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Vendredi, 22 Nov. 2024

Propagande et désinformation française

Auteur : Dominique Delawarde | Editeur : Walt | Vendredi, 09 Août 2024 - 15h01

L’Observatoire du Journalisme nous offre un florilège des plus grosses âneries proférées par les «experts» soigneusement sélectionnés par nos médias mainstream pour commenter la guerre en Ukraine. Son titre : «Guerre Russie-Ukraine, les charlatans de l’information». On y retrouve les noms bien connus des meilleurs propagandistes atlantistes de notre pays : Jean-François Colosimo, Xavier Tytelman, Bruno Tertrais, Pierre Servent, Nicolas Tenzer.

Cet article vient en complément d’un autre article de l’OJIM paru sous le titre : «Ukraine : le béton médiatique se fissure».

Celui ci nous avait révélé d’autres noms d’experts classés par l’OJIM dans la catégorie des zélés serviteurs de la parole américaine : François Heisbourg, Thomas Gomart, Catherine Lasserre, Laure Mandeville, Raphaël Glucksman, Michel Yakovleff.

Ces deux listes aimablement diffusées par l’Observatoire du Journalisme ne sont pas exhaustives. D’autres noms tout aussi connus de propagandistes qui devront, eux aussi, finir par manger leur chapeau, manquent à l’appel.

L’attitude de l’OJIM me semble aujourd’hui la bonne. Relever et enregistrer les énormités délivrées par ces experts et relayées par les médias, puis les confronter aux réalités factuelles qui viennent, avec le temps, réduire leurs commentaires et leurs prévisions à néant. Il faut qu’ils sachent qu’on leur rappellera leurs propos le moment venu. Peut être seront-ils alors plus prudents ?

***

Guerre Russie Ukraine, les charlatans de l’information

Le titre de cet article pourrait être : Bas les masques ! Depuis le début de la guerre en Ukraine (février 2022), un carnaval de nouveaux « experts » en géopolitique anime les plateaux de télévision et de radio avec à la clef un festival de prédictions et d’analyses que Nostradamus n’aurait même pas osé. Si les avis et prévisions proférés peuvent être drolatiques avec le recul du temps, nos « experts » qui les professent ont parfois l’oreille des politiques au plus haut niveau.

Mondanités, cirage de pompes, arrivisme, diront les mauvaises langues. Mais ce n’est pas notre genre. L’OJIM se contente de saluer les divinations dont ces experts nous ont bénis depuis deux ans. Petit florilège des prophéties les plus abouties et de leurs auteurs.

L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juillet au dimanche 25 août nous republions les articles les plus significatifs du premier semestre.

Jean-François Colosimo et le cerveau reptilien

Edmond Rostand aurait fait parler Jean-François Colosimo, éditeur et écrivain, à la manière du sieur de Bergerac. Nous pourrions citer bien des choses. Par exemple, tenez.

Historien : « Dès le départ, la Russie a perdu la guerre, qui est une faute de Poutine, qui massacre les Ukrainiens et sacrifie les Russes[1] ».

Visionnaire : « La Russie a déjà perdu la guerre[2] ».

Croupier : « Le système Poutine, c’est remettre le jeton d’une guerre chaque fois que son régime pourrait s’écrouler[3] ».

Psychologue : « Nous surestimons la puissance de Poutine. Si nous intervenons un peu plus, est-ce qu’il va nous attaquer nucléairement ? Jamais de la vie. Et ça je peux vous le certifier parce qu’il a un cerveau reptilien de la guerre froide[4] ».

Moulangeur : « La Russie a un temps d’avance mais ça montre la nature criminelle du régime. La guerre que la Russie mène à la France est réelle : nous sommes dans la première guerre mondialisée ». Chirurgien : « Poutine a lobotomisé la société russe[5] ».

Beaucoup de lettres et de concepts qui ne reposent sur rien mais qui, dans une ambiance d’hystérie collective, vous rendent miraculeusement intelligent, ou presque.

Xavier Tytelman, Nostradamus prend l’avion

Xavier Tytelman, fondateur du Centre de Traitement de la Peur de l’avion, marche sur deux pieds qui ne vont pas dans le même sens. D’un côté ses émissions techniques sur l’armement utilisé en Ukraine sont assez remarquables, de l’autre ses prévisions géopolitiques sont tout à fait hasardeuses.

Premier soutien de l’Ukraine, Xavier Tytelman ne s’en cache pas. Mais de là à raconter n’importe quoi… Ici, le militant l’emporte sur l’expert. La défaite russe était donc certaine pour Xavier Tytelman. « La défaite russe est quasi sûre à moins d’arriver sur des systèmes non conventionnels mais à terme, ils vont perdre[6] ».

Se tromper peut arriver, mais il faut le reconnaître. C’est sans doute trop pour notre pilote de ligne nouvel expert du terrain militaire. Un journaliste lui demande s’il ne s’est pas (rien qu’un peu) trompé sur l’armée russe : « Je me rappelle quand même certaines de vos interventions extrêmement optimistes sur l’Ukraine[7] ». Il répond : « On a sous-estimé notre capacité à aider les Ukrainiens ». Il fallait préciser.

Et quand le barrage de Kakhova s’est effondré, il n’y avait qu’un coupable possible : « C’est à 100% les Russes qui peuvent être à l’origine de cette attaque[8] ». Avec des experts comme ça, même plus besoin d’enquête !

Bruno Tertrais, la recherche stratégique pour les nuls

Même son de cloche du côté de Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

Voici un florilège qu’on serait très déçu de manquer : « Le scénario le plus probable est celui de l’effondrement progressif de l’armée russe[9] » (2022), « À moyen terme, la Russie ne peut être que perdante. Cette guerre est extraordinairement coûteuse pour elle sur le plan financier, humain[10]… » (2024), « Poutine a déjà perdu la guerre. Je ne vois pas comment la Russie peut renverser la machine à vapeur[11] ».

On doit bien se marrer au Kremlin.

Bruno Tertrais est aussi politologue « La Russie pourrait se muer en une gigantesque Corée du Nord[12]», « Poutine veut un pays en guerre, il ne peut rester au pouvoir qu’à la tête d’un pays en guerre, on l’imagine très bien dans une future grande Corée du Nord qui serait la Russie dans quelques années[13]», « La Russie est en train de dépasser le stade de l’autoritarisme pour devenir un pays : quasi-fasciste. Je dis bien “quasi” pour garder le sens de la mesure[14] ».

Fondation stratégique avez-vous dit…

Pierre Servent, les russes ont saboté Nord Stream qu’ils ont bâti

Analyses acérées de Pierre Servent, journaliste et consultant défense chez TF1-LCI : « Il y a une certitude, c’est que cette offensive sera très meurtrière pour les Ukrainiens parce qu’ils vont se retrouver en position offensive et les Russes en position défensive[15] ». Il faut donc être un expert pour le savoir. Lui aussi avait prédit un effondrement de l’armée russe[16] mais parce que la Russie « n’a qu’une force militaire de corps expéditionnaire et pas une armée de haute intensité[17] » (2023). Il en parlera aux soldats ukrainiens.

Comme les autres, il nous a fait part de son avis affûté pour connaître le coupable du sabotage de Nord Stream II dans un entretien pour RTBF « L’histoire de la Baltique, je l’interprète comme étant le prélude à d’autres opérations de cette nature venant de Moscou[18] » et Le Point[19]. Parole d’expert ! Mais aujourd’hui on soupçonne précisément l’ex-chef d’état-major ukrainien, Valeri Zaloujny, actuellement ambassadeur d’Ukraine à Londres, d’être impliqué dans l’affaire[20].

Nicolas Tenzer, la voix de l’OTAN

Il y a ceux qui enchaînent les prédictions douteuses, et puis d’autres qui sont d’abord des militants. C’est le cas de Xavier Tytelman, mais surtout de Nicolas Tenzer, ancien haut fonctionnaire et enseignant à Sciences Po, membre du très otanien CEPA (Center for european policy analysis) vraiment pas craintif à l’idée de déclencher une guerre ouverte avec Moscou. Pour commencer, si la contre-offensive a échoué, c’est la faute de l’OTAN : « c’est véritablement notre faute, notre culpabilité même, si nous n’avons pas aidé les Ukrainiens », « certes, l’Ukraine ne peut plus être défaite, ça il faut être très clair là-dessus, en revanche, pour reconquérir l’ensemble des territoires perdus, il faudrait un effort massif, nécessaire, obligatoire de la part des alliés[21]».

Face à la Russie, « on ne peut pas laisser uniquement les Ukrainiens se battre à notre place » et Emmanuel Macron a « totalement raison » d’envisager l’envoi de troupes[22]. « Nous serions nous aussi capables physiquement de détruire la Russie[23] », a?t-il également avancé sur France Info. Déclencher une guerre nucléaire ouverte avec Moscou, c’est donc le plan de N. Tenzer. Quelques années avant, ses analyses sur la complexité du conflit syrien étaient loin d’être glorieuses : Poutine et Bachar al Assad avaient selon lui « une volonté de tuer tout le monde. De tuer tout ce qui peut être tué[24] ». Puissant. Professeur à Sciences Po avez-vous dit ? Il est vrai que Sciences Po de nos jours…

Notes et références:

[1] La Crucifixion de l’Ukraine, Albin Michel, octobre 2022.
[2] Public Sénat, 25 nov. 2022
[3] C ce soir, 15 févr. 2024
[4] C dans l’air, 26 févr. 2024
[5] LCP, 3 nov. 2022
[6] twitter.com/SudRadio/
[7] twitter.com/EuropaMagnifica/
[8] [UKRAINE] Qui a pu détruire le barrage de Nova Kakhovka ? Conséquences militaires, YouTube
[9] Bruno Tertrais : « Le scénario le plus probable est celui de l’effondrement progressif de l’armée russe », Le Soir, 23 août 2023
[10] Bruno Tertrais : « La Chine est peut-être un colosse aux pieds d’argiles », La Nouvelle République, 12 janvier 2024
[11] twitter.com/search?q=Bruno%20tertrais%20ukraine
[12] Bruno Tertrais : «La Russie pourrait se muer en une gigantesque Corée du Nord », Le Figaro, 27/07/2023
[13] Ukraine : une contre-offensive imminente ?- Bruno Tertrais, C à vous, 06/06/2023
[14] x.com/LCI/
[15] Contre-offensive de l’Ukraine en préparation : “Les pertes seront très lourdes pour les Ukrainiens”, selon l’expert militaire Pierre Servent, FranceInfo, 4 mai 2023
[16] Pierre Servent prédit “un effondrement du corps expéditionnaire russe”, FranceInfo, 24 février 2023
[17] Pierre Servent prédit “un effondrement du corps expéditionnaire russe”, FranceInfo, 24 février 2023
[18] RTBF, rtbf.be, 29 sept. 2022
[19] Le Point, lepoint.fr, 29 sept. 2022.
[20] France Info, francetvinfo.fr, 21 mars 2024.
[21] France 24, x.com/France24_fr
[22] Face à la Russie, « on ne peut pas laisser uniquement les Ukrainiens se battre à notre place », selon Nicolas Tenzer
[23] France Info, x.com/franceinfo
[24] France Info, Syrie : la Russie et le régime de Bachar Al-Assad mènent « une guerre d’extermination »

Source: OJIM

***

Ukraine : le béton médiatique se fissure

Le titre est celui d’un article en dernière page du Monde diplomatique d’octobre 2023, signé Serge Halimi et Pierre Rimbert. La propagande de guerre, inhérente à tout conflit, avait connu son acmé lors des bombardements de l’OTAN contre la Serbie en 1999 pour favoriser l’indépendance du Kosovo et diaboliser les serbes. Mais à côté du flot de mensonges proférés avec constance au sujet du conflit entre la Russie et l’Ukraine, ce n’était qu’un bien modeste hors d’œuvre.

Un exemple de jusqu’auboutisme transmédias

Nous citons partiellement le premier paragraphe du Monde diplomatique :

« En France, par exemple, une triade jusqu’auboutiste formée par Le Monde, Le Figaro et Libération donne le ton et aligne, parfois au mot près, les mêmes mots d’ordre : « Céder face à Poutine signerait une défaite catastrophique pour l’Occident (…) Les alliés de Kiev devront accélérer le rythme et la qualité des livraisons d’armes » proclame Le Figaro (10 août 2023). « Oui, cette guerre risque d’être longue. Le seul moyen de l’abréger est d’intensifier l’aide militaire à l’Ukraine » confirme l’éditorialiste du Monde (18 août 2023). D’autant insiste Serge July dans Libération (14 août 2023) qu’« il s’agit d’une guerre au cœur de l’Europe contre les régimes autoritaires, anti-démocratiques qui privilégient la force et la tyrannie ». France Inter, LCI, BFMTV et la plupart des autres médias exécutent la même partition ».

Des spécialistes portés sur l’atlantisme

Pour traiter du conflit, le clivage gauche/droite n’a pas de signification. On peut aisément le remplacer par un autre plus simple ; d’un côté les supposés spécialistes qui ne font que reprendre les communiqués du porte-parole de l’OTAN et de l’autre ceux qui relativisent un peu et sont rangés dans la case infâmante d’esclaves de Poutine.

Les zélés serviteurs de la parole américaine sont légion et apparaissent dans tous les médias, toutes orientations politiques confondues. François Heisbourg, Thomas Gomart, Bruno Tertrais, Pierre Servent entre autres. Le dernier ayant suggéré que les russes avaient saboté eux-mêmes leur propre gazoduc Nordstream 2 (voir l’analyse de Seymour Hersch ici). L’atlantisme militant peut pencher plutôt à droite avec Catherine Lasserre ou Laure Mandeville du Figaro (surnommée « Bons baisers de Washington ») ou plutôt à gauche avec Raphaël Glucksmann (compagnon de Lea Salamé et possible tête de liste du PS pour les élections européennes de 2024 ou Pierre Haski sur France Inter, grand comptempteur de la Hongrie. Le numéro du Point du 22 mars 2022 peut parfaitement illustrer de son côté les dix principes de la propagande de guerre.

Le front médiatique se fissure un peu

Il y a parfois le douloureux retour du réel. De manière systématique les russes sont accusés de tous les maux (ils doivent bien être coupables de temps en temps, mais une telle constance interroge). Le 6 septembre 2023 un missile frappe le marché ukrainien de Kostiantynikva et tue quinze personnes. Immédiatement Zelenski dénonce une frappe russe, cette information est reprise en chœur et en première page par les médias de grand chemin en France. Curieusement c’est aux Etats-Unis que l’on peut trouver des informations plus fouillées. Le 18 septembre le New York Times révèle qu’il s’agirait d’un missile ukrainien errant, information reprise à contre cœur et de manière discrète par les mêmes médias qui s’étaient indignés d’une nouvelle atrocité russe.

De même, le ministre polonais de la Justice a confirmé le 28 septembre 2023 que le missile qui avait tué deux civils en novembre 2022 dans le village de Przewodow près de la frontière ukrainienne n’était pas de provenance du camp russe mais du camp ukrainien. Dans la guerre entre l’Ukraine l’OTAN et la Russie on pourra toujours écouter la voix autorisée du brave général Michel Yacovleff, ancien vice-chef d’Etat-major du Shape, le commandement suprême interallié pour les opérations de l’Otan qui déclarait martialement au sujet de son ancien employeur sur France info le 16 novembre 2022 : “L’Otan est une réelle garantie de sérieux. C’est l’adulte dans la maison de fous, à l’heure actuelle ». Et c’est ainsi qu’Allah est grand aurait conclu Alexandre Viallate ; actualisons un peu « et c’est ainsi que Washington est grand ». Merci mon général, vous pouvez disposer.

Source: OJIM


- Source : RI

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