Les électeurs taïwanais rejettent le référendum révocatoire anti-chinois

En janvier 2024, l’actuel président taïwanais Lai Ching-te a remporté les élections contre deux autres candidats. (Taiwan n’a pas de second tour des élections.)
Cependant, son Parti démocratique progressiste (DPP), qui soutient l’indépendance de Taiwan vis-à-vis de la Chine, n’a pas réussi à obtenir la majorité au Parlement. L’opposition était ainsi, en contrôlant le budget, en mesure d’empêcher Lai Ching-te de favoriser une scission de la patrie chinoise.
Comme de nombreux récents vainqueurs d’élections dans les soi-disant démocraties, Lai Ching-te a entrepris de manipuler le système pour s’arroger des pouvoirs que les électeurs ne voulaient pas lui concéder. Il a organisé un référendum révocatoire contre des dizaines de législateurs de l’opposition dans l’espoir d’obtenir une majorité au Parlement.
Le reportage du New York Times à ce sujet (archivé) semble être en faveur de cette manigance :
Les électeurs taïwanais sont confrontés samedi à une décision cruciale : rejeter ou non 24 législateurs de l’opposition qu’ils ont élus l’année dernière, lors d’un référendum révocatoire extraordinaire qui pourrait mettre plus de pouvoir entre les mains du président mais aggraver les tensions avec Pékin.
Le vote menace de renverser l’équilibre législatif en faveur du président Lai Ching-te, qui souhaite que Taiwan se forge un avenir séparé de la Chine, contre une opposition favorable à des liens plus étroits avec Pékin.
…
Ce week-end, deux douzaines de législateurs du Parti nationaliste sont confrontés à des votes révocatoires ; sept autres le seront le mois prochain.
Pour les partisans, cette campagne reflète la vigueur de la démocratie taïwanaise, qui a émergé dans les années 1980 après des décennies de régime autoritaire mené par le Parti nationaliste. Bien qu’une campagne réussie aiderait M. Lai, de nombreux militants faisant la promotion des référendums disent qu’ils agissent de manière indépendante.
”Nous construisons un mouvement populaire décentralisé« , a déclaré Molly Kuo, organisatrice de l’un des référendum à New Taipei. « Nous assistons à un approfondissement de la démocratie”.
Un « mouvement populaire décentralisé » qui mène une campagne bien organisée coutant des millions de dollars contre les députés d’un parti spécifique ???
La révocation d’un nombre important de législateurs de l’opposition faciliterait grandement la tâche de M. Lai pour faire avancer son programme, qui consiste notamment à éloigner l’économie taïwanaise de la Chine. Il pourrait également nommer ses juges préférés à la haute cour de Taiwan.
Les référendums révocatoires ont eu lieu aujourd’hui et les résultats sont connus. Les électeurs ne sont pas tombés dans le piège.
Dans une tentative plutôt pathétique de couvrir sa défaite lors de cette campagne, le parti DDP exhorte tout le monde à ne pas voire toute l’affaire pour ce qu’elle est :
La défaite de la campagne de référendum révocatoire contre les 24 législateurs du KMT ne doit pas être interprétée comme le résultat d’une lutte entre partis politiques, a fait valoir samedi le DPP.
Les résultats ont montré que les 24 législateurs ont survécu au vote, les votes anti-révocatoire dépassant les votes favorables à la révocation dans chaque circonscription électorale, selon la Commission électorale centrale.
…
S’adressant aux journalistes samedi soir, la Secrétaire générale du Caucus législatif du DPP, Rosalia Wu (吳思瑤), a appelé le public à ne pas en tirer de conclusions hâtives.
Le secrétaire général du parti, Lin Yu-chang (林右昌), a fait écho à ses remarques, affirmant que les référendums révocatoires n’étaient pas une bagarre entre partis politiques, de sorte que le résultat ne devait pas être interprété comme une victoire ou une défaite pour un parti ou un autre, a rapporté le Liberty Times.
Bien sûr.
Comme le commente Arnaud Bertrand :
[Cela] ne pourrait pas être plus ironique venant du même parti qui a explicitement présenté toute la campagne comme exactement ceci : se présentant, eux le DPP, comme essayant héroïquement de « sauver la démocratie taïwanaise » des mains du KMT, décrivant ce parti comme une menace existentielle en raison de son penchant pro-chinois. Mais maintenant qu’ils ont perdu, ils veulent soudainement prétendre que tout cela n’était qu’un exercice civique non partisan.
L’article du NYT, rédigé avant le vote, faisait remarquer que ce résultat aurait des conséquences :
Un rejet généralisé des référendums pourrait laisser entrevoir un soutien tiède au parti de M. Lai avant les élections locales et présidentielles, selon les experts.
Avec sa position anti-chinoise, Lai Ching-te est le candidat préféré des États-Unis. Comme il est maintenant susceptible de perdre la prochaine élection présidentielle, Taiwan devrait se méfier de certaines manipulations habituelles dirigées par les États-Unis.
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
- Source : Moon of Alabama (Etats-Unis)