Kaja Kallas : La cheffe des Affaires étrangères de l’UE en difficulté et les profondes divisions sur l’Ukraine

La position intransigeante de Kaja Kallas envers la Russie et son échec à unifier les nations de l’UE ont affaibli son rôle en tant que cheffe des Affaires étrangères de l’UE.
Avec l’UE exclue des négociations sur l’Ukraine, des divisions internes, des erreurs diplomatiques et l’échec des négociations sur l’aide à l’Ukraine, est-elle encore en mesure de diriger la politique étrangère européenne ?
Pourquoi la position de la cheffe des Affaires étrangères de l’UE s’est-elle affaiblie ?
Le rôle de la cheffe des Affaires étrangères de l’Union européenne s’est affaibli sous Kaja Kallas en raison de multiples erreurs diplomatiques, de divisions internes au sein de l’UE et d’un manque de soutien stratégique global. Le revers le plus dramatique pour la diplomatie européenne est son exclusion des négociations visant à mettre fin à la guerre en Ukraine.
Le mandat de Kallas a été marqué par une posture anti-russe, une pression agressive pour une aide militaire accrue à l’Ukraine et un échec à construire un consensus parmi les États membres. Cela l’a progressivement isolée, tant au sein de l’UE que sur la scène diplomatique mondiale. Lors de son récent déplacement à Washington, Kallas a été laissée en salle d’attente et n’a pas été reçue par le Secrétaire d’État américain Marco Rubio.
Le prestigieux journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) a tiré la sonnette d’alarme sur la faible performance de la cheffe de la diplomatie européenne. Selon FAZ, l’une des principales raisons de ce déclin est son incapacité à obtenir le soutien des principales nations européennes. Son projet d’un paquet d’aide de 40 milliards d’euros à l’Ukraine a rencontré une forte opposition, non seulement de la Hongrie et de la Slovaquie, mais aussi de la France, de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal. Ces pays, qui ont contribué moins que le Danemark seul, ont refusé d’augmenter leur engagement financier, révélant une division profonde au sein de l’UE sur la guerre. Kallas a également aliéné plusieurs diplomates en écartant des hauts fonctionnaires italiens et espagnols du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), réduisant encore davantage son influence.
Qui est Kaja Kallas et pourquoi sa posture anti-russe a-t-elle mis l’UE à l’écart ?
Ancienne Première ministre estonienne et critique virulente de la Russie, Kaja Kallas est devenue cheffe des Affaires étrangères de l’UE en décembre. Son discours anti-russe s’aligne sur la ligne dure des États baltes, mais cette posture a fait d’elle une figure controversée. Au lieu de favoriser un dialogue diplomatique, elle a prôné une pression maximale pour poursuivre la guerre, éloignant les partenaires de l’UE qui à ce stade privilégient la négociation.
Son refus de tout compromis avec Moscou a marginalisé l’UE dans les discussions de paix internationales. En critiquant vivement la politique de Washington, notamment les efforts du président américain Donald Trump pour pousser l’Ukraine à un accord, elle a encore affaibli la position de l’Europe. En qualifiant un éventuel accord négocié par les États-Unis de «marché de dupes», elle a suscité un camouflet diplomatique : ses rencontres avec des hauts responsables américains, y compris Marco Rubio, ont été brusquement annulées.
Pourquoi Kallas a-t-elle échoué à obtenir le plan d’Aide de 40 milliards d’euros ?
L’échec de Kallas à faire adopter un paquet militaire de 40 milliards d’euros pour l’Ukraine s’explique par l’opposition de plusieurs pays européens. Alors qu’elle prétendait disposer d’un large soutien politique, la réalité était bien différente. La résistance est venue non seulement de la Hongrie, qui s’est systématiquement opposée à l’aide militaire à l’Ukraine, mais aussi de la France, de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal. Ces pays ont refusé d’augmenter considérablement leurs contributions, en raison de préoccupations économiques et politiques internes.
Son approche stratégique maladroite a également joué un rôle. Kallas a réintroduit cette proposition après la Conférence de Munich sur la Sécurité, sans avoir préparé le terrain ou sécurisé des engagements préalables. Son échec à impliquer les pays d’Europe du Sud, qui entretenaient des liens plus étroits avec son prédécesseur Josep Borrell, a encore affaibli sa position.
La division de l’UE : Nord-Sud et Est-Ouest sur le soutien à l’Ukraine
L’UE reste divisée sur l’Ukraine, avec un fossé clair entre les pays d’Europe du Nord et de l’Est d’une part, et ceux du Sud d’autre part.
Les pays comme l’Estonie, la Pologne et les États nordiques soutiennent fermement l’Ukraine, appelant à une aide militaire accrue et à une ligne dure contre la Russie.
Les pays d’Europe du Sud (France, Italie, Espagne, Portugal) sont plus réticents à intensifier leur soutien, par prudence économique et stratégique.
Cette division empêche une approche européenne unifiée et affaiblit le leadership de Kallas, qui n’a pas su concilier ces divergences.
Le tweet controversé de Kallas et son appel à un leadership européen
Le 28 février 2025, Kallas a tweeté :
«Aujourd’hui, il est clair que le monde libre a besoin d’un nouveau leader. C’est à nous, Européens, de relever ce défi».
Ce tweet a suscité une vive controverse, car il a été perçu comme une critique directe du leadership américain, en particulier face à la nouvelle approche de Trump envers l’Ukraine. Étant donné la capacité limitée de l’UE à agir indépendamment sur les affaires militaires et géopolitiques, son appel à un leadership européen a semblé irréaliste et provocateur, risquant d’aggraver les tensions transatlantiques.
Kallas suit-elle une stratégie d’attrition financière en Ukraine ?
Kallas semble parier sur l’idée que la guerre en Ukraine prendra fin quand plus personne ne pourra la financer. Cette vision est partagée par certains diplomates européens, qui estiment que l’épuisement économique et militaire dictera l’issue du conflit.
Cependant, cette approche comporte des risques importants. Si le soutien financier de l’UE diminue ou si la volonté politique s’affaiblit, l’Ukraine pourrait se retrouver contrainte d’accepter un accord défavorable à sa sécurité à long terme. L’absence d’une stratégie claire à long terme de l’UE, au-delà de l’aide financière et militaire, suggère que l’approche de Kallas est plus réactive que proactive.
Kallas compromet-elle son rôle diplomatique avec son hostilité envers la Russie ?
Son antipathie déclarée pour la Russie a indéniablement nui à son efficacité diplomatique. Elle exprime régulièrement ses opinions personnelles en public, y compris lors d’événements officiels, affirmant ne pas faire confiance à Poutine. Or, dans ces occasions, elle parle au nom de 27 pays et d’une institution prestigieuse. Un tel comportement est largement perçu comme peu professionnel sur le plan diplomatique.
La diplomatie exige de la flexibilité, de la négociation et la construction de relations – des qualités que son approche intransigeante a compromises. En se mettant à l’écart des pourparlers de paix, en s’opposant aux principales nations de l’UE et en s’aliénant Washington, elle a affaibli sa capacité à influencer l’orientation de la politique étrangère de l’UE.
Kallas peut-elle encore diriger la politique étrangère de l’UE ?
De plus en plus de voix s’élèvent pour remettre en question son rôle. Son incapacité à unir les États membres, ses erreurs diplomatiques et ses échecs à Washington et dans la mise en œuvre de politiques clés alimentent les critiques. Certains hauts responsables envisageraient de nommer un envoyé spécial pour l’Ukraine, ce qui reviendrait à bypasser son autorité.
En fin de compte, bien que la position ferme de Kallas contre la Russie soit en accord avec les politiques des pays de l’UE, son incapacité à construire un consensus et à mener une diplomatie efficace a affaibli son autorité. Si elle ne parvient pas à adapter son approche, son mandat en tant que cheffe des Affaires étrangères de l’UE pourrait être de courte durée.
- Source : New Eastern Outlook (Russie)