Quand la Chine comble le vide laissé par la France au Sahel

Alors que les dynamiques géopolitiques et sécuritaires du Sahel évoluent rapidement, la Chine s’impose comme un acteur clé, prêt à exploiter le vide laissé par le retrait des puissances occidentales traditionnelles, notamment la France. Cette transformation est emblématique d’un repositionnement global de la Chine sur la scène africaine, où sécurité et développement se croisent.

Une stratégie d‘engagement militaire et économique

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a récemment dévoilé une stratégie ambitieuse visant à renforcer la sécurité et la stabilité dans la région :

1. Formation et renforcement des capacités :

• 6000 soldats et 1000 policiers seront formés dans divers pays africains.
• Objectif : développer des forces locales capables de répondre aux défis sécuritaires croissants, notamment le terrorisme et les insurrections.

2. Aide financière :

• Un engagement de 136 millions de dollars en assistance militaire.
• L’objectif est de fournir non seulement des équipements, mais aussi une expertise technique pour moderniser les armées locales.

3. FOCAC et relations bilatérales :

• Les régimes militaires du Sahel, souvent isolés diplomatiquement, ont reçu un accueil chaleureux lors du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) à Pékin.
• Ces délégations ont également visité des fabricants d’armes, illustrant l’intention de la Chine de devenir un fournisseur majeur d’armements dans la région.

Un pivot forcé vers la Chine

Pour des pays tels que le Nigeria, la recherche d’alternatives devient cruciale. Oluwole Ojewale, expert en sécurité, souligne que les restrictions américaines sur la vente d’armes, souvent justifiées par des accusations de violations des droits de l’Homme, ont forcé des États africains à diversifier leurs partenariats. La Chine, avec sa politique de non-ingérence et son approche pragmatique, s’impose naturellement comme un partenaire de choix.

La Chine comble le vide laissé par la France au Sahel

Depuis le retrait progressif des troupes françaises dans des opérations comme Barkhane, la région se retrouve sans partenaire sécuritaire de confiance.

Paul Nantulya, analyste de la Chine, met en évidence les opportunités que cela offre à Pékin :

• Fourniture d’équipements de sécurité avancés : Au cours des 15 derniers mois, la Chine a livré plusieurs lots d’armements modernes aux pays du Sahel.
• Accès facilité : Le retrait de la France a ouvert la voie à la Chine pour étendre son influence politique et économique sans opposition significative.

En exploitant cette dynamique, la Chine se positionne non seulement comme un fournisseur, mais aussi comme un acteur influent dans la réorganisation de la sécurité régionale.

Les préoccupations occidentales

Le point de bascule vers la Chine ne passe pas inaperçu en Occident. Le sénateur américain Marco Rubio a exprimé ses inquiétudes devant le Comité sénatorial des relations étrangères, soulignant :

«Si nous ne changeons pas de cap, nous allons vivre dans un monde où tout ce qui compte pour nous – de notre sécurité à notre santé – dépendra du bon vouloir de la Chine».

Cette déclaration reflète une peur croissante en Occident : perdre le contrôle sur des régions stratégiques comme le Sahel, où les ressources naturelles abondent et où la Chine étend son influence.

Un pari stratégique pour la Chine

L’engagement de la Chine au Sahel n’est pas dénué de risques :

1. Stabilité fragile : Les régimes militaires, bien que pragmatiques, sont souvent instables.
2. Terrorisme persistant : Les groupes armés comme AQMI ou l’État islamique continuent de menacer la région.
3. Dépendance mutuelle : Alors que les pays du Sahel cherchent une solution à court terme, la Chine pourrait être vue comme un acteur opportuniste plutôt qu’un partenaire durable.

Vers un nouvel équilibre de pouvoir ?

Pour Pékin, le Sahel représente une opportunité unique de redéfinir son rôle en Afrique :

• En s’imposant comme un garant de sécurité, la Chine renforce son image de puissance globale.
• En développant des partenariats économiques et militaires, elle accroît sa présence stratégique dans une région cruciale pour l’accès aux ressources naturelles et aux marchés.

Toutefois, cet engagement soulève une question fondamentale : la Chine sera-t-elle perçue comme un stabilisateur ou un acteur poursuivant avant tout ses propres intérêts ?

Le vide laissé par la France et la réticence de l’Occident offrent à la Chine une chance de redéfinir le jeu au Sahel. Mais cette opportunité s’accompagne de responsabilités et de risques. Alors que le Sahel se transforme, l’histoire jugera si la Chine a su naviguer dans ce terrain complexe avec pragmatisme et vision stratégique