Le moment de vérité : l’Occident face aux avancées militaires russes par Thierry Meyssan
Depuis deux ans, nous vivons en Occident dans le mythe selon lequel nous allons mettre la Russie à genoux et faire entrer l’Ukraine dans l’Union européenne et l’Alliance atlantique. Nous allons juger Vladimir Poutine et faire payer la Russie. Aujourd’hui, ce mythe se heurte à la réalité : Moscou dispose désormais d’armes dévastatrices, sans équivalent en Occident. Elles rendent tout espoir de victoire de nos coalitions impossible. Nous allons devoir reconnaître notre méprise. Il ne s’agit pas de nous excuser pour nos erreurs, mais de nous en libérer.
Le 26 octobre, le président russe Vladimir Poutine et son chef d’état-major, Valeri Guerassimov, ont annoncé être parvenus à finaliser le projet de miniaturisation d’une centrale nucléaire et son installation sur un missile. Ils ont indiqué avoir effectué un tir du missile 9M730 Bourevestnik sur une distance de 14 000 kilomètres. La particularité de cette arme à propulsion nucléaire (donc illimitée) est de pouvoir être guidée de manière à contourner les sites d’intercepteurs. Cela en fait, selon les autorités russes, un missile inarrêtable.
Le 29 octobre, le président Poutine a testé une torpille Status-6 Poseïdon, c’est-à-dire une torpille également à propulsion nucléaire. Tout au long de l’Union soviétique, les chercheurs militaires eurasiatiques ont pensé que des explosions atomiques sous-marines pouvaient provoquer de gigantesques tsunamis. Ces chercheurs devaient arriver pour cela à tirer des torpilles beaucoup plus loin qu’on ne savait le faire à l’époque, de manière à échapper aux cataclysmes qu’ils voulaient provoquer. C’est le cas maintenant. Des mega-tsunamis pourraient dévaster des villes comme Washington ou New York, ou encore des groupes navals comme ceux des porte-avions états-uniens. Il reste que la torpille Poseïdon est beaucoup plus longue que les autres : 21 mètres. Elle ne peut donc pas être tirée par les sous-marins en service et a eu besoin de son propre bâtiment pour être lancée. Le fait qu’elle puisse évoluer sous l’eau presque indéfiniment compense largement ce handicap. Quoi qu’il en soit, cette torpille assure la Russie de pouvoir procéder à une seconde frappe en cas d’attaque états-unienne. Jusqu’à présent, le premier qui engageait le feu nucléaire était assuré d’amputer son ennemi de ses principaux moyens de riposter.
Aucune arme n’est en soit définitive. Chacune se situe dans un continuum d’avancées techniques ; est dépassée par un autre ; et finit par rencontrer des boucliers ou des prédateurs efficaces. Mais pour le moment, il ne semble pas y avoir de réponse à ces armes, pas plus qu’aux missiles supersoniques russes.
En une vingtaine d’années, la Russie s’est dotée d’une kyrielle d’armes nouvelles qui dépassent toutes les technologies occidentales.
J’ai expliqué dans Sous nos Yeux que la Russie avait acceptée de venir au secours de la Syrie, en 2012, mais ne s’y était installée que fin 2015. Durant près de trois ans, elle avait tenue à construire des armes nouvelles et était venue les tester au Levant. J’ai pu constater qu’elle disposait de capacités prodigieuses très loin des prouesses états-uniennes durant la Guerre froide. Bien sûr ces armes n’étant que des prototypes étaient extrêmement rares, mais chacun comprenait déjà que la domination occidentale n’était plus qu’une illusion.
À titre d’exemple, la Russie disposait d’une capacité de déconnecter les ordres de l’OTAN à ses propres armes. Il ne s’agissait pas d’une forme de brouillage, simplement les armes ne répondaient plus aux commandes. Comme certains observateurs n’y croyaient pas, la Russie a étendu ce système à toute la Syrie. Et comme il fonctionnait sur une zone circulaire, elle l’étendit partiellement, durant deux jours, au Liban, à l’Iraq et à la Türkiye. Aucun avion civil ne put voler. Par la suite, ils ont installé cette arme à Kaliningrad et dans la mer Noire.
Les Occidentaux testaient aussi de nombreuses armes, comme la bombe atomique tactique qui dévasta par la suite le port de Beyrouth.
En 2018, c’est-à-dire une fois la guerre de Syrie terminée, le président Vladimir Poutine exposa au parlement son programme d’armement [1]. Soit six super-armes : les missiles Sarmate (qui quittent l’atmosphère, tournent autour de la terre et se réintroduisent dans l’atmosphère quand ils le veulent) et Kinzhal (dague), les lanceurs à propulsion nucléaire 9M730 Bourevestnik et Status-6 Poseïdon ; les missiles Avant-gardes qui cumulent les caractéristiques du Sarmate et du Kinzhal avec une manœuvrabilité supplémentaire ; et enfin les lasers anti-missiles. Seuls ces derniers ne sont pas encore achevés.
Ce qui n’étaient dans les années 2010 que des prototypes sont devenus opérationnels et ont été produits en série lors de la guerre en Ukraine.
La réponse occidentale a été presque inaudible. Seul le président états-unien, Donald Trump, s’est exprimé. Il a regretté que son homologue russe ait cru bon de révéler ses exploits car, ce faisant, il suscitait une relance de la course aux armements. En outre, il a annoncé que les États-Unis relançaient leurs tests nucléaires. Donald Trump ne pouvait guère faire autrement : déplorer que la Russie relance la course aux armements, c’est une manière d’expliquer que la recherche militaire du Pentagone est très en retard et d’assurer que Washington est pacifique. Annoncer qu’il va reprendre les tests nucléaires, c’est déplacer le sujet car aucune des nouvelles armes russes ne représente d’avancée en termes nucléaires, mais uniquement en termes de lanceurs de bombes atomiques. Dire qu’il va le faire pour maintenir la parité avec la Russie et la Chine est un pur mensonge : la Russie n’a pas procédé à des tests nucléaires depuis 1990 et la Chine depuis 1996. Au demeurant, il faudra au moins deux ans pour reconstruire ou réhabiliter les installations de la Guerre froide, donc pour débuter ces tests. D’ici là, les États-Unis ne sont plus que des « tigres en papier ».
Nous arrivons maintenant à la fin des hostilités en Ukraine. L’armée russe est sur le point d’emporter une victoire décisive dans le Donbass. Elle va non seulement prendre Pokrovsk, mais elle va ainsi infliger sa troisième défaite au führer blanc, Andriy Biletsky, dont 10 00 hommes sont encerclés. Celui-ci était aux commandes lors de la bataille de Marioupol avec le Régiment Azov, fer de lance des « nationalistes intégraux ». C’était également lui qui commandait la bataille de Bakhmout, à la tête de la 3e brigade d’assaut. Et c’est encore lui qui dirigeait les combats au Donbass avec le 3° corps d’armée. Il est peu probable que les Ukrainiens continueront à le suivre après cette succession de boucheries et de défaites.
Or, le premier objectif de l’opération spéciale reste d’en finir avec les néo-nazis. La Russie a par ailleurs informé les États-Unis, le 20 octobre, qu’elle n’entendait céder ni sur les concessions territoriales, ni sur la réduction du nombre de forces armées ukrainiennes, ni sur les garanties que l’Ukraine ne rejoindra jamais l’OTAN.
Que les Occidentaux le veuillent ou non, ils n’ont plus le choix. Ils n’ont absolument pas les moyens de continuer seuls à fournir des armes pour la guerre ukrainienne contre la Russie. Le projet de l’UE de confisquer « à terme » les avoir russes bloqués en Belgique et de les dépenser dès aujourd’hui pourrait signifier la mort de l’Union. En tous les cas ni la Belgique, ni la Slovaquie, ni la Hongrie ne participeront à ce vol que même les adversaires de la propriété privée, les Soviétiques, n’ont jamais perpétré.
Le doux rêve de grandeur de l’UE va se heurter à la réalité : elle ne peut poursuivre cette guerre qu’en trahissant les idéaux dont elle se réclame. Au demeurant, elle s’est déjà enfoncée dans un délire en feignant d’ignorer que l’opération spéciale russe n’est pas une guerre d’invasion de l’Ukraine, mais l’application de la résolution 2202 du conseil de Sécurité. Elle s’est convaincue qu’elle allait faire payer la Russie pour les crimes que les Occidentaux ont commis ou provoqués en Ukraine et qu’elle allait juger et condamner Vladimir Poutine. De la même manière, elle s’était convaincue, dans les années 2010, qu’elle allait faire capituler la Syrie, juger et condamner le président Bachar el-Assad et tout le parti Baas [2].
Tout cela touche à sa fin, faute de quoi l’UE s’engagera directement dans la guerre contre les Slaves que le Royaume-Uni et l’Allemagne ont voulue en 1933 : la Seconde Guerre mondiale. Et les armées de l’UE, vidées de leurs arsenaux, n’ont aucun espoir de résister plus de deux jours. Il ne s’agit pas de courber l’échine devant un nouveau maître, la Russie, mais simplement de reconnaître nos erreurs avant qu’il ne soit trop tard.
Notes:
[1] « Le nouvel arsenal nucléaire russe rétablit la bipolarité du monde », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 6 mars 2018.
[2] Le document d’une cinquantaine de pages, rédigé par l’équipe de l’Allemand Volker Perthes pour le compte du straussien Jeffrey Feltman (numéro 2 de l’Onu), sera prochainement diffusé sur ce site.
- Source : Réseau Voltaire















