Que peut-on attendre de la « garantie jeunes » européenne ?
Le dernier Sommet européen de Bruxelles (27/28 juin 2013) vient de confirmer l'adoption de mesures visant à lutter contre le chômage des jeunes (18-25 ans). Croit-on vraiment que les jeunes, qui ont entendu parler de " plans de sauvetage " autrement plus coûteux, vont se satisfaire de cette " petite monnaie " européenne ? Va-t-on continuer longtemps à en faire les victimes expiatoires de la fascination imbécile et funeste d'une génération de dirigeants pour la compétition internationale et le sacro-saint libre-échange ?
Le dernier Sommet européen de Bruxelles (27/28 juin 2013) vient de confirmer l'adoption de mesures visant à lutter contre le chômage des jeunes (18-25 ans).
Sur 26 millions de personnes au chômage en Europe, environ 1/4 sont des jeunes de moins de 25 ans. En Grèce et en Espagne, plus de la moitié des jeunes sont au chômage.
L'initiative adoptée par le Sommet européen est ciblée sur les 13 pays les plus touchés - parmi lesquels la Grèce, l'Espagne, l'Italie et la France - et, au sein de ces pays, sur les régions elles-mêmes les plus touchées. Au total, 8 milliards d'euros pourraient être consacrés à ce plan, dont François Hollande a précisé qu'il pourrait bénéficier à 300.000 personnes en France, à raison de 300 millions d'euros par an pendant deux ans.
Comme on aimerait se réjouir ! Le peut-on vraiment ?
Ce " nouveau " plan est une reformulation des mesures d'ores et déjà prévues dans le cadre financier 2014-2020 de l'UE :
- les 6 milliards d'euros initialement alloués sur les 7 ans de programmation financière pourront être dépensés en totalité sur les 2 premières années ;
- ils seront complétés à hauteur de 2 milliards d'euros, à récupérer sur d'autres programmes dont les fonds n'auraient pas été utilisés.
L'idée d'accroître la force de frappe annuelle est bonne mais que se passera-t-il après les deux années de consommation du budget ? Et quid des autres programmes qui auront été ainsi détournés de leur vocation initiale ?
On peut supposer que ce plan s'inscrit dans la continuité de la décision prise par les ministres du travail de l'UE, le 28 février 2013, de mettre en place une " garantie " pour la jeunesse. En parallèle, la France, comme elle semble en prendre l'habitude, a développé son propre concept de " garantie jeunesse ". Dans les deux cas, il s'agit d'obtenir une mobilisation accrue des " pôles emploi ", afin qu'ils proposent aux jeunes « un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage » dans les 4 mois suivant leur sortie du système scolaire. Mais, là où l'Europe parle d'obligation de résultat pour les pôles emploi (voeu pieu ?), la France se satisfait d'un objectif de principe. Par ailleurs, la France, contrairement à l'UE, complète le dispositif par un revenu minimum (pour les jeunes n'ayant pas accès au RSA, c'est à dire ceux n'ayant pas pu cumuler 2 ans de travail à temps plein). Enfin, ni les populations ni les territoires concernés ne sont identiques dans le projet français et dans le projet européen, dont on ne sait pas bien comment ils vont s'articuler. Le premier porte sur l'ensemble du territoire national mais uniquement pour les jeunes en plus grande difficulté (on parle de 100.000 jeunes par an lorsque le dispositif sera pleinement opérationnel), alors que le second concerne tous les jeunes dans les régions où le chômage les concerne à plus de 25 % (à ce jour en France : les Dom-Tom, Nord-Pas-de-Calais, Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne et Aquitaine).
Vous avez du mal à suivre ? Moi aussi.
Bref, après, en France, un RSA jeune qui a fait un flop monumental, tout cela fleure bon l'usine à gaz et l'effet d'annonce, car la totalité des sommes annoncées, minimes au regard des enjeux, étaient déjà budgétées par l'Union, notamment via le Fonds social européen (FSE). Il se peut d'ailleurs que des pesanteurs administratives retardent le lancement effectif de la garantie européenne car il va falloir au préalable modifier les textes législatifs qui régissent le FSE et disposer des statistiques de chômage de l'année 2012 ...
Croit-on vraiment que les jeunes, qui ont entendu parler de " plans de sauvetage " autrement plus coûteux, vont se satisfaire de cette " petite monnaie " européenne ? Va-t-on continuer longtemps à en faire les victimes expiatoires de la fascination imbécile et funeste d'une génération de dirigeants pour la compétition internationale et le sacro-saint libre-échange ?
- Source : scripta manent