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Vendredi, 29 Mars 2024

Ces Européens qui souhaitent la victoire de la Russie en Ukraine

Auteur : Igor Moisseiev | Editeur : Walt | Samedi, 24 Sept. 2022 - 17h09

Un portrait qui pêche sans doute par excès d’optimisme, et quelques inexactitudes (je sais qu’à Londres par exemple les « nouveaux Russes » sont détestés) mais peut-être plus près de la vérité que ce que l’on nous serine habituellement. Marianne Dunlop

***

L’Europe n’a pas la même opinion des Russes que ce que les médias occidentaux nous laissent croire.

Un sondage récent en Slovaquie, réalisé par des journalistes locaux et des sociologues de l’Académie slovaque des sciences, a donné un résultat vraiment étonnant. Le sondage, intitulé « How are you, Slovakia ? » [en anglais dans le texte, NdT], a été mené auprès d’un large éventail de groupes, des femmes au foyer aux hommes politiques locaux. Les résultats « inattendus » ont révélé que plus de la moitié des personnes interrogées soutenaient le camp de la Russie dans le conflit en Ukraine, un cinquième d’entre elles souhaitant ouvertement la victoire de notre pays.

Comme le montrent tous les échantillons représentatifs qui sont périodiquement réalisés dans divers pays européens à une sauce ou à une autre (ce qui est nécessaire pour sonder l’opinion publique – surtout à la veille d’élections), la majorité des personnes interrogées sont effectivement favorables à une victoire russe dans cette opération spéciale. Et pas seulement en Slovaquie. En République tchèque, en Slovénie, en Grèce, en Bulgarie, en Allemagne et en Italie, la situation est sensiblement la même.

Ce qui est intéressant, c’est qu’à l’ère de l’internet, cette conclusion peut être tirée sans sondage. Il suffit de regarder quelques centaines de vidéos d’un pays européen sur YouTube. Il suffit de connaître un peu la langue. L’auteur de ces lignes a organisé une soirée de visionnage. Et par conséquent, il est arrivé exactement à la même conclusion que les sociologues slovaques.

Et non seulement ça. Il s’avère que l’attitude à l’égard de Poutine, de la Russie et des Russes est positive non seulement en Europe, mais pratiquement dans toute l’Amérique continentale – au nord comme au sud.

C’est juste qu’en Slovaquie, du fait que la Russie est proche, que le pays est une destination touristique et que les Slovaques eux-mêmes sont ethniquement proches des Russes, la tendance est plus prononcée.

Pour ceux qui ont commandé et payé le scrutin slovaque, il semble que le résultat soit contraire à ce qu’ils attendaient. Et maintenant les clients se demandent ce qu’il faut faire. Comme ils ne trouveront probablement aucune solution (et se contenteront de « suspendre » la situation), nous allons les aider.

Donc, point par point.

Il existe un certain nombre de raisons objectives à la « bonne attitude à l’égard des Russes » en Europe.

La première. L’Europe a connu l’épreuve du fascisme et de la Seconde Guerre mondiale en son temps. Cela représente des dizaines de millions de cadavres, dont des Européens. Des gens ont été abattus, torturés, pendus, brûlés vifs dans des chambres à gaz. Des peuples entiers ont été accusés et soumis à l’extermination. En Europe (y compris en Slovaquie), personne n’a rien oublié. Et pas si loin de la Slovaquie se trouve le village de Lidice, dont les habitants ont été fusillés pour le meurtre du SS Reinhard Heydrich, qui militait pour la « solution finale à la question juive ».

Les Européens qui réfléchissent ne se sont jamais trompés sur le fait que le fascisme renaîtrait tôt ou tard. Et qu’il reviendrait. Leurs leaders d’opinion – philosophes, écrivains, publicistes – en parlaient constamment. Le sujet du renouveau du fascisme est devenu un sujet de discussion particulièrement fréquent après la chute du mur de Berlin. Il est vrai qu’à l’époque, tout le monde pensait que cela se passerait en Allemagne, par vieux souvenir. Après l’effondrement du camp socialiste en Europe de l’Est, tous les analystes et pronostiqueurs pensaient que le néofascisme allait renaître quelque part en Europe de l’Est. Les pays de la CEI n’ont pas du tout été considérés dans cette optique en raison de leur effondrement.

Cependant le fascisme a été relancé en Géorgie et dans les États baltes. C’est là que les marches aux flambeaux ont commencé à être ravivées et que la russophobie violente a rapidement gagné du terrain. Mais le potentiel des Géorgiens et des États baltes pour une guerre totale était trop faible. Les Géorgiens ont pu s’en convaincre en août 2008 (1). Et puis les nouveaux architectes du fascisme ont parié sur l’Ukraine. De manière caractéristique, le nazisme en Ukraine a été encouragé par les Américains et les Britanniques insulaires, que l’ensemble de l’Europe continentale considérait, pour ne pas dire plus, avec une énorme suspicion et d’énormes préjugés.

Mais le nazisme, par sa nature même, exige des sacrifices. Et comme victime, les « architectes du mal » ont à nouveau choisi la Russie. L’Ukraine a été choisie comme outil. Et le public européen, qui a une mémoire et une réflexion historiques, le comprend. Et c’est la seule raison pour laquelle ils ont a priori de la sympathie pour les Russes.

Deuxièmement. Presque tous les Européens, contrairement aux Ukrainiens, ne se font aucune illusion sur leurs propres médias. Un « journaliste corrompu » pour l’Européen moyen est autant un cliché que la bière tchèque, la bière anglaise ou le whisky irlandais. Et quoi qu’ils écrivent dans leurs opus dénigrant la Russie et louant l’Ukraine, leurs panégyriques, feuilletons et pamphlets sont perçus par les Européens avec un certain scepticisme. Ils respectent beaucoup plus les rapports vidéo des journalistes indépendants qui ont été sur le champ de bataille.

La partie ukrainienne n’autorise pas les journalistes à se rendre sur la ligne de front, qu’il s’agisse des leurs ou de personnes extérieures. Nous si. Mais seulement ceux qui ne viennent pas dans le but de faire des racontars sur un nouveau Boutcha. Malheureusement, ils ne sont pas si nombreux. Mais il y en a. En France, il s’agit d’Adrien Boquet et d’Anne-Laure Bonnel. En Allemagne, la journaliste et blogueuse Aline Lipp et le publiciste Ulrich Heiden. En Angleterre, il s’agit de Graham Phillips. En Italie – Francesco Borgonovo, Mattia Sorbi, Eliseo Bertalasi. Mattia Sorbi s’est fait exploser sur une mine ukrainienne alors qu’il collectait des matériaux. Maintenant, il est à l’hôpital. Tous ces blogueurs indépendants ont une audience de plusieurs millions de personnes dans leur pays. Et la junte de Kiev apparaît extrêmement peu flatteuse dans ces rapports.

Troisièmement. Les vidéos de torture et d’exécution de prisonniers russes, que les forces armées ukrainiennes ont elles-mêmes publiées sur Internet, ont également contribué à faire tomber les masques du régime de Kiev. Une seule de ces vidéos suffirait à consterner l’opinion publique européenne face à la cruauté pathologique du régime de Kiev. Et des dizaines de ce genre de vidéos ont été postées, surtout dans les premiers jours de l’opération.

Quatrièmement. Il y a pas mal de pays en Europe dont l’une des principales sources de revenus est le tourisme – Grèce, Espagne, Italie, Bulgarie, Monténégro. Ces dernières années, des millions de touristes en provenance de Russie et d’Ukraine ont traversé ces pays. Les Européens ont eu l’occasion de comparer. Alors que les Russes, dans leur écrasante majorité, n’ont jamais été agressifs, les Ukrainiens étaient littéralement déchirés par la haine envers les Russes qui passaient leurs vacances avec eux dans les mêmes hôtels et prenaient le soleil sur les mêmes plages.

Oui, c’est le résultat de l’idéologie nazie de la junte de Kiev. Mais les Européens des stations balnéaires ne se soucient pas de cette idéologie – ils s’intéressent au comportement humain. Et il était souvent tout simplement inadéquat. Cette opinion sur les ressortissants ukrainiens s’est encore aggravée après qu’un flot de réfugiés de « l’Ukraine unie » ait afflué en Europe. Ils se sont souvent comportés de manière encore plus inadéquate que les vacanciers. Et plus les Européens avaient une mauvaise opinion des Ukrainiens, plus ils en avaient une bonne (selon la loi des vases communicants) des Russes.

Cinquièmement. Des centaines de milliers de Russes vivent aujourd’hui dans tous les pays européens. Depuis le début des années 1990, il y a eu un afflux de migrants. Beaucoup ont reçu la citoyenneté et des permis de séjour. Ils se sont, en quelque sorte, naturalisés. La population locale n’a subi aucun préjudice (au contraire). Alors à quoi bon mettre en colère pour rien nos nouveaux voisins ?

Et, enfin, le sixièmement. Les Européens ne se font aucune illusion sur leurs propres dirigeants, qui ont vendu la souveraineté de leur pays à l’Oncle Sam. Ils sont bien conscients que leurs dirigeants sont les marionnettes obéissantes de marionnettistes étrangers. Le journal français Charlie Hebdo produit des caricatures si venimeuses contre Macron et Zelensky qu’elles font dresser les cheveux sur la tête. Zelensky est montré dans chacune d’elles comme un chien frissonnant promené par l’Oncle Sam. Tandis que Poutine a l’air digne, même dans les caricatures. Car il n’est pas une marionnette. Et il ne fait pas commerce de la souveraineté de son pays.

Il n’y a donc rien de surprenant dans les résultats du sondage slovaque. Le peuple comprend que la Russie en Ukraine se bat contre le retour du fascisme. Et, contrairement à ses dirigeants déconnectés, ils nous souhaitent logiquement la victoire.

Note:

(1) Avec ce que les Russes appellent la guerre des 5 jours. Il faut savoir qu’après la dislocation de l’URSS, les nouveaux dirigeants de la Géorgie ont voulu faire de leur pays un pays mono-ethnique, supprimant toutes les autonomies existant à l’époque soviétique (Ossétie, Adjarie, etc. d’ailleurs une des premières mesures de Chevarnadze a été d’organiser un grand baptême des habitants de la capitale Tbilissi dans le fleuve Koura, à la manière de Saint Vladimir baptisant la Russie dans le Dniepr à Kiev en 988). Il s’en est suivi une guerre civile puis un conflit gelé, que Saakashvili a voulu dégeler en 2008.

Traduction: Histoire et Société


- Source : SVPressa (Russie)

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