RDC-Rwanda : Paul Kagame assume son soutien au M23 et ravive les tensions
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Dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique, le président rwandais Paul Kagame a reconnu que le Rwanda est « impliqué depuis trente ans » dans le conflit à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Il a reconnu une certaine sympathie pour le mouvement rebelle du M23, accusé de semer la terreur dans les provinces congolaises du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ces déclarations confirment les accusations portées depuis des années par Kinshasa, qui reproche à Kigali de soutenir activement le M23 pour asseoir son influence sur cette région riche en ressources naturelles.
Dans une interview à Jeune Afrique, le président rwandais Paul Kagame a vivement critiqué son homologue congolais Félix Tshisekedi, l’accusant de ne pas avoir été légitimement élu et de semer le chaos en accaparant les ressources du pays au profit d’un petit groupe. Kagame a affirmé ne pas craindre les sanctions, privilégiant la défense face aux menaces existentielles. Il a également exprimé sa sympathie pour le groupe rebelle M23, qu’il présente comme victime de persécutions par le gouvernement congolais, responsable selon lui de la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC.
Un enjeu économique et ethnique
Selon Bob Kabamba, politologue et professeur à l’Université de Liège, l’implication rwandaise dans l’est de la RDC est motivée par des intérêts économiques, notamment l’exploitation illégale des minerais stratégiques. En parallèle, Kagame se présente comme le protecteur des populations tutsi rwandophones présentes en RDC, une justification récurrente avancée par le M23 pour justifier son insurrection.
Les experts soulignent que les rebelles du M23 tirent d’importants revenus des taxes imposées sur le commerce des minerais rares, générant jusqu’à 800 000 dollars par mois, selon un rapport des Nations unies. Ces fonds alimentent la guerre et renforcent la mainmise rwandaise sur les ressources congolaises.
Le Burundi menace d’intervenir
Les tensions ne se limitent plus à la seule RDC. Le Burundi, voisin du Rwanda, a également haussé le ton. Le président burundais Evariste Ndayishimiye a menacé de réagir militairement à « toute provocation » venant du Rwanda. Cette escalade s’inscrit dans un contexte de relations tendues entre les deux pays depuis le coup d’État manqué de 2015 au Burundi, que le gouvernement burundais accuse Kigali d’avoir soutenu.
Actuellement, plusieurs milliers de soldats burundais sont déployés dans l’est de la RDC pour combattre le M23. Cependant, les témoignages recueillis sur le terrain indiquent un épuisement croissant des troupes burundaises, qui se sentent isolées dans ce conflit.
L’Union européenne sanctionne Kigali
Face à la montée des tensions, l’Union européenne a pris des mesures fermes. Le Parlement européen a voté, à une large majorité, la suspension immédiate d’un accord économique signé avec le Rwanda en février 2024.
Cette décision fait écho aux demandes de Kinshasa, qui dénonçait un accord favorisant le pillage des ressources congolaises. En plus de cette suspension, l’UE appelle à un gel de l’aide budgétaire et militaire destinée au Rwanda tant que Kigali ne rompt pas ses liens avec le M23.
L’aveu de Paul Kagame sur son soutien au M23 pourrait accentuer l’isolement diplomatique du Rwanda et aggraver les tensions avec ses voisins. Alors que le Burundi et la RDC renforcent leur coopération militaire, la pression internationale sur Kigali s’intensifie. Reste à voir si ces nouvelles sanctions européennes suffiront à modifier la posture du Rwanda ou si le conflit à l’est du Congo prendra une tournure encore plus dramatique.
- Source : Le Courrier des Stratèges