Scandales alimentaires : l'autre visage de la mondialisation
De l'Europe à la Chine en passant par l'Angleterre et l'Afrique du Sud, les scandales alimentaires secouent la planète : inventaire... et remèdes potentiels.
L’affaire ne date que de quelques semaines, et il y a peu de chances que vous l’ayez oubliée, surtout si vous êtes amateur de plats surgelés ou amoureux des équidés : de la viande de cheval a été retrouvée dans nombre de plats surgelés – des lasagnes aux tomates farcies – dans toute l’Europe.
L’occasion pour beaucoup d’entre nous de découvrir qu’un animal peut être abattu en Roumanie, puis sa viande vendue en gros via deux courtiers, un à Chypre et l’autre aux Pays-Bas, à une société française, pour être transformée au Luxembourg et ensuite être vendue un peu partout en Europe, de la France à l’Italie, en passant par le Portugal, l’Angleterre, et ce, entre autres, par une entreprise suédoise.
Derrière cette filière, un principe : la rentabilité. Car si le grossiste néerlandais a acheté de la viande de cheval en Roumanie, c’est uniquement pour une question de coût et de marge. Un circuit qui nous permet d’acheter des lasagnes surgelées quelques euros.
L’affaire de la viande de cheval a été le début d’une vaste vague de contrôles sanitaires. Les résultats laissent… perplexe. C’est en effet une véritable ménagerie qui transite dans nos assiettes : du cheval dans des lasagnes, des boulettes, des raviolis ou de la moussaka, du porc à la place du bœuf en Angleterre ou encore du kangourou et de la girafe dans des bâtonnets de viande séchée d’antilope en Afrique du Sud...
Les mauvaises surprises ne s’arrêtent pas là : des bactéries d’origine douteuse ont été découvertes dans des tartes Ikea et, en Islande, des tourtes à la viande se sont avérées ne contenir aucune trace de protéines animales. Bienvenue dans l’ère de la suspicion envers le contenu de votre assiette.
L’empire du scandale de la nourriture frelatée
Si la viande de cheval ne risque pas de vous tuer, d’autres scandales alimentaires ont non seulement défrayé la chronique mais aussi fait des victimes.
En 2008, c’est le scandale du lait frelaté qui a secoué la Chine. Le géant agroalimentaire chinois Sanlu avait en effet mis en vente du lait de vache contenant de la mélamine, destinée à en falsifier la quantité de protéines. Le problème est que la mélamine peut déclencher des calculs rénaux. D’après l’estimation du ministère de la Santé chinois, 300 000 enfants auraient été concernés et une dizaine d’entre eux en seraient morts.
En février dernier, l’affaire a même été relancée alors que 72 tonnes de poudre de lait contaminé ont été saisies, preuve que les stocks de lait à la mélamine n’ont toujours pas été complètement détruits.
Depuis 2008, d’autres scandales du même genre font régulièrement surface en Chine : des protéines de cuir qui ont été découvertes dans du lait, du plastique dans du riz, de l’antigel dans le dentifrice, du formol dans des choux, de l’eau de javel dans les champignons… et j’en passe.
Selon Pékin, 15% des Chinois seraient chaque année victimes d’une intoxication alimentaire, si bien que différentes mesures ont été prises pour lutter contre un problème loin d’être anecdotique et qui soulève la colère de la population : création d’un Comité de sécurité alimentaire, loi sur la sécurité alimentaire, peines très lourdes – pouvant aller jusqu’à la peine capitale – pour les responsables des plus graves infractions à la sécurité alimentaire et contrôles sanitaires renforcés.
En 2012, une application pour smartphone, China Survival Manual, a même été lancée pour prévenir les risques alimentaires dans l’empire du Milieu en diffusant des informations sur les produits dangereux. Le succès a été immédiat avec plus de 200 000 téléchargements dès la première semaine.
Le marché noir du lait qui vaut de l’or
Après 2008, les Chinois se sont précipités sur le lait en poudre d’origine étrangère, réputé plus sûr que les laits proposés par les entreprises chinoises.
Une demande telle qu’elle avait provoqué une pénurie de lait pour bébé jusqu’en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Un véritable trafic de lait s’est alors mis en place. D’après le Financial Times, citant le gouvernement australien, des centaines d’étudiants australiens ont ainsi servi de passeurs. Ils étaient chargés d’acheter du lait en poudre dans les supermarchés australiens et de les envoyer ensuite en Chine, empochant au passage une petite commission. Le lait était ensuite revendu deux fois son prix. Le mouvement a pris une telle ampleur que les supermarchés australiens ont dû faire face à une véritable pénurie.
Hong Kong vient de limiter le nombre de boites de lait en poudre autorisées par voyageur se rendant en Chine pour essayer de limiter la contrebande qui sévit entre l’île et le continent.
Les géants agroalimentaires comme Nestlé ou Kraft espèrent profiter de ces scandales pour s’imposer sur le très prometteur marché chinois. Ils ne sont pas les seuls. La stratégie de la coopérative laitière nouvelle-zélandaise Fonterra est centrée sur l’Empire du Milieu, et ce malgré les difficultés rencontrées. Fonterra, détenait en effet 40% du Chinois Sanlu, responsable du scandale de 2008, et avait été accusée d’avoir trop tardé à signaler ses suspicions sur la qualité du lait proposé par son partenaire chinois.
Bien décidée à faire oublier cette casserole et à profiter du potentiel chinois, Fonterra va donc lancer dans les mois qui viennent une marque de lait infantile à destination de ce marché et prévoit de construire une usine de production de lait UHT dans l’empire du Milieu. Un dispositif qui s’ajoutera aux deux fermes laitières que le groupe y possède déjà.
Les Sherlock Holmes de nos assiettes : les spécialistes de la bioanalyse
S’il y a bien un secteur qui profite de ces affaires et de la suspicion qui pèse de plus en plus sur le contenu de nos assiettes, c’est celui de la bioanalyse.
Des tests ADN à ceux permettant de détecter le virus de la grippe A ou encore la présence de pesticides, d’anti-inflammatoires, etc., ces sociétés voient leur potentiel de clients s’agrandir à chaque nouvelle crise alimentaire ou sanitaire.