Euro 2016 : les dépenses sont publiques, mais les recettes seront… privées !
L’Assemblée nationale vient de voter une mesure d’exonération fiscale pour l’Euro 2016. Damien Lempereur dénonce un deux poids, deux mesures avec des citoyens écrasés d’impôts.
Avocat au Barreau de Paris, Damien Lempereur est également Membre du Bureau Politique de Debout la France, Délégué National aux partis politiques étrangers et Directeur stratégique de la campagne présidentielle de Nicolas Dupont-Aignan en 2012.
Dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 décembre, dans la plus grande discrétion, l’article 24 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 a été adopté par la majorité socialiste. Un petit vote, mais de grands effets. Et pour cause: l’Assemblée Nationale vient tout simplement d’exempter la société commerciale «Euro 2016 SAS» d’impôts et de taxes pour toute la durée de la Coupe d’Europe des nations qui se déroulera en France en juin et en juillet 2016!
Concrètement, la société en charge de l’organisation commerciale de la compétition ne sera redevable ni de l’impôt sur le revenu, ni de l’impôt sur les sociétés, ni de la taxe sur les salaires, ni de la taxe d’apprentissage, etc. Il faut le lire le croire!
Ce sont ainsi plusieurs centaines de millions d'euros de recettes fiscales auxquels l'Etat renonce par avance. Dans un contexte de crise et d'austérité, alors que l'on demande à chacun de faire toujours plus d'efforts pour économiser quelques dizaines de millions ici et là, il est anormal qu'une société commerciale qui va réaliser d'énormes bénéfices soit autorisée à ne pas payer d'impôt et de taxe en France.
A l'heure où les commerçants, les artisans et les indépendants étouffent littéralement sous les charges, l'Etat envoie le plus mauvais signal que l'on puisse imaginer à tous les citoyens qui se battent au quotidien pour leur survie. Le gouvernement leur rappelle en effet que le collier de l'impôt ne vous sera pas serré avec la même force selon que vous soyez puissant ou misérable.
Mais le scandale ne s'arrête pas là. Il prend une dimension particulièrement grave lorsque l'on sait que la France a déjà dépensé plus de deux milliards d'argent public uniquement pour rénover ou construire les stades qui accueilleront la compétition. En résumé, vos impôts préparent à coup de milliards la compétition à venir, mais lorsqu'il s'agit d'en encaisser les dividendes, l'Etat en fait cadeau à … l'organisateur.
Comme trop souvent en France les dépenses sont publiques, mais les recettes, elles, seront bien privées!
Une forfaiture qui a au moins eu le mérite de faire réagir Karine Berger, pourtant Secrétaire Nationale à l'économie du Parti Socialiste, qui s'exclamée sur Twitter en ces termes: «honte sur nous qui venons de déposer les armes et céder au chantage fiscal le plus antirépublicain». En matière d'autosatisfaction, on a déjà vu mieux.
Selon le penseur chinois Han Fei «les princes prélèvent des impôts sur les riches afin d'aider les pauvres». Je ne suis pas certain que le gouvernement connaisse Han Fei mais il aurait pu au moins s'inspirer de Robin des bois. Que nenni ! En France, on préfère prélever sur les pauvres pour augmenter les bénéfices des plus riches.
Alors bien sûr, l'Etat ne manquera pas de répondre que la candidature de la Fédération Française de Football à l'accueil de la compétition imposait que le gouvernement prenne, à l'égard des entités organisatrices, l'engagement de leur consentir un régime fiscal dérogatoire. Cet engagement a d'ailleurs pris la forme, dès 2010, d'un courrier ministériel joint au dossier de candidature. Doit-on comprendre que le ministre des finances et des comptes publics a un nouveau patron, à savoir la Fédération Française de Football. A moins qu'il ne s'agisse plutôt de l'UEFA, depuis les rives du Lac Léman en Suisse?
Enfin, pour éviter que cet article 24 ne soit trop facilement reconnu inconstitutionnel - puisqu'une société commerciale va de facto être exemptée d'impôts et de taxes - le gouvernement a jugé bon d'élargir le régime fiscal dérogatoire à «toute compétition sportive internationale attribuée dans le cadre d'une sélection par un comité international, (…) d'un niveau au moins équivalent à un championnat d'Europe et (…) organisée de façon exceptionnelle sur le territoire français». L'Euro 2016 ne sera donc pas le seul à être exempté d'impôts! Le championnat d'Europe de Basket de 2015 organisé par la FIBA devrait pouvoir en bénéficier également.
Une entorse profonde au principe pourtant constitutionnel de l'égalité de tous devant l'impôt.
- Source : Damien Lempereur