Le mouvement Hamas envisagerait d'aller s'installer à Beyrouth
Il y a un peu moins de deux ans, le Hamas avait carte blanche pour voyager entre les capitales de la région, où il était accueilli et entouré de démonstrations d'amitié, en commençant par Téhéran, puis Damas, et jusqu'au Caire, sans même mentionner les deux capitales avec lesquelles il a les liens les plus étroits : Doha et Ankara. Mais la situation a changé de façon alarmante, après que le mouvement ait adopté des positions contraires à celles de son allié iranien.
Le dirigeant du Hamas Khaled Mechaal (au centre), le responsable du bloc parlementaire du Hezbollah Mohamed Raad (à droite), et le ministre libanais de l'Education Hassan Mneimneh (à gauche) écoutent un discours prononcé par le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, à Beyrouth, le 15 janvier 2010 - Photo : Reuters/Jamal Saidi
Puis vinrent les événements qui ont suivi le coup d'État en Égypte. A la suite de l'éviction des Frères musulmans du pouvoir, le Hamas a subi des dégâts incommensurables puisqu'il a perdu un allié idéologiquement et géographiquement proche. Cela a conduit le Hamas à rechercher de nouvelles alternatives qui l'aideraient à surmonter sa crise actuelle.
En conséquence, Beyrouth est devenue le lieu qui a vu, loin des projecteurs, l'activité politique la plus intense liée au Hamas. Le choix s'est porté sur cette ville non seulement parce qu'elle est la capitale du Liban, mais aussi parce qu'elle est considérée comme le bastion qui attire l'élite des factions et des dirigeants qui font partie de l'alliance iranienne. Pour cette raison, les délégations du Hamas se sont succédées au Liban afin de rétablir les relations politiques du mouvement avec l'axe iranien.
Réunions marathon
Les informations dont dispose Al-Monitor ont confirmé que plusieurs délégations de haut niveau du Hamas ont visité Beyrouth à la mi-juin 2013. Ces délégations incluaient un certain nombre de dirigeants politiques du mouvement, dirigé par le vice-président du bureau politique, Moussa Abou Marzouk, qui a rencontré des membres éminents de la direction du Hezbollah, avec à leur tête Hassan Hoballah, un membre du bureau politique du Hezbollah.
Mais la plus importante réunion, a-t-il été confirmé à Al-Monitor par des sources proches du Hamas, a été celle qui a vu réunis les dirigeants du Hamas et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. A cette occasion et après que les deux organisations se soient mutuellement reproché leur éloignement à la suite de la crise syrienne, il a été convenu de consolider les efforts pour répondre aux menaces israéliennes, et de surmonter les divergences d'opinion vis-à-vis des développements en cours dans le monde arabe. C'était la première fois depuis mars 2012 qu'une réunion de si haut niveau avait lieu.
Ce qui était remarquable cette fois-ci, c'est que les réunions du Hezbollah avec le Hamas ont été parrainées par les Iraniens. Al-Monitor a appris que la résidence de Ghadanfar Rukun Abadi, ambassadeur d'Iran à Beyrouth a été le théâtre d'un iftar (repas du soir durant le Ramadan) le 31 juillet, où un bon nombre de forces politiques étaient représentées. Cette réunion s'est conclue en la présence du secrétaire adjoint général du Hezbollah, Naim Qassem, et du représentant du Hamas au Liban, Ali Baraka.
La réunion, comme cela a été rapporté à Al-Monitor, était axée sur la nécessité d'une meilleure coordination entre les deux organisations, et elle a permis de voir l'ambassadeur iranien remercier le Hamas d'avoir empêché l'utilisation des camps de réfugiés palestiniens dans tout conflit sectaire qui pourrait éclater au Liban entre sunnites et chiites. Cela pourrait être une indication que les relations entre les deux organisations retourneront à ce qu'elles étaient avant la crise syrienne.
En outre, les bonnes relations entre le Hamas et le Hezbollah pourraient être mises en évidence par la participation du premier à toutes les activités organisées par la résistance libanaise, avec par exemple la visite d'une délégation du Hamas, dirigée par Khalil el-Hajj et Ali Moussa, sur la tombe de l'ancien commandant militaire du Hezbollah, Imad Moughnieh, qui selon le Hezbollah a été assassiné par les Israéliens en 2008.
Cela a été confirmé au cours des dernières heures par un membre de la direction du Hamas, Mahmoud al-Zahar, un fervent partisan de la reprise des relations avec l'Iran, qui a déclaré que « les Iraniens n'avaient pas du tout rompu leurs liens avec le Hamas, mais qu'ils avaient été surtout occupés par leur élection présidentielle »
L'obstacle syrien
Les questions ont pris une tournure encore plus inattendue lorsque Ahmad Youssef, ancien conseiller politique du Premier ministre du Hamas dans le gouvernement à Gaza, a soudainement annoncé que l'amélioration qualitative des performances des brigades al-Qassam Brigades au cours de la guerre israélienne contre Gaza en novembre 2012, avait conduit l'Iran à revoir ses relations avec le mouvement et a renouveler son aide financière.
Al-Monitor a cherché à confirmer cette information, mais un responsable du Hamas a alors souligné que l'Iran et le Hamas étaient dans une compréhension mutuelle. Les Iraniens sont désireux de maintenir leur relation avec le Hamas, et le Hamas est également désireux de garder les lignes de communication et la coordination avec Téhéran. Ce même responsable a fait part de son optimisme, disant que l'Iran allait rétablir pleinement son soutien au mouvement parce que l'ennemi commun restait Israël.
Ces évolutions ont mené à la participation de délégations du Hamas à des rassemblements et manifestations appelées par l'Iran dans un certain nombre de capitales pour commémorer la Journée de Jérusalem, ce qui signifie que le Hamas désire rétablir à son ancien niveau ses relations avec Téhéran.
En outre, Al-Monitor a contacté mardi une source bien informée à l'intérieur du Hezbollah qui a confirmé que le parti faisait des efforts pour rétablir ses relations avec le Hamas. Le plus important de ces efforts a pris la forme d'une réunion commune à huis clos qui comprenait des dirigeants du Hezbollah et des cadres [du Hamas]. En outre, Nasrallah a affirmé que la relation entre le Hezbollah et le Hamas était forte, qu'il n'y avait rien de vrai dans les rumeurs sur des militants du Hamas qui auraient pris part aux combats en Syrie, et que les lignes de communication entre les deux organisations n'ont jamais disparu.
Mais l'ambiance chaleureuse et conviviale qui a régné lors de la reprise des relations entre le Hamas, l'Iran et le Hezbollah, a été tempérée par l'approfondissement de la crise syrienne, la cause première de la détérioration des relations. Cela signifie-t que le rétablissement de ces relations est fondé sur la réconciliation entre le président syrien Bachar al-Assad et le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meshaal ? Et, allons-nous assister à un retour de certains des dirigeants du Hamas à Damas, d'autant plus que le Caire n'est plus un refuge pour le mouvement après le récent putsch militaire ?
Une source du Hamas a mis les points sur les i quand il a déclaré à Al-Monitor : « La question syrienne est très différente, car aussi longtemps que les civils sont pris pour cibles et tués, et que la situation restera instable, il y aura des difficultés dans le développement de relations dans un sens positif. Nous nous en tenons à notre position vis-à-vis de la Syrie, et notre avis sur la crise est clair. C'est une position fondée sur des principes et des valeurs morales que le Hamas a adoptées, et sur l'appui au peuple syrien. Et je pense que cette position ne changera pas. »
Bien que la situation qui prévaut en Égypte d'aujourd'hui n'est plus aussi favorable au Hamas qu'elle l'était à l'époque de Morsi, il ne semble cependant pas que Abou Marzouk quittera prochainement le Caire pour aller s'établir à Beyrouth. Selon une source au sein du Hamas, cela obéit à plusieurs raisons, surtout que cette décision reviendrait à complètement fermer la porte avec le Caire, quelque chose qui semble prématuré aujourd'hui.
* Adnan Abou Amer est doyen de la Faculté des Arts, et responsable de la Section de la presse et de l'information ainsi que d'un professeur de l'histoire de la question palestinienne à Al Oumma Open University Education. Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'Université Demashq. Il a publié de nombreux ouvrages sur les questions liées à l'histoire contemporaine de la cause palestinienne et le conflit israélo-arabe.
- Source : Al Monitor traduit par Info Palestine