La plaignante d’Ary Abittan sort du silence : « Après les propos de Brigitte Macron, je me sens abandonnée »
Une vidéo montre Brigitte Macron lâcher « sales connes » en parlant de militantes féministes venues perturber un spectacle d’Ary Abittan. Au même moment, Camille (pseudonyme), la plaignante, raconte ce que ça fait quand la justice ferme le dossier et que le reste du pays continue de commenter ton corps et ta vie.
Cinq plaies vaginales, deux plaies anales, un non-lieu. Comment la justice peut-elle conclure à l’absence de « preuve suffisante » quand le corps raconte l’inverse pour beaucoup de Français ?
Camille, 27 ans, brise le silence
Sous le pseudonyme de « Camille », la jeune femme s’est exprimée pour la première fois dans Le Monde. Si elle sort de l’anonymat médiatique, c’est précisément en réaction aux propos de Brigitte Macron.
Elle explique que ces mots – « sales connes » – ravivent des souffrances profondes et lui rappellent combien les actions de militantes féministes l’ont aidée dans sa reconstruction. Entendre cette insulte dans la bouche de la Première dame, censée défendre la cause des femmes, la fait se sentir abandonnée et renforce un traumatisme qu’elle dit vivre au quotidien.
Aujourd’hui âgée de 27 ans, Camille décrit une vie « monacale », à l’écart des réseaux sociaux, parce que chaque article sur Ary Abittan réactive son stress post-traumatique. Elle travaille, mais parle d’une existence « en bulle », centrée sur la survie psychique plus que sur la vie sociale.
Une relation brève, une nuit, et des blessures documentées
Le récit de Camille est désormais connu : elle rencontre Ary Abittan en septembre 2021 lors d’un événement privé. Elle a 22 ans, lui 47. Ils entament une relation faite de rendez-vous chez l’acteur, une à deux fois par semaine. Camille décrit un partenaire insistant sur le sexe anal, pratique qu’elle refuse, quand lui assure au contraire qu’il y a eu plusieurs rapports anaux consentis.
La nuit du 31 octobre 2021, ils se retrouvent chez lui. D’après Camille, le rapport dégénère lors d’un second rapport sexuel : pénétration vaginale brutale, immédiatement suivie d’une pénétration anale tout aussi violente. Elle dit avoir hurlé de douleur, répété qu’elle avait mal, avant qu’il ne parle d’« erreur ».
Elle quitte l’appartement, se réfugie chez une amie, envoie des messages où elle décrit un rapport qui a « très mal tourné ». À 2 heures du matin, elle porte plainte. Neuf heures plus tard, un médecin légiste constate cinq plaies vaginales de plusieurs centimètres et deux plaies anales saignantes d’environ 1,5 cm, jugées « compatibles avec une pénétration anale ».
Le même jour, les enquêteurs placent Ary Abittan en garde à vue, perquisitionnent son domicile et saisissent notamment une serviette tachée de sang. Il reconnaît deux rapports successifs et une pénétration anale qu’il décrit comme désirée et consentie, mais ne parvient pas à expliquer les blessures constatées.
Une décision de non-lieu qui laisse un goût amer
Après plusieurs années d’instruction, la juge conclut qu’il n’est « pas possible de dire que les lésions sont dues à un acte non consenti » et qu’« il n’existe pas d’indices graves ou concordants » permettant de renvoyer Ary Abittan devant un tribunal pour viol. Un non-lieu est prononcé le 2 avril 2024, confirmé en appel en janvier 2025.
Juridiquement, cela signifie que l’affaire s’arrête là : il n’y aura pas de procès, pas de débat public contradictoire devant une cour d’assises, et Ary Abittan demeure présumé innocent. Ce n’est pas un acquittement, qui suppose un procès et un verdict, mais la fin des poursuites faute d’éléments jugés suffisants par les magistrats.
Pour Camille, la chute est vertigineuse : après l’ordonnance de non-lieu, elle tente de se suicider et est hospitalisée en urgence, selon Le Monde. Elle fait appel, sans succès.
« Preuves accablantes » pour certains, manque d’indices pour la justice
C’est là que naît l’incompréhension d’une partie de l’opinion. Comment concilier, d’un côté, des constats médicaux très clairs, des traces de sang, des messages envoyés à chaud, des témoignages d’amis et d’anciens partenaires qui la décrivent comme « pudique » et refusant la sodomie, et, de l’autre, une conclusion officielle selon laquelle il n’y a pas d’indices « graves ou concordants » de viol ?
Pour beaucoup de Français, le dossier ressemble à ce qu’ils appellent des « preuves accablantes », surtout lorsqu’ils lisent que l’expertise psychiatrique conclut à un état de stress post-traumatique directement lié aux faits dénoncés. Du côté de la justice, la logique est différente : il ne s’agit pas seulement de constater des blessures, mais de pouvoir affirmer, au-delà d’un doute raisonnable, qu’elles résultent d’un acte non consenti. Qui voudrais consentir à cinq plaies vaginales, deux plaies anales ?
Dans son ordonnance, la juge souligne ce qu’elle qualifie « d’ambiguïté » dans les signaux envoyés par Camille et l’absence, à ses yeux, d’éléments suffisamment solides pour trancher. Une formulation qui heurte frontalement le ressenti de la plaignante et de nombreux militants, pour qui le corps de Camille, ses messages, ses larmes, devraient suffire à faire pencher la balance.
Ce décalage nourrit une impression d’injustice, voire d’impunité, qui va bien au-delà du seul cas Abittan.
L’écho avec Laury Thilleman et le débat sur le consentement
Pendant que Camille parle enfin, une autre séquence liée à Ary Abittan revient sur les réseaux : celle du baiser forcé de 2013 sur Laury Thilleman, alors invitée des Enfants de la télé sur TF1. On y voit l’humoriste attraper le visage de l’ancienne Miss France et l’embrasser longuement, malgré ses tentatives pour se dégager, sous les rires du public et du plateau.
Le consentement selon le protéger de Brigitte Macron : Ary Abittan
— Marcel D. (@DubreuilhMarcel) December 10, 2025
Il a une immunité ce gars ? pic.twitter.com/3OwzHBaBIy
Douze ans plus tard, Laury Thilleman publie un long message sur Instagram : elle parle de « traumatisme intact », explique qu’elle se sentait humiliée, objetisée, impuissante, et rappelle une phrase simple qui résume tout : « Je ne consens pas ».
Pour beaucoup, la juxtaposition des deux histoires – une archive de baiser non consenti en direct, et une plaignante décrivant des violences sexuelles graves – cristallise un malaise plus large : celui d’une société où le « non » des femmes, explicite ou implicite, semble encore avoir du mal à produire des effets dans les faits, sur un plateau télé comme dans un cabinet de juge d’instruction.
Une affaire judiciaire close, un débat de société bien vivant
Sur le papier, le dossier Ary Abittan est clos : non-lieu confirmé, tournée reprise, soutien public d’une partie du monde politique. Dans la réalité sociale, c’est l’inverse : les blessures de Camille, l’aveu de détresse de Laury Thilleman et les mots de Brigitte Macron continuent de s’entrechoquer dans l’opinion.
Pour la plaignante, les militantes, une part des Français, la question est simple : comment accepter qu’un corps abîmé, un traumatisme confirmé, des récits cohérents se heurtent à une formule sèche – « pas d’indices graves ou concordants » – et à des sourires de coulisses ? Pour la justice, la ligne reste tout aussi nette : on ne renvoie pas quelqu’un devant un tribunal quand subsistent trop d’incertitudes sur le consentement.
Entre ces deux réalités, il n’y a pas seulement un dossier pénal. Il y a une fracture de confiance. Et c’est précisément cette fracture que les mots « sales connes » ont rendue tangible, en quelques secondes de vidéo.
Le violeur de Mme Toutlemonde
Médias et association réservent leur intérêt aux affaires de viol dans lesquelles sont impliqués des people. À en oublier les 122 600 victimes de 2025 et ce constat dérangeant fait par la police : le nombre de victimes de violences sexuelles a augmenté de 7 % en 2024 par rapport à 2023, mais moins de 3 sur 10 ont fait l’objet de poursuites. Les agresseurs profitent de plus en plus de l’impunité que les institutions leur réservent.
À qui la faute ?
La Justice ? Les deux tiers des agresseurs présumés ont vu leur affaire classée sans suite par le parquet, pour infraction insuffisamment caractérisée ou absence d’infraction.
Alors que le viol est passible des assises, la plupart des dossiers aboutissent en correctionnelle pour « agression sexuelle », quand le chef d’accusation n’est pas requalifié en « violences volontaires ». Seulement 1 à 2 % des viols aboutissent à une condamnation des auteurs en cour d’assises.
La police ? Pour Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol, le taux important de classements sans suite s’explique aussi par l’indigence des enquêtes de police. Seulement 5 à 10% des victimes de viol portent plainte. La police leur ferait-elle un mauvais accueil ou ne les protégerait-elle pas de leurs agresseurs ?
La politique d’immigration ? Dans ce qui est classé par les médias en faits divers et non à la Une des scandales, les noms des agresseurs sont cachés — pour ne pas mettre en cause le « vivre ensemble » ?
Lire aussi: L’ancienne Miss France Laury Thilleman sur un baiser forcé d’Ary Abittan : « Le traumatisme est intact »
- Source : Le Média en 4-4-2















