laisse augurer, un jour ou l’autre, d’une explosion pénible pour le pouvoir en place, que ce soit l’actuel ou le futur.
Ici, je pense spécifiquement au mouvement des Pigeons dont le développement donne une idée de la rapidité à laquelle on peut s’attendre lorsqu’un mouvement prend de l’ampleur, nonobstant l’issue assez ridicule de ce dernier. Or, lorsqu’on liste ce qui se mijote actuellement en France, on ne peut qu’être surpris du nombre de personnes impliquées et de la détermination dont elles font preuve.
Et au contraire des manifestations d’opposants à des aspects sociétaux (genre, mariage homosexuel, gestation assistée et autres), les protestataires des mouvements économiques mettent bien plus que leur temps et leur motivation interne dans la balance : pour la plupart d’entre eux, il s’agit réellement de leur gagne-pain, de leur source de revenus ou d’une partie non négligeable de leur vie qui va être directement impactée par leur engagement militant.
Si, pour des mouvements associatifs traditionnels comme Les Contribuables Associés, les Moutons En Colère ou la Ligue des Conducteurs, l’engagement financier et personnel est encore relativement modeste, il en va bien différemment pour les protestations contre l’URSSAF, le RSI, la sécurité sociale en général, ou les changements introduits dernièrement dans la loi encadrant l’auto-entrepreneuriat.
Ainsi, le mouvement des Poussins, destiné à porter les revendications de dizaines de milliers d’auto-entrepreneurs dont l’entreprise est mise en péril par les dernières lubies des ministres socialistes, compte à présent pas loin de 20.000 supporters directs, avec appel aux dons et pétition.
Ainsi, les Dupés réclament, eux, un allègement du code du travail et dénoncent les dérives bureaucratiques de l’État, le paternalisme et l’excès de charges sociales.
De ce point de vue, ils rejoignent en partie les Tondus, autre mouvement d’entrepreneurs, qui estiment que le coût du travail est injuste et exorbitant et provoque directement le chômage français en imposant des coûts trop élevés aux entreprises, les empêchant d’embaucher. À ce titre, ils réclament donc la disparition pure et simple des charges patronales.
Enfin, à tous ces mouvements, on doit ajouter celui, grandissant et multiple, de ceux qui quittent la Sécurité Sociale et décident de s’assurer de façon autonome, aux prix du marché, auprès d’assurances européennes agréées. À la racine des différents groupes qui se mettent place, on retrouve bien sûr le MLPS de Claude Reichman, qui vise à informer les salariés, les employeurs et les indépendants français de leur possibilité de quitter les différents régimes de la Sécurité Sociale, tous plus ou moins en faillite et au bord de l’écroulement.
Dans cette vague, on trouve notamment les Libérés de la Sécu, qui rassemble ceux qui ont réussi à s’extirper du marigot putride des organismes de sécurité sociale collectivistes français ; signalons aussi le groupement des médecins qui, à leur tour, refusent de plus en plus de s’affilier aux organismes collectivistes de sécurité sociale, Les Médecins Ne Sont Pas Des Pigeons.
Bref, comme on le voit ici avec cette liste qui n’est même pas exhaustive, le nombre et la qualité des protestations auxquelles fait face l’actuel gouvernement est sans commune mesure avec ce qui a existé auparavant. On m’objectera, à bon droit, que ces manifestations de mauvaise humeur restent bien virtuelles puisque cantonnées aux réseaux numériques. Cependant, j’oserai mentionner que les rassemblements concrets, les actions effectives en cours actuellement ont toutes marquées l’opinion (et les médias) autant par le nombre de personnes concernées (et peu importe ici la bataille de chiffres), que par la détermination sans faille de ceux qui en font partie (et qui tient, en pratique, depuis maintenant plus d’un an).
Comme je l’ai déjà écrit dans de précédents billets, la France apaisée de Hollande ressemble maintenant à un champ de mine. Sarkozy avait réussi brillamment le pari de cliver à tout propos et hors de propos, sans jamais utiliser ces clivages pour produire quelque chose de concret, et sans parvenir à se faire réélire (bel exploit). Hollande, de son côté, montre une capacité insoupçonnée à monter une proportion grandissante et maintenant majoritaire de gens contre lui.
Alors que le pays s’apprête à affronter ce qui s’annonce déjà comme la pire crise qu’il devra traverser, ces nouvelles divisions profondes et durables n’invitent guère à l’optimisme.