Le mythe de l’OTAN en tant qu’alliance défensive
Les dirigeants occidentaux ont longtemps entretenu le mythe égocentrique selon lequel l’OTAN est une organisation uniquement destinée à la défense mutuelle de ses membres. Le corollaire est que les autres nations n’ont donc aucune raison légitime de craindre l’alliance militaire la plus puissante de l’histoire. Après tout, il s’agit d’une association de démocraties pacifiques.
L’expression opérationnelle du mythe est particulièrement évidente dans les relations avec la Russie. Selon le récit dominant (que des médias flagorneurs font docilement circuler), l’arrivée de nouveaux membres de l’OTAN en Europe de l’Est au cours de l’après-Guerre froide ne constituait pas une menace pour la sécurité de la Russie. Même les efforts considérables déployés pour faire de l’Ukraine un atout militaire de l’alliance n’ont soi-disant pas constitué de dangereuses provocations. Ces actions comprenaient de multiples ventes d’armes à Kiev, l’entraînement des forces militaires ukrainiennes, des jeux de guerre conjoints OTAN-Ukraine et, apparemment, des opérations conjointes de cyberguerre contre des cibles russes.
Toutes ces actions ont eu lieu dans le contexte du retrait de Washington du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) et de l’accord “Ciel ouvert”, même si la préservation de ces deux mesures était une priorité absolue pour le Kremlin.
Malgré ce long comportement belliqueux, les responsables occidentaux ont continué à insister non seulement sur le fait que l’Ukraine a tout à fait le droit, en vertu du droit international, de rejoindre l’OTAN, mais aussi sur le fait que Moscou n’aurait aucune raison de considérer une telle décision comme une menace pour la sécurité de la Russie.
Washington tente de promouvoir un discours similaire en ce qui concerne la politique à l’égard de la République populaire de Chine (RPC). Au cours des deux derniers sommets de l’OTAN, la plupart des discussions ont porté sur la manière de traiter avec la Chine. Cette orientation peut sembler un peu étrange pour une alliance dont le nom officiel est l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Toutefois, les États-Unis poussent clairement leurs alliés européens à s’engager dans une politique de plus en plus dure à l’égard de Pékin. Il s’agit d’un effort transparent visant à inclure l’OTAN dans une politique d’endiguement de la RPC, y compris une volonté de contribuer à la défense de Taïwan.
Même si l’on ignore ces dernières mesures, l’affirmation selon laquelle l’OTAN est une alliance défensive est absurde. L’OTAN a mené une guerre aérienne contre les Serbes de Bosnie en 1995 et contre la Serbie elle-même en 1999, alors qu’aucune des deux entités n’avait attaqué ni même menacé un membre de l’OTAN. L’alliance a également lancé des frappes aériennes et des missiles contre la Libye en 2011 pour aider à chasser Mouammar Kadhafi du pouvoir.
Même si l’OTAN a justifié le recours à la force militaire en Afghanistan en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre contre un membre de l’Alliance, il est tout à fait illogique de justifier l’occupation de l’Afghanistan, qui a duré deux décennies, comme une mission défensive.
Outre les missions officielles de l’OTAN qui n’étaient manifestement pas de nature défensive, il y a eu d’autres actions guerrières impliquant certains ou la plupart des membres de l’Alliance. La guerre du golfe Persique de 1991 et la guerre d’Irak de 2003 correspondent à cette description. Dans ces deux conflits, la grande majorité des forces anti-irakiennes provenaient de pays de l’OTAN, principalement des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Ces opérations offensives étaient des missions de l’Alliance sous le contrôle des États-Unis.
Il est également peu probable que la plupart des gouvernements et des populations étrangères croient à la mythologie selon laquelle les membres de l’OTAN sont des démocraties pacifiques. En effet, même les références démocratiques de l’Alliance n’ont pas été à la hauteur de cette norme à plusieurs reprises. Le Portugal, l’un des membres fondateurs de l’OTAN en 1949, était une dictature fasciste. La junte militaire qui a pris le pouvoir en Grèce en 1967 a dirigé le pays pendant sept ans. La Turquie a maintenu une façade démocratique pendant la majeure partie de l’histoire de l’OTAN, mais les militaires et d’autres acteurs autoritaires ont tenu le haut du pavé la plupart du temps. C’est certainement le cas du gouvernement actuel.
Enfin, il y a eu les actes d’agression flagrante que les membres individuels de l’OTAN ont commis au fil des décennies. La guerre de Washington au Viêt Nam est peut-être l’exemple le plus important et le plus connu, mais ce n’est pas le seul. Les interventions militaires américaines au Liban, en République dominicaine, à la Grenade et au Panama appartiennent également à cette catégorie.
Les États-Unis ne sont pas non plus le seul membre de l’OTAN à se livrer à une agression flagrante. La France est intervenue à plusieurs reprises au Tchad et dans ses anciennes colonies africaines. Paris menace d’ailleurs de soutenir une nouvelle mission visant à renverser la junte au pouvoir au Niger. La Turquie a envahi Chypre en 1974 et s’est emparée de près de 40 % de l’île. Les forces d’Ankara opèrent régulièrement en Irak et en Syrie, malgré les objections des gouvernements de ces pays.
Les deux images de propagande de l’Occident devraient être accueillies par un rire moqueur. L’OTAN n’est pas une alliance purement défensive et ses membres ne sont pas des démocraties pacifiques. L’OTAN est une alliance agressive et offensive à la recherche de nouvelles opportunités dans le monde.
L'auteur, Ted Galen Carpenter, est conseiller politique pour la Fondation Future of Freedom. Il est également senior fellow au Randolph Bourne Institute et senior fellow au Libertarian Institute. Il a occupé divers postes politiques au cours d’une carrière de 37 ans au Cato Institute. M. Carpenter est l’auteur de 13 livres et de plus de 1 200 articles sur les questions internationales.
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