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Mercredi, 10 Sept. 2025

L’affaire Georges Ibrahim Abdallah par Hassan Hamadé

Auteur : Hassan Hamadé | Editeur : Walt | Mercredi, 10 Sept. 2025 - 14h28

Le militant emblématique Georges Ibrahim Abdallah a passé 41 ans dans les cellules d’isolement des prisons françaises, accusé de crimes dont il est totalement innocent.

Son dossier a été victime d’une falsification judiciaire, politique et médiatique massive, orchestrée par les autorités françaises et les forces politiques du pays. Il fut présenté devant un jury totalement conditionné, sourd aux cris, gémissements et pleurs des proches des victimes des attentats de Paris de 1986, et on lui dit : «  Laissez cette “justice” s’exprimer, elle est fidèle à la devise de la République : Liberté – Égalité – Fraternité  ».

La situation de Georges Ibrahim Abdallah rappelle celle des premiers chrétiens que les autorités impériales romaines jetaient dans l’arène du Colisée aux bêtes affamées… sous les applaudissements du public.

C’est exactement ce qui est arrivé au militant libano-palestinien, nationaliste, internationaliste, et profondément humain, défenseur des opprimés de la terre, M. Georges Ibrahim Abdallah.

Les autorités françaises l’ont arrêté en 1984, suite à l’assassinat de deux diplomates — un États-unien et un Israélien — à Paris en 1982 : Charles Ray, attaché militaire adjoint à l’ambassade des États-Unis, et Yaakov Bar-Simentov, deuxième conseiller à l’ambassade d’Israël.

Georges n’a aucun lien avec ces deux affaires. Il a naturellement nié toute responsabilité, affirmant qu’il ne renierait jamais un acte qu’il aurait réellement commis, surtout s’il était guidé par des principes moraux et politiques. Les enquêteurs ont découvert en lui un type d’homme qu’ils n’avaient jamais rencontré : d’une grande politesse, doux comme la soie, mais dur comme l’acier. Dès le début, il leur a dit que, pour lui, ces assassinats faisaient partie de la lutte de résistance légitime. C’était une manière de dire : «  Ce serait un honneur, mais ce n’est pas moi.  »

Les gardiens de la « justice », leurs supérieurs, et ceux qui les manipulent en coulisses ont alors compris qu’il fallait détruire ce genre de révolutionnaire honnête, intègre et inébranlable. Ils ont donc décidé de bafouer la loi, de l’accuser faussement et de le jeter à vie dans une cellule, pour faire de lui un exemple. Car il est indomptable.

Ils ont compris une chose : il les connaissait mieux qu’ils ne le comprenaient, eux. Cela leur a donné un complexe d’infériorité, renforcé par la clarté de son engagement, la force de sa volonté et la finesse de ses sentiments. Un être « étrange », disaient-ils...

Les attentats de Paris – 1986

Les explosions se multipliaient à Paris. C’était en 1986. Ils ont dit  : cet homme doit forcément être lié à l’organisation révolutionnaire responsable de ces attentats… Et même si rien ne prouve son implication, qu’importe  ! On lui collera ces accusations, en contournant la loi, afin d’empêcher Georges Abdallah d’échapper aux griffes du sionisme. La loi seule ne suffit pas. Il faut la piétiner.

Il suffit de rappeler ici le rôle effroyablement manipulateur des médias français dans la fabrication de l’opinion publique. Ils ont donné une façade de légitimité à une forme de «  justice populaire  » rappelant les heures sombres de la Révolution française — la mère de toutes les révolutions sanglantes —, une justice de rue qui impose sa sentence aux tribunaux. Et la rue résonnait des cris des victimes et de leurs familles, suivant la cadence dictée par la propagande sioniste que les médias diffusaient sans filtre.

Ainsi, les dossiers ont été volontairement confondus dans l’esprit d’un public endoctriné. Georges Ibrahim Abdallah s’est retrouvé au cœur de toutes les accusations, au centre de l’arène. La traque policière, le harcèlement et les soupçons ont commencé à étouffer les étrangers, jugés sur la couleur de leur peau. Une ségrégation raciale flagrante s’est installée dans les rues et les lieux publics. Le terrorisme d’État — officiel et organisé — s’est imposé. Les partis politiques, leurs chefs et leurs associations se sont alors lancés dans une surenchère abjecte. Celui qui accusait le plus bruyamment l’«  ennemi de l’humanité  », Georges Ibrahim Abdallah, marquait des points dans la bataille politicienne.

Georges, «  ennemi de l’humanité  »

À l’époque, les lignes rouges entre l’Est et l’Ouest commençaient à tomber. L’Union soviétique, avec Mikhaïl Gorbatchev arrivé à la tête du Parti communiste, entamait de grandes réformes structurelles, la fameuse perestroïka, accompagnée de la glasnost («  transparence  »). Ces réformes allaient précipiter l’effondrement de l’URSS et de tout son système d’alliances.

Parallèlement, les guerres faisaient rage  :

- En Afghanistan, où l’Occident soutenait à bout de bras les moudjahidines contre l’armée soviétique qui avait envahi le pays fin 1979. Les fonds arabes finançaient cet effort militaire. Les médias occidentaux encensaient ces combattants de la «  liberté  », tandis que les chefs de guerre, tel Ahmad Shah Massoud — surnommé le «  Lion du Panchir  » —, étaient érigés en héros par la presse parisienne. La religion islamique des moudjahidines ne gênait en rien les Occidentaux tant que l’appel au jihad visait l’URSS et non l’Occident.

- En parallèle, la guerre Iran-Irak, déclenchée en 1980 par l’attaque de Saddam Hussein contre l’Iran, battait son plein. Tout l’Occident se rangeait derrière Bagdad, le finançant, l’armant, supervisant ses campagnes, avec le soutien financier du Golfe. L’Iran avait commis l’«  impardonnable  » : rompre avec Israël, se positionner comme chef de file de l’anti-sionisme et transformer l’ambassade israélienne de Téhéran en ambassade de Palestine. Il fallait la punir  : ce fut la campagne «  Qadissiyat Saddam  ». Dans ce contexte, les Anglo-Saxons rallumèrent le vieux conflit sunnites-chiites, vieux de 1400 ans, un conflit qu’ils savaient prometteur pour leurs intérêts.

Le Qadisiyah Saddam, le super yacht que le président Saddam Hussein s’était fait construire pour rivaliser avec ses amis saoudiens.

Insulte culturelle à l’Occident et soumission politique

Ainsi, chaque guerre avait son «  jihad  », chaque combat ses «  moudjahidines  ». Ce jihad s’appuyait sur deux piliers contradictoires et pourtant imbriqués  : l’hostilité culturelle envers l’Occident et, en même temps, la dépendance politique à son égard. Une schizophrénie entretenue par l’Occident lui-même.

Parallèlement à l’Afghanistan et au Golfe, Israël lançait sa guerre contre le Liban (1982) et atteignait Beyrouth, provoquant la naissance d’une résistance face à l’occupation. C’est ainsi qu’apparut la Joumhouriyat al-Muqawama al-Wataniyya al-Lubnaniyya («  Front de résistance nationale libanaise  »), puis le Hezbollah issu du mouvement Amal, fondé par l’imam Moussa Sadr, mystérieusement disparu après avoir été trahi par les siens. Le Hezbollah devint rapidement l’une des forces de résistance les plus puissantes au monde, proche de l’Iran.

Georges, symbole de ces luttes

Georges Ibrahim Abdallah est le fruit de tous ces contextes imbriqués, avec la Palestine comme colonne vertébrale.

Puis vinrent les attentats violents en plein Paris, qui mirent en lumière le rôle malsain de la classe politique française dans cette «  partie macabre  ». Les uns et les autres cherchèrent à tirer parti de cette crise sécuritaire majeure dans la lutte pour le pouvoir, opposant une droite dure à une gauche socialiste entièrement soumise à Israël.

En 1986, François Mitterrand terminait la première moitié de son mandat (commencé en 1981). Mais, après la défaite des socialistes et communistes aux législatives de 1986, le pouvoir exécutif bascula à droite  : Jacques Chirac redevenait Premier ministre.

La France entra alors dans la phase de «  cohabitation  », un président socialiste et un Premier ministre de droite, fortement hostile au président. La Constitution de la Cinquième République, taillée sur mesure pour Charles De Gaulle, donne en pratique les rênes de l’exécutif au Premier ministre pour les affaires intérieures, limitant le rôle du président à la diplomatie et à la défense.

Les attentats de décembre 1985 et septembre 1986 devinrent le dossier sécuritaire le plus sensible. Mitterrand et Chirac se disputaient déjà l’élection présidentielle de 1988, chacun soutenu par des réseaux financiers et diplomatiques puissants, y compris dans le monde arabe.

Georges : otage des manœuvres politiciennes françaises

Le dossier de Georges Ibrahim Abdallah devint alors un enjeu central dans les rivalités et les surenchères politiques françaises, instrumentalisé par chaque camp. Et dans les deux cas, c’est le lobby sioniste, puissant et transversal, qui tirait les ficelles. Ce lobby contrôle depuis longtemps les centres de décision en France et agit au-dessus des clivages partisans.

Son agenda est clair : maintenir la société française en état de mobilisation permanente contre la Palestine et contre toute personne — citoyen, intellectuel, militant ou artiste — qui montre une quelconque sympathie envers la cause palestinienne. Ce n’est pas un hasard si le pouvoir réel en France a basculé des institutions républicaines vers les maisons de finance, dans un coup d’État silencieux orchestré en janvier 1973.

À cette date, le président Georges Pompidou, ancien directeur de la banque Rothschild, et son ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing, ont discrètement fait voter une loi interdisant à la Banque de France d’émettre de la monnaie nationale pour financer l’État. Ce pouvoir fut transféré à des banques privées, notamment la banque Rothschild, à l’instar de ce qui s’était passé aux États-Unis en 1913. Ce décret fut baptisé par les initiés : «  Loi Pompidou – Giscard – Rothschild  ».

Ce basculement a ouvert la voie à l’oligarchie financière, facilitant la prise de contrôle de l’État par des intérêts privés, et réduisant la souveraineté populaire à un simulacre. On notera au passage que l’actuel président, Emmanuel Macron, a lui aussi été cadre chez Rothschild, perpétuant cette tradition.

Dans cette logique, Georges Ibrahim Abdallah est perçu par les cercles sionistes comme l’incarnation vivante de la Palestine, donc comme un homme à abattre — pas physiquement, mais moralement, politiquement, judiciairement. Il incarne ce que l’Occident veut éradiquer : la dignité résistante.

Impossible, dès lors, de faire appel au bon sens, à la loi ou à la raison dans un climat où les médias instrumentalisent l’émotion collective, où la «  recherche des terroristes  » devient un alibi pour traquer exclusivement les étrangers, et en priorité les musulmans.

On revint alors aux méthodes de la France de Vichy : la délation, la suspicion, le fichage. Même des juifs antisionistes, pourtant hostiles à Israël, peinaient à faire publier leurs écrits dénonçant les similitudes entre le comportement de l’État français et celui du régime de Vichy. Ils étaient censurés. La police française d’aujourd’hui rappelle parfois par son zèle celle qui traquait les juifs insoumis aux côtés de la Gestapo.

Dans ce contexte, la surenchère politique atteignit des sommets. Le Parti socialiste n’hésitait pas à souffler sur les braises, espérant faire tomber le gouvernement de droite, et ainsi assurer la réélection de Mitterrand et le retour au pouvoir de ses réseaux.

L’imam Rouhollah Khomeiny et Mgr. Hillarion Capucci.

Le recours à l’archevêque Capucci – médiation et duplicité d’État

Confronté à une situation sécuritaire explosive et craignant que cela n’anéantisse ses chances aux présidentielles de 1988, Jacques Chirac et son entourage politique décidèrent, sur la base des rapports des services de renseignement, qu’il fallait chercher une solution… à l’étranger. Plus précisément, ils désignèrent un «  ennemi officiel  » de la France — la Syrie — comme étant paradoxalement la seule capable de freiner les organisations mentionnées dans les rapports sécuritaires.

Mais, à cette époque, les relations franco-syriennes étaient au plus bas depuis les luttes pour l’indépendance dans les années 1940. Il fallait donc trouver un médiateur respecté de tous, capable de parler à la Syrie tout en gardant une certaine proximité avec l’Occident. Le choix se porta sur Mgr Hilarion Capucci, ancien archevêque de Jérusalem, exilé à Rome, connu pour son engagement en faveur de la cause palestinienne, respecté à la fois à Téhéran, à Damas et au Maghreb, et déjà reconnu pour avoir mené une médiation réussie entre Téhéran et Washington autour des otages américains, en remettant personnellement les corps des soldats tués lors de l’opération avortée de Tabas à la Croix-Rouge à Genève.

Un soir, le téléphone sonna dans l’humble appartement romain de Mgr Capucci. À l’autre bout du fil :

— «  Je suis Robert Pandraud, ministre de la Sécurité de la République française ».

Après quelques échanges de courtoisie, le ministre entra dans le vif du sujet :

— «  Les attentats de Paris, les assassinats, Georges Ibrahim Abdallah, la menace de nouveaux bains de sang… La République compte sur vous pour sauver des vies ».

L’archevêque, fidèle à ses principes, accepta la médiation. Il appela aussitôt deux de ses proches collaborateurs (dont l’auteur de ce texte) :

— «  Demain à 13h, j’atterris à l’aéroport Charles de Gaulle. Soyez là. Détails demain ».

Le lendemain, à l’aéroport, Mgr Capucci ne sortit pas avec les passagers. Après une longue attente, un agent de sécurité s’approcha :

— «  Vous attendez Monseigneur, n’est-ce pas  ? Il est déjà à Paris. Il vous appellera ».

Vers 20h, l’appel arriva. Mgr Capucci avait été discrètement conduit dans une résidence privée. Il refusa la proposition de loger dans la résidence d’honneur, préférant rester dans un logement modeste. Il déclara alors :

— «  Nous sommes une équipe de trois. Et demain, je demanderai aux ministres Charles Pasqua et Robert Pandraud de m’autoriser à rendre visite à Georges Ibrahim Abdallah en prison, condition préalable à toute médiation sérieuse entre Paris et Damas. Après ce que j’ai vécu avec les Américains, je ne fais plus confiance aux promesses verbales ».

Le lendemain, le ministre Pandraud, très embarrassé, présenta ses excuses pour l’absence de Pasqua, prétendument retenu par des «  affaires d’État  ». Il fustigea violemment l’opposition socialiste, accusée de privilégier ses intérêts électoraux au détriment de la sécurité nationale. Il insista sur le caractère confidentiel de la visite et sur la nécessité d’un secret absolu pour éviter l’échec de la mission.

Mais Pasqua brilla à nouveau par son absence. En réalité, Pasqua avait publiquement promis aux Français qu’il ne négocierait jamais avec des terroristes, ni directement ni indirectement. Il craignait que la révélation de cette médiation ne détruise la crédibilité du gouvernement et sabote ses ambitions personnelles.

Cependant, l’information sur la présence de Mgr Capucci à Paris fuita dans les médias proches du lobby sioniste, provoquant une panique au sein de l’équipe Chirac. La gauche socialiste, dirigée par Mitterrand, saisit l’occasion pour accuser le gouvernement de «  négocier secrètement avec les terroristes responsables du sang français versé  », allant jusqu’à désigner Capucci comme «  l’évêque terroriste  ». Les attaques devinrent virulentes, les insultes pleuvaient dès le deuxième jour.

Face à cette pression, le ministre Pandraud céda et accepta la condition du prélat : une visite à Georges Ibrahim Abdallah dans la prison de la Santé, à quelques centaines de mètres seulement du modeste appartement de Capucci, rue Arago, dans le 14ᵉ arrondissement de Paris.

La rencontre à la prison de la Santé – Capucci et Vergès sous le charme de Georges

De nombreux États arabes et perse ont édité des timbres en l’honneur de Mgr. Hilarion Capucci.

Ce jour-là, l’archevêque Capucci fut escorté par le protocole jusqu’à la prison de la Santé, dans un quartier résidentiel de Paris. Un incident « accidentel » survint : les voitures officielles, gyrophares hurlants, s’arrêtèrent juste devant les bureaux de l’agence Gamma, l’une des plus importantes agences photo et TV au monde. Les journalistes y virent de leurs propres yeux Mgr Capucci entrer dans la voiture.

Une « erreur » qui n’en était pas une. Les sionistes infiltrés au sein des cabinets Pasqua–Pandraud avaient délibérément orchestré cette brèche de sécurité, jetant ainsi de l’huile sur le feu médiatique. La polémique explosa  : la droite serait en train de pactiser avec des groupes extrémistes, malgré ses promesses.

Malgré cela, la rencontre entre Georges Ibrahim Abdallah et Mgr Capucci eut lieu. Deux combattants d’une même cause : la Palestine.

Avant de se voir, ils échangèrent quelques mots par écrit, puis, en face-à-face, parlèrent à voix basse, à cause de deux risques :

1. La présence d’appareils d’écoute sophistiqués.

2. Des caméras capables de lire sur les lèvres — un procédé dont Mgr Capucci avait eu vent lors de la rencontre entre le pape Jean-Paul II et Mehmet Ali Ağca à la prison romaine de Rebibbia.

À la sortie, Mgr Capucci était bouleversé. Il déclara à ses proches :

«  Georges est innocent. Innocent. Innocent. C’est l’une des personnalités les plus exceptionnelles que j’ai jamais rencontrées. Il m’a profondément marqué  ».

Du côté du gouvernement, le duo Chirac–Pasqua réalisait qu’il perdait pied. La situation leur échappait, et la manipulation politique se retournait contre eux.

Les observateurs lucides de l’époque virent alors toute la bassesse de la classe politique occidentale, prête à piétiner la loi, les droits fondamentaux et les principes moraux au nom d’intérêts partisans ou financiers. Aucun scrupule. Aucune loyauté. Même les intérêts stratégiques de la nation pouvaient être sacrifiés sur l’autel des ambitions personnelles.

Me Jacques Vergès et son client et ami, Georges Ibrahim Abdallah

Trahisons en cascade – La duplicité française révélée

Un fait révélateur : Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères et ami personnel de Mgr Capucci — il avait même participé à sa défense lors de son procès en Israël —, refusa de soutenir la médiation. Pourquoi ? Parce qu’il voulait assurer la réélection de François Mitterrand, pour pouvoir lui-même redevenir ministre. Il trahit donc à la fois son ami Capucci et ses propres principes.

Quant à Maître Jacques Vergès, l’un des plus célèbres avocats pénalistes du XXe siècle, il accepta de défendre Georges Ibrahim Abdallah. Il fut, lui aussi, profondément marqué par ce dernier. Il déclara un jour à Capucci et à l’auteur de ce texte :

«  Nous n’avons pas affaire à des institutions ou à des gouvernements. Ce sont des mafias. Et l’opposition présidentielle (le Parti socialiste) est prête à faire couler des rivières de sang si cela sert ses intérêts  ».

Un autre épisode le confirme : Yves Bonnet, ex-directeur de la DST (renseignement intérieur), raconta au journaliste Bassam Kantar qu’il avait conclu un accord avec le chef des renseignements algériens, Lakhal Ayat, pour obtenir la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Mais à son retour en France, ses supérieurs le désavouèrent brutalement :

«  Non. L’accord est caduc. Oubliez-le  ».

Tout cela illustre à quel point le dossier Georges Abdallah est un cas d’école d’injustice et de manipulation étatique. Ceux qui ont croisé sa route l’ont aimé, admiré, respecté.

Et pourtant, pendant plus de 25 ans, le Département d’État des États-Unis a exercé des pressions systématiques sur la justice française pour empêcher sa libération, piétinant ainsi, une fois encore, la séparation des pouvoirs dans la «  patrie des droits de l’homme et des Lumières  ».

Georges Ibrahim Abdallah paie — encore aujourd’hui — le prix de sa dignité et de son engagement pour la Palestine. Il fait vivre la cause par la noblesse de ses positions, et il est, de son vivant, un martyr.

L’émissaire français pour Hafez al-Assad – un sabotage organisé

À ce stade, les dirigeants français agissaient comme si l’intérêt national leur importait peu.

Ils tentèrent d’abord de convaincre Mgr Capucci de se rendre à Damas pour demander au président Hafez al-Assad d’intervenir afin de «  freiner les organisations extrémistes  » liées à la Palestine. Mais l’archevêque refusa catégoriquement et déclara au ministre Pandraud :

«  Qu’est-ce qui me garantit que vous tiendrez vos engagements envers Assad si jamais il vous tend la main  ? J’ai appris à ne plus faire confiance aux promesses verbales. Les Américains m’avaient juré monts et merveilles lors de la crise des otages de Téhéran, en échange d’une médiation auprès de l’imam Khomeiny. Et pourtant, ils ont menti et trahi. Même après que les Iraniens eurent fait preuve de bonne foi en me remettant les dépouilles des soldats morts dans l’opération de Tabas. C’est à vous, Français, d’aller à Damas. Et cessez de l’insulter publiquement si vous cherchez à négocier secrètement  ».

Capucci posa une condition ferme :

«  Votre émissaire doit être un ministre de haut rang, respecté, influent  ».

Mais des forces invisibles, agissant en coulisse, proposèrent de désigner comme envoyé spécial… Michel Aurillac, ministre de la Coopération. Une manœuvre clairement destinée à faire capoter la mission. Car, en Syrie, on aurait immédiatement compris qu’un ministre des colonies françaises d’outre-mer n’avait aucun poids. La réaction d’Assad aurait été explosive. Et l’initiative diplomatique sabotée.

Vergès : « Nous faisons face à un système mafieux »

Lors d’un dîner confidentiel réunissant Mgr Capucci, Jacques Vergès, Sarkis Abou Zeid et l’auteur de ce texte, Vergès lança cette phrase glaçante :

«  Les sionistes sont présents dans tous les rouages de l’État français.

Nous avons affaire à des gangs, pas à des États. L’opposition présidentielle est prête à faire exploser les rues de Paris dans des torrents de sang si cela peut servir ses desseins minables  ».

Et les événements allaient lui donner raison.

Conclusion provisoire

Le dossier Georges Ibrahim Abdallah dépasse de loin le cadre d’un prisonnier politique oublié. Il est devenu une affaire d’État, une faille morale, un miroir tendu à la République française, dans ce qu’elle a de plus honteux.

Pendant plus de 40 ans, l’État français, sous pression directe des États-Unis et du lobby sioniste, a maintenu un homme innocent derrière les barreaux. Non pas pour ce qu’il a fait. Mais pour ce qu’il incarne.

Le 17 juillet 2025, la cour d’appel de Paris a autorisé sa libération, avec expulsion immédiate vers le Liban. Le parquet général a formé immédiatement un pourvoi, non suspensif, ce qui n’a pas empêché pas sa remise en liberté et son expulsion.

Photo d'illustration: Georges Ibrahim Abdallah


- Source : Réseau Voltaire

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