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Mercredi, 27 Nov. 2024

L’arrogance de Macron aliène l’Algérie alors que celle-ci renforce ses relations avec la Russie

Auteur : Uriel Araujo | Editeur : Walt | Mardi, 05 Nov. 2024 - 15h50

Sur fond de conflit franco-algérien sur la question du Sahara occidental, le système russe de missiles balistiques à courte portée Iskander-E a fait sa première apparition dans le pays à l’occasion du 70e anniversaire de la révolution algérienne (commémoré le 1er novembre), tandis qu’Alger et Moscou discutent du renforcement de leur coopération militaire.

Après des années de spéculation, il est désormais confirmé que l’Algérie a reçu quatre régiments du système de missiles russe Iskander-E, devenant ainsi le premier pays arabe à en disposer dans son arsenal. Ce système augmente considérablement les capacités des missiles algériens, car il est conçu pour frapper avec précision des cibles telles que les infrastructures critiques, les centres de commandement et les systèmes de défense aérienne eux-mêmes, tout en étant difficile à détecter ou à intercepter.

Le Maroc, rival de l’Algérie, s’est à son tour procuré le HIMARS américain en 2023 et devrait devenir le premier État d’Afrique du Nord à le recevoir, ce qui marque la poursuite de la course aux armements dans la région.

Macron, dans le cadre d’un changement majeur de politique, s’est rendu au Maroc la semaine dernière, accompagné d’une énorme délégation de plus de 130 personnes, et il est rapporté que de « gros contrats » pour « plus de 10 milliards d’euros » ont été signés, concernant l’énergie et l’infrastructure. Il est intéressant de noter que la même semaine a également été chargée pour les relations russo-algériennes : l’Algérie a notamment accueilli une délégation russe pour la coopération dans le domaine de l’énergie. Mohamed Arkab, ministre algérien de l’énergie et des mines, a rencontré Vladislav Davankov, vice-président de la Douma d’État russe, et une délégation russe pour discuter du renforcement de la coopération russo-algérienne dans le domaine des mines et de l’énergie. Ils ont discuté du renforcement de la collaboration entre la Sonatrach algérienne et la Gazprom russe, ainsi que des possibilités de partenariat dans le domaine de l’exploration et du développement des hydrocarbures.

La mission économique russe en Algérie, en collaboration avec la Chambre algérienne de commerce et d’industrie, a également organisé une réunion d’affaires en Algérie la même semaine afin d’explorer des partenariats stratégiques. En outre, le 1er novembre, le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général de corps d’armée Said Chengriha, a rencontré le vice-ministre russe de la défense, le général de corps d’armée Alexander Fomin, pour discuter du renforcement de la sécurité et de la coopération militaire entre les deux pays.

Même si Moscou a commencé à livrer les régiments du système de missiles mobiles en 2018 (selon le journal russe Kommersant), le moment de l’annonce est intéressant, tout comme le fait qu’il coïncide avec la visite de la délégation russe et les autres développements que je viens de mentionner. Cela montre entre autres que l’Algérie est prête à diversifier ses partenaires. Dans ce contexte, le fait que le pays ait été récemment admis comme membre de la Banque de développement des BRICS est également très intéressant. L’Algérie fait également partie du Mouvement des non-alignés.

La semaine dernière, le président algérien Tebboune s’est également rendu en Égypte pour rencontrer son homologue Abdel Fattah al-Sisi, qui a annoncé que les entreprises égyptiennes étaient prêtes à travailler sur des projets de développement urbain et d’infrastructure en Algérie. M. Tebboune s’est également rendu à Oman et s’intéresse au Soudan et à la Libye.

Comme je l’ai écrit récemment, les relations entre la France et l’Algérie se détériorent, et certains observateurs décrivent cette évolution comme un changement majeur dans la politique étrangère de Paris pour l’Afrique de l’Ouest. L’Algérie a commencé à refuser de reprendre les migrants algériens faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion par les autorités françaises et les place même dans des avions pour les renvoyer en France, bloquant ainsi les expulsions. Ce n’est pas la première fois que le pays riposte en utilisant la question des migrations comme une sorte de levier.

De plus, les autorités d’Alger ont exclu sans explication les entreprises françaises d’un appel d’offres pour l’importation de blé, exigeant même que les entreprises qui y participent ne proposent pas de blé originaire de France. Selon Reuters, en mettant ainsi à l’écart son ancien colonisateur, le pays d’Afrique du Nord pourrait finir par « renforcer la récente domination des approvisionnements de la mer Noire, blé russe en tête, sur l’énorme marché d’importation de l’Algérie ».

Il ne faut pas oublier que l’Algérie est l’un des plus grands acheteurs de blé au monde et que la France a même été pendant de nombreuses années son principal fournisseur (aujourd’hui, c’est la Russie). Les personnes qui connaissent bien le dossier affirment que cette décision est une riposte à la récente politique de Paris sur le Sahara occidental, puisqu’elle a eu lieu trois jours seulement après que le président algérien Abdelmadjid Tebboune ait condamné la reconnaissance par M. Macron des revendications marocaines. Dans cette impasse, la politique de la mémoire joue également un rôle, Tebboune accusant la France d’avoir commis un génocide pendant sa période de domination coloniale. Le pays européen risque également de subir des sanctions de la part d’Alger concernant ses exportations de gaz.

Au cœur de la querelle se trouve la décision du président américain de l’époque, Donald Trump, en 2020, de reconnaître les revendications de souveraineté marocaines sur le Sahara occidental en tant que « quid pro quo » après que le Maroc ait normalisé ses relations avec Israël – Biden a hérité de la même politique controversée.

À l’époque, j’avais écrit que la question de ce territoire contesté divisait la région et que toute augmentation des tensions risquait d’alimenter des contradictions préexistantes, même entre la région du Maghreb et l’Union africaine au sujet d’Israël, ainsi qu’au sein de la région du Maghreb elle-même (également au sujet des relations avec l’État hébreu, parmi d’autres problèmes). C’est encore plus vrai aujourd’hui.

L’influence de Paris sur le continent est manifestement en déclin, comme l’ont montré ses échecs au Niger, au Mali et au Tchad, et le changement de cap de M. Macron est un geste audacieux, pour ne pas dire plus. Il semblerait même que Paris n’ait pas grand-chose à gagner à s’aliéner agressivement l’Algérie, qui est un partenaire clé en termes de migration, de ressources humaines et de stabilité régionale dans une zone clé.

L’Algérie est le deuxième partenaire commercial de la Russie sur le continent africain et l’un des principaux importateurs d’armes russes dans le monde. Parallèlement, elle a montré qu’elle était capable d’équilibrer de manière pragmatique ses relations avec Moscou et l’Europe de manière mutuellement bénéfique pour les États européens et l’Algérie elle-même, y compris sur le plan énergétique. D’un point de vue occidental, l’approche agressive de la France sur la question complexe du Sahara occidental contribue à aliéner ce partenaire clé.

Comme je l’ai écrit au début de l’année 2023, l’Algérie aspire depuis un certain temps à devenir un fournisseur d’énergie clé pour l’Europe, tandis que ses tensions avec le Maroc hantent la région. Quoi qu’il en soit, l’Europe n’a jamais pu bénéficier d’un approvisionnement énergétique important grâce aux pipelines nord-africains : jusqu’à présent, tous les projets de ce type ont souvent été empêtrés dans des conflits politiques locaux, et l’approche occidentale à l’égard de tout projet énergétique sur le continent africain demeure d’une hypocrisie notoire.

L’escalade des tensions entre l’Algérie et le Maroc peut également avoir des conséquences inquiétantes pour l’Europe. Le tournant de la politique étrangère de Macron, qui utilise la reconnaissance d’un territoire contesté comme une sorte de contrepartie, a en fait aggravé les tensions locales, tout comme la décision de Donald Trump sur la question. Du point de vue du Sud, il est difficile de décrire les décisions des deux dirigeants comme autre chose que de l’arrogance occidentale.

Traduction : Mondialisation.ca

L'auteur, Uriel Araujo, est un chercheur spécialisé dans les conflits internationaux et ethniques.


- Source : InfoBrics

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