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Lundi, 24 Févr. 2025

La CPI ne sera-t-elle une référence en France que pour les antisémites ?

Auteur : Adel Djaziri | Editeur : Walt | Lundi, 24 Févr. 2025 - 15h25

«La seule chose qui permet au mal de triompher, est l’inaction de hommes de bien» ~ Edmund Burke

Le pouvoir semble agir de concert avec certains élus pour tenter par toutes sortes de prétextes de faire voter des lois en vertu desquelles le fait de critiquer la politique d’un pays étranger ou l’appui qui lui serait apporté en France, vous conduirait en prison.

Le sionisme a été reconnu «forme de racisme et de discrimination raciale» par l’assemblée générale de l’ONU en 1975, ce fut la fameuse résolution 3379 qui avait endeuillé les dirigeants israéliens et leurs sponsors nord-américains et ouest-européens.

La même assemblée, 16 ans plus tard, adopta la résolution 4686, l’une des plus laconiques de son histoire, sans exposé des motifs, par laquelle elle décida de «déclarer nulle la conclusion contenue dans le dispositif de sa résolution 3379 du 10 novembre 1975» : ce revirement était en fait la contrepartie promise quelques mois auparavant aux dirigeants israéliens qui l’avaient exigée comme condition préalable pour participer aux premières discussions avec les pays arabes, qui s’étaient ouvertes à Madrid la même année, et qui allaient conduire aux accords d’Oslo. L’écrasante majorité des pays membres de l’ONU n’avaient accepté d’approuver cette résolution de revirement qu’au vu de la détermination manifeste des dirigeants israéliens de l’époque d’œuvrer résolument pour l’instauration de la paix juste, globale, et durable à laquelle aspiraient tous les peuples concernés dans la région à commencer par le peuple palestinien, et de la garantie des Étasuniens d’y veiller de près. Hors, nul à présent ne peut valablement nier que depuis l’entrée en vigueur des accords d’Oslo, ruineux pour les Palestiniens et à l’avantage exclusif des Israéliens, et malgré toutes les concessions souvent humiliantes faites par Yasser Arafat, le fait est que la colonisation israélienne n’a cessé de s’étendre, les bantoustans réservés au peuple palestinien n’ont cessé de rétrécir, le nombre de Palestiniens assassinés n’a cessé de se compter par milliers chaque année, (dont le leader palestinien lui-même selon de nombreux observateurs), au mépris du contenu déjà insignifiant au départ, de ces accords. C’est dire le degré démesuré qu’ont atteint l’intransigeance, l’arrogance et l’insolence des dirigeants israéliens, à l’égard du peuple palestinien, de l’ONU et à travers elle de l’écrasante majorité de la communauté internationale. Cette communauté a donc ainsi été dupée lors de son vote de revirement, mais pas seulement : elle est en plus depuis lors traitée d’antisémite, à l’instar de quiconque, individu, organisation, institution, critique ou contrarie les dirigeants israéliens et le sionisme en tant qu’idéologie politique, ou même soutient seulement la cause du peuple palestinien.

Est-il donc vrai que les ministres des affaires étrangères de certains pays, pas seulement musulmans, se concertent discrètement en ce moment pour présenter à l’assemblée générale de l’ONU une proposition de résolution, cette fois-ci motivée évidemment, déclarant nulle la dernière résolution 4686 ? Si cette rumeur est avérée et que la démarche est effectivement entreprise, il y a tout lieu de croire que cette prochaine résolution sera votée à une très large majorité, au vu de l’indignation et de la colère que n’a cessé de susciter le comportement honteux des dirigeants israéliens et de leurs homologues européens et étasuniens, qui ne représentent heureusement qu’une minorité sans droit de véto à la dite assemblée.

Cette initiative supposée ne serait d’ailleurs probablement pas uniquement, si elle se confirme, l’exercice d’un droit légitime de retrait d’une concession accordée en contrepartie d’un engagement non respecté, ni le résultat des crimes contre l’humanité commis par les dirigeants israéliens avant et depuis les accords d’Oslo, en particulier durant les quinze derniers mois et jusqu’à présent sans aucun signe d’assagissement, mais pourrait également être en même temps une contre-attaque contre les initiatives sans cesse plus téméraires des réseaux sionistes en Europe et en Amérique du nord, visant à délictualiser l’antisionisme en le qualifiant de «nouvelle forme d’antisémitisme», après avoir dans un premier temps crée, entretenu, et imposé à coup de battage médiatique, l’amalgame et la confusion entre les deux mots. En effet, on ne compte plus les assauts sans cesse répétés en ce sens, dans le cadre d’une sorte de guerre d’usure, visant à briser à la longue la réticence des uns, l’opposition des autres, notamment des défenseurs de la liberté d’expression, des défenseurs du droit à l’information sans propagande, et venir ainsi à bout des plus nombreux, les antisionistes. C’est ce qu’on appelle «faire bouger la fenêtre d’Overton» dans le sens favorable aux buts politiques poursuivis : l’exposition répétée d’idées inadmissibles peut les rendre progressivement moins choquantes, les faisant ainsi entrer petit à petit à l’intérieur de cette fenêtre… C’est un peu le même principe que pour les mensonges qui finissent par devenir des vérités à force d’être répétés partout en s’assurant le musèlement des voix discordantes.

Ainsi, si en Palestine, les assauts du Hamas d’octobre 2023 ont été un prétexte idéal, peut-être même su et attendu par les dirigeants israéliens (d’après de nombreux hommes politiques, observateurs et militants israéliens), pour perpétrer le carnage dont le monde entier a été témoin, et accélérer ainsi le nettoyage ethnique qu’ils trouvent trop lent, parallèlement en France, cela a aussi servi de prétexte aux réseaux sionistes pour s’empresser de présenter des propositions de loi qui punissent comme délit toute critique des dirigeants israéliens pour leur politique, et des réseaux sionistes pour le soutien ou l’impunité qu’il leur apporte. Le 19 novembre 2024, en effet, une démarche dans ce cadre visant à faire réprimer sévèrement «les formes renouvelées de l’antisémitisme» a été effectuée au bureau de l’Assemblée Nationale sous le n°575, par Caroline Yadan, députée Renaissance de la 8e circonscription des Français de l’étranger qui inclut surtout Israël. C’est donc là surtout la voix d’israélo-français qui se sentent plus israéliens que français et qui voudraient interdire à leurs «concitoyens secondaires» de critiquer leur principale patrie ; cette proposition a obtenu 91 signatures dont 61 de la coalition au pouvoir, très minoritaire dans l’hémicycle ; à croire que le pouvoir cherche désespérément ainsi à donner à postériori une sorte de «légalisation tardive» aux innombrables et honteuses atteintes aux droits humains et à la liberté d’expression dont il s’est rendu coupable en réprimant arbitrairement les déclarations d’intellectuels, d’hommes politiques, et d’organisations (l’Union juive française pour la Paix par exemple) qui dénoncèrent les «crimes de l’armée israélienne en Palestine occupée» et parlèrent de «résistants palestiniens» au lieu de «terroristes», ainsi que les démarches pacifiques de soutien à la cause palestinienne. Cette proposition de loi reprend en fait, en le détaillant et en essayant d’en faire cette fois-ci un texte contraignant, le contenu de la résolution déjà très controversée, obtenue au forceps en 2019, «invitant le gouvernement à diffuser auprès des services répressifs et éducatifs, la définition de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA)», définition non seulement très vague, mais en plus consistant en une confusion délibérée entre antisionisme (sans le nommer) et antisémitisme, un amalgame grossièrement concocté entre haine des juifs pour ce qu’ils sont et critique ou rejet d’Israël en tant que régime politique : sur les onze exemples d’antisémitisme qui y sont énumérés, sept concernent la critique de l’État d’Israël ; ainsi, pour la représentante des Israélo-Français, «si la résolution (de 2019) a été un pas important pour sensibiliser enseignants, forces de l’ordre et magistrats, son caractère non-contraignant constitue une limite qu’il nous faut dépasser», peut-on lire dans sa proposition de loi. Faut-il rappeler qu’en 2019, un collectif de 127 intellectuels juifs avait réussi (à l’exclusion de bien d’autres intellectuels moins chanceux) à publier dans La Tribune un appel à «ne pas soutenir la dite résolution» ; faut-il rappeler que, parallèlement, en Israël, une loi vient d’être adoptée malgré l’opposition de nombreuses organisations de défense des droits humains, prévoyant cinq ans de prison pour «quiconque nie les massacres du 7 octobre, en exprimant de la sympathie pour l’organisation terroriste du Hamas et ses partenaires» : c’est vrai que là-bas la proportion des juifs non-sionistes est faible, mais ce n’est pas du tout le cas ici en France ou en Europe où c’est leur marginalisation par les médias, doublée de leur dispersion et leur entière intégration dans la communauté française laïque, qui les rend inaudibles.

Il est devenu banal à présent que la loi Gayssot de 1990, malgré toute la polémique et la levée de boucliers qu’elle avait alors soulevées, continue de réprimer ceux, historiens, journalistes ou autres intellectuels qui exprimeraient une quelconque idée divergente sur le récit officiel des crimes nazis à l’égard des juifs, crimes certes incontestables, mais paradoxalement, voilà qu’au contraire les actuelles propositions de lois veulent réprimer ceux qui à présent dénonceraient les crimes israéliens à l’égard du peuple palestinien ! Par ailleurs, cette loi Gayssot semble confortablement installée pour une période bien plus longue que ce qu’avait souhaité ses plus fervents promoteurs, comme l’avocat Serge Klarsfeld, qui avait alors plaidé «Ceux qui sont contre cette loi ne vivent pas au milieu des survivants et n’entendent pas leurs cris. (…) Les poursuites s’imposent dans la période actuelle. Après, une fois que tous les témoins seront morts, ce ne sera plus nécessaire».

Pendant ce temps, les Africains, Nord-Africains, musulmans, n’ont que la loi Pleven de 1972 pour dissuader et rarement réprimer les comportements et actes racistes dont ils sont si souvent victimes, actes et propos autrement plus nombreux et plus violents, plus humiliants parce que diffusés à grande échelle par les médias lourds complices et même partie prenante.

Mais ce n’est pas tout ! Cette proposition de loi, si délirante soit-elle, rivalise à peine en toxicité avec celle qui l’a précédée le 1er octobre 2024 au Sénat, déposée par le sénateur Stéphane Le Rudulier et 23 de ses collègues, portant consécration de la lutte contre l’antisémitisme (https://urls.fr/w6McZE). Basée elle aussi expressément sur la définition de l’IHRA (art.1), cette proposition est un véritable déferlement de mesures répressives, manifestement hargneuses et moyenâgeuses imaginées par ce groupuscule contre ceux parmi leurs paisibles concitoyens qui se hasarderaient à exprimer un avis négatif sur l’armée israélienne, ou à croire naïvement qu’ils ont les mêmes droits que les Français pro-israéliens ou ayant la double nationalité israélo-française ! À titre d’exemple, on peut lire dans cette proposition de loi (exposé des motifs et texte proprement dit) que «la critique d’Israël et du sionisme [en France] est clairement le détonateur des actes antijuifs, qui se multiplient après chaque opération de Tsahal dans les territoires palestiniens. Par conséquent, cette proposition de loi complète le cadre pénal existant pour sanctionner les contestations antisionistes ; derrière la vitrine antisioniste se cache l’hydre antisémite, c’est pourquoi l’antisionisme doit aussi devenir pénalement répréhensible en France… (article 5 : 1 an d’emprisonnement et 45000euros d’amende)». «Une personne qui se prévaudrait d’un droit à la satire, au blasphème ou à la caricature, ne devrait pas pouvoir systématiquement se cacher derrière un tel droit pour multiplier, à de nombreuses reprises, des initiatives qui seraient en réalité bel et bien de nature antisémite (trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.art.8» (à l’exclusion bien entendu des caricatures blasphématoires antichrétiennes ou antimusulmanes qui restent toujours largement permises et même protégées !). Les attaques antisémites verbales ambiguës doivent être assurément condamnées. Par exemple, le fait de traiter un député de «porc», alors qu’il est juif, doit pouvoir être qualifié comme un acte antisémite… (et puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, art 4) : la personne visée ici est de toute évidence le député David Guiraud, alors que la loi est claire : lorsqu’il y a eu provocation, l’injure n’est pas punissable : les faits (28 mai 2024) heureusement encore vérifiables en vidéo YouTube montrent incontestablement que cette injure avait été délibérément provoquée par le député Habib Meyer qui, non seulement s’était permis de venir interrompre agressivement une déclaration que faisait paisiblement David Guiraud à des journalistes en réponse à leurs questions, mais en plus, lorsque Guiraud a réagi en lui demandant de s’en aller, Meyer est revenu à la charge encore plus agressivement avec l’expression méprisante (définie comme telle par le site expressio.fr) «on n’a pas gardé les cochons ensemble !» Même un maître-yogi n’aurait pas pu garder son calme devant une telle arrogance ! Donc notre groupe des 24 sénateurs pro-israéliens veulent une loi qui permette à leurs protégés, et uniquement à leurs protégés, à l’exclusion du commun des mortels, de vous provoquer, en vous empêchant de répondre à des journalistes et en vous exprimant leur mépris si vous réagissez calmement, et de vous envoyer derrière les barreaux si vous perdez patience !

Cette «fenêtre d’Overton» va-t-elle donc finir par nous faire prendre des vessies pour des lanternes ? Sera-t-il bientôt interdit de faire référence à la Cour Pénale Internationale, puisque traitée elle aussi d’antisémite par ces gens-là ?


- Source : Le Grand Soir

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