Prise de conscience: Un courrier d'un ex banquier à Alain Soral
Je vous écris suite à la lecture de plusieurs courriers des lecteurs. Ces courriers des lecteurs aux profils variés sont encourageants, et j’imagine même plus stimulants pour vous qu’un compteur de vues dailymotion. Je vous écris aussi par besoin de m’adresser à quelqu’un qui par ses analyses démontre être une des rares personnes qui pourra comprendre mon parcours.
Je suis un ex-banquier, dans l’investissement en infrastructure, aujourd’hui consultant freelance. Je vis dans et de la logique mondialiste que vous dénoncez, et dont je corrobore à la critique bien que faisant partie du problème. Ceci dit j’ai de plus en plus de mal à en vivre, et j’ai de moins en moins de motivation, ce qui revient en fait au même. Je pense que cela est dû à une prise de conscience assez forte qui se doit principalement à mon parcours et à mes origines.
Né en France, fils d’immigré italien resté en contact avec le pays, j’ai dès l’enfance été confronté à deux réalités, la réalité de la famille, paysanne, saine, simple mais aussi très limitée, et la réalité de la ville moyenne de France où j’ai grandi, l’abondance, mais aussi le manque de certaines valeurs de base, le multiculturalisme et le communautarisme. Communautarisme quasi-inexorable qui commençait chez moi en se référant aux voisins comme "français", terme amicalement péjoratif se référant à un voisinage de prolétaires dont la laideur avait beaucoup à voir avec la perte de leurs traditions françaises, à commencer par la cuisine – les pâtes au jambon ou au ketchup de mes camarades de classe étaient très symptomatiques d’un mal plus profond.
Après des années d’école publique qui me firent baigner dans le multiculturalisme et bain idéologique sos racisme, et n’ayant jamais vraiment compris quelle attitude adopter entre la sympathie familiale pour Le Pen et le discours étudiant ambiant, je me suis affranchi de toutes ces questions en me concentrant sur les études et entrant dans une grande école parisienne – ou du moins j’avais cru m’en affranchir.
La réalité m’est retombée dessus lorsque j’ai commencé à côtoyer une certaine bourgeoisie "catholique" française qui vit du système et est donc allergique à Le Pen, mais aussi quelques juifs séfarades, en apparence fils de commerçants comme moi, en apparence déracinés comme moi, mais dévoilant au fil des années un cosmopolitisme antagoniste à toute forme d’enracinement, préférant ainsi New York à la France. Je n’avais à l’époque pas encore lu Simone Weil mais j’étais sensible à la question de l’enracinement par intuition.
C’est lors de ces années d’études que ma conscience de classe s’est développée. Mes parents me payaient les études mais je n’oubliais pas leurs 15h de travail par jour. Puis en allant à l’étranger pour finir mes études, j’ai fini par travailler à Hong Kong plusieurs années. J’ai alors pu ajouter la catégorie juifs ashkénaze à ma compréhension du monde, et du monde la banque en particulier en entrant dans ce monde. J’ai toujours eu un talent d’observation et d’intégration dans un groupe, m’immisçant dans des mondes étrangers pour mieux les comprendre et sans les juger de premier abord. J’ai alors compris que la distance qui me séparait des élites mondialistes dont je faisais partie de facto était beaucoup plus grande que la distance culturelle qui me séparait des prolétaires français. La distance géographique était donc finalement moins déterminante que la distance de classe dans la lecture du monde.
Mon père, ce petit patron qui offrait l’appéritif à ses employés le samedi, m’exaspérait par son mono-déterminisme politique centré sur la seule valeur travail - souvent travail individuel de production, ce qui fait sens chez un immigré de première génération mais me paraissait être une vision limitée. Il aurait sûrement dit de Soral que c’est un malin qui cherche à eviter de travailler qui ne vaut pas mieux que les autres ! Aujourd’hui, je comprends qu’il réunissait le bon sens et la conscience politique du petit entrepreneur, et qu’un type cultivé comme Soral tend finalement, à 50 ans, à se rapprocher plus vers cette catégorie que vers celle de penseur ou chroniqueur télé. C’est finalement qu’elle est assez vertueuse et affranchissante.
De mon coté, je continue à vivre dans et par le parasitisme tertiaire. Ça me permet de vivre confortablement et même d’avoir pu modestement faire un don de quelques centaines d’euros à votre association il y a un plus d’un an. Vous sourirez en apprenant que par méfiance j’ai utilisé une adresse mail temporaire et que je fais de même aujourd’hui. Méfiance envers le système.
Car la rançon "de la gloire", c’est d’être tenu par les couilles, à tel point que beaucoup finissent par les perdre ou pire encore, par se demander si elles servent encore à quelque chose tant la carte de crédit fait des miracles. Une sorte d’aboutissement du meilleur des mondes où les riches contrôlent, les pauvres reproduisent, où tout le monde est heureux et personne ne se pose de questions, la mort de la conscience par la flatterie de l’égo et du plaisir individuel. Comme a dit Vanneste que j’ai découvert sur votre site : on vit dans un monde où on ne pense plus, ou alors si l’on pensait ça serait pour penser à soi.
Concernant le monde de la banque d’investissement, ce monde de l’argent et la corruption morale où l’un nourrit le besoin de l’autre et vice-versa, sachez que la motivation première des jeunes analystes est d’accéder aux "models and bottles", c’est à dire au carré VIP de la "meilleure" boîte du centre-ville remplie de banquiers, d’avocats, de consultants et de bimbos. Bimbos c’est-à-dire putes, demi-putes pour certaines : chroniqueuses pour revues féminines ou mannequins ratées, voire putes-en-devenir : jeunes étudiantes bobos qui passent leurs vendredi après-midi à choisir leur robe et arrivent en boîte avec 3 fois trop d’accessoires… ou tout simplement putes du capital comme nous c’est-à-dire avocate, banquier ou consultante, executive woman à talons hauts qui a quand même besoin d’un réconfort mâle dominateur après une semaine de boulot et une bouteille de vin blanc au bar avec sa collègue. À se demander si, au milieu de tout ça, les putes au premier sens du terme ne sont finalement pas les plus honnêtes et vertueuses !
La corruption morale est assez banale dans ce milieu, la banque en elle-même en tant que logique ou système n’a pas de morale autre que la croissance du profit, et est un espace complètement déshumanisé. En tant que jeune analyste j’ai pu m’enthousiasmer pour certains projets d’infrastructure donnant l’impression de participer à quelque chose de vertueux, puis j’ai vite déchanté, lorsque ne pouvant pas faire avancer un projet malgré un sacré budget "lobbying" le tout fut découpé en pièces (droits, pré-contrats etc) et vendu aux plus offrants, permettant ainsi tout même de faire du profit sans pourtant que ce projet ait un quelconque futur concret qui fasse sens. Être à l’intérieur de ce monde ouvre les yeux.
Et ça ouvre les yeux aussi sur un sujet qui vous est cher. Pour reprendre et adapter une citation de Desproges je dirai que dans le monde de la banque, le monde se divise en deux catégories, les juifs et les schyzo-sémites ! C’est-à-dire à la fois "antisémite" car bien au fait de la domination juive de ce monde de l’usure, et à la fois philo-sémite par admiration pour la communauté qui contrôle notre monde professionnel, d’autant que tout le monde rêve du bonus et du premier million de dollars. Pour certains, goys en général, le premier million est vu comme une fin, pour d’autres plus ambitieux et donc plus faciles à corrompre, comme un début !
Je ne suis pas resté assez longtemps dans la banque pour accéder aux fêtes partouzardes dont tout le monde parle discrètement, et qui étaient organisées par un directeur assez senior. Je n’ai donc pas vu de première main la dérive réellement satanique du milieu. Mais dans une moindre mesure, il me suffit d’observer beaucoup de mes collègues qui partagent ce goût pour la coke, le plaisir de baiser hors mariage et d’aller en vacances à Ibiza à 35 piges pour comprendre quel futur les attend. Le profit et l’usure sont tout à fait compatibles avec l’hédonisme, et j’irai même plus loin en disant que ceux qui ont le plus de succès sont ceux qui "embrassent" l’hédonisme et se revendiquent d’Ayn Rand pour se justifier de leur égoïsme. Niveau décadence morale, j’ai donc bien vu le début de la spirale.
Ma conscience politique et ma douleur face à ce milieu a sûrement une explication anthropologique, difficile de passer de petit-fils de paysan et fils de petit patron à l’élite d’argent la plus destructrice. Parmi tant d’intellectuels et d’experts qui passent leurs vies sur les plateaux télé, vous êtes un des seuls à comprendre et à exprimer ça. Quand vous expliquiez pourquoi le système ne pourrait pas se servir d’une Ségolene Royal, fille de militaire, car ayant en elle un reste de structuration mentale et morale, tout ça fait sens à mes yeux. La notion même de système que certains renvoient directement à de la conspiration est beaucoup plus facile à appréhender une fois passé quelques années en plein dedans.
Je vous considère donc avant tout non pas comme un penseur ni comme un politique mais comme un "éveilleur de conscience". Ce noble but que vous vous fixez et que vous atteignez de plus en plus. Mon courrier fait suite à d’autres, et aura pour but je l’espère de montrer les différents horizons des gens qui vous écoutent et vous soutiennent. Vous avez fait un choix, et comme vous aimez à le dire, contrairement à la jeunesse pressée, vous savez que les arbres prennent du temps avant de donner des fruits et que votre travail est un travail sur la durée.
Enfant, je m’étonnais de voir mon grand-père de 60 ans planter de tout petits oliviers à coté d’olivier centenaires. La frustration de savoir que dans 20 ans ils auraient grandi si peu qu’ils ne feraient pas la moitié de la taille des autres, me faisait penser que mon grand-père n’avait vraiment rien de mieux à faire. Aujourd’hui je comprends que ce sont les gens comme lui qui fondent l’humanité.
Et je tiens à dire qu’il est assez admirable et courageux d’être sorti du monde dans lequel vous étiez, mais au final je crois comprendre qu’entre choisir d’endurer la laideur morale au prix du mensonge ou basculer vers la vérité, il vous aura été assez simple de choisir. Et que comme toujours le courage n’est qu’un terme généreux qui permet d’expliquer après coup qu’on ait suivi son intention sans prendre en compte les risques auxquels on s’exposait. Un peu comme ce père de famille qui a désarmé un homme au cinéma et dont vous avez relayé l’information.
Aujourd’hui, à 34 ans, je n’ai toujours pas atteint le million de dollars, mais mes rêves ont dramatiquement changé. Plus envie de Porsche, plus envie d’appartement chic en haut d’une tour, mon rêve est de me marier, d’avoir des enfants, de pouvoir m’affranchir de cette vie qui me coûte tant d’effort indidivuel et du travail pour nourrir un capital qui certes me dédommage bien, mais qui ne m’a pas permis d’atteindre le niveau de satisfaction d’un petit entrepreneur local comme mon père.
Contrairement à vous, j’aspire à vivre dans l’anonymat, sans ambition politique sinon celle d’élever mes futurs enfants de manière civique et responsable. En tant que produit de la mondialisation, il m’est pourtant aujourd’hui difficile de retourner vivre à la campagne, de trouver une femme qui puisse accepter mon train de vie et mon niveau de vie tout en ayant des valeurs saines – cet univers étant très réduit. Considérant l’enracinement comme décrit par Simone Weil comme fondamental, je suis aujourd’hui un être humain quasiment in-enracinable. Je vous laisse penser à ça, c’est une donnée avec laquelle il faudra penser le monde de demain.
Merci de m’avoir lu. Je lis votre revue de presse fréquemment ce qui me permet de rester en contact avec la langue française. Pour le reste des médias français comme le Monde ou le Figaro, ils ne sont qu’une version française d’une presse mondialiste abondamment disponible en anglais.
Bon courage !
- Source : Egalité et Réconciliation