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Lundi, 28 Juill. 2025

Fin de partie pour Zelensky?

Auteur : Seymour Hersh | Editeur : Walt | Lundi, 28 Juill. 2025 - 11h29

À l’automne 2023, le général ukrainien Valerii Zaluzhnyi, commandant en chef des forces armées du pays, a accordé une interview à The Economist et déclaré que la guerre avec la Russie est dans une “impasse”. Il a fallu trois mois au président Volodymyr Zelensky pour le limoger. Le général, la personnalité la plus populaire d’Ukraine, a été nommé ambassadeur à Londres un mois plus tard et s’y est distingué, bien que discrètement.

Zaluzhnyi est désormais considéré comme le successeur le plus crédible de Zelensky. Des sources bien informées à Washington m’ont confié que ce poste pourrait lui revenir dans quelques mois. Zelensky figure sur la liste restreinte des candidats à l’exil potentiel, au cas où le président Donald Trump prendrait cette décision. Si Zelensky refuse de quitter son poste, scénario le plus probable, un responsable américain impliqué m’a déclaré : “Il partira de gré ou de force. La balle est dans son camp”. Nombreux sont ceux qui, à Washington comme en Ukraine, estiment que l’intensification récente des frappes aériennes contre la Russie doit prendre fin rapidement, tant qu’il est encore possible de parvenir à un accord avec le président russe, Vladimir Poutine.

Certains signes laissent penser que Zelensky sait ce qui l’attend. Il vient en effet de muter et limoger trois responsables : le ministre de la Défense, le Premier ministre et l’ambassadeur aux États-Unis. Selon mon interlocuteur américain, Zelensky “commence à entrevoir les signes avant-coureurs”.

Ce qui se passera ensuite, et notamment le degré de tension politique à Kiev et ailleurs, dépendra en grande partie “du seuil de tolérance de la population”, a ajouté ma source.

“Zelensky ne partira pas de son plein gré, mais il va finir par y être contraint”, poursuit-il. “C’est le débat interne aux États-Unis. Les plus avisés préconisent de laisser les Ukrainiens régler leurs problèmes entre eux et de ne pas impliquer la CIA pour conclure quelque accord que ce soit. Jusqu’à présent, le bon sens prévaut. Mais certains dirigeants anonymes s’impatientent, et cela prendra du temps, plus de cinquante jours”.

Je ne connais pas l’avis de Trump sur la question. Le président a publiquement durci son attitude envers la Russie, déclarant à la presse, en début de semaine, après une réunion avec le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, que Poutine aurait “trompé bien des gens” — y compris, semble-t-il, certains anciens présidents américains — mais pas Trump. Il a ajouté que de nouvelles armes américaines seraient fournies à l’Ukraine, pour renforcer sa capacité à frapper au cœur de la Russie.

Le gouvernement russe a officiellement reconnu avoir pris ces remarques au sérieux — certaines d’entre elles visant personnellement Poutine. D’autres sources ont clairement laissé entendre que la Russie compte poursuivre ses attaques contre Kiev et ailleurs.

Paul Sonne, correspondant international du New York Times, raconte que la Russie semble “imperturbable” face aux nouveautés de Trump. Il a également souligné que de nombreux analystes russes se sont interrogés sur la sincérité du revirement de Trump et sur son engagement réel en faveur de l’Ukraine. On m’a dit que Trump est toujours irrité par la décision prise l’hiver dernier par Zelensky de porter ses vêtements de combat habituels lors d’une visite d’État désastreuse à Washington, le décrivant comme étant venu à la Maison Blanche en “pyjama”.

Je n’ai pas pu établir si Poutine sait que les États-Unis envisagent de destituer Zelensky, mais on m’a dit que Zaluzhnyi entretient des relations de travail avec Valery Gerasimov, chef d’état-major des forces armées russes et conseiller de Poutine. Gerasimov était l’un des rares à savoir à l’avance que Zaluzhnyi confierait à The Economist que la guerre est dans l’impasse.

Les services du renseignement américains et britanniques ont fourni de nouvelles estimations des pertes russes, d’après lesquelles la Russie aurait subi deux millions de pertes, soit près du double des chiffres officiels actuels, depuis que Poutine a déclenché la guerre au début de l’année 2022. “Poutine ne craint pas de perdre le pouvoir, mais en popularité”, a déclaré un responsable américain.

“Et Donald Trump soutient Zelensky et est le seul décideur de la guerre en Ukraine. Qui détient vraiment le pouvoir ? Ce n’est pas Zelensky. Son seul soutien, ce sont les États-Unis. Trump se demande comment mettre fin aux hostilités. Il pense être le seul à pouvoir conclure un accord.

“Le message adressé à Poutine est le suivant : vous pourrez toujours prétendre avoir gagné quand Zelensky ne sera plus au pouvoir”.

Les pertes russes au combat sont considérées à Washington comme un élément clé pour convaincre l’Ukraine du bien-fondé d’un nouveau leadership et d’entamer des négociations sérieuses pour mettre fin à la guerre, face au mépris de Poutine pour Zelensky et à l’éventualité d’une escalade. Les pertes russes ont atteint leur niveau le plus bas, avec seulement vingt par mois, alors que Poutine attendait les résultats des élections américaines. “Lorsque Trump a été réélu” m’a-t-on dit, les dirigeants russes ont lancé une offensive printanière “pour conquérir le plus de territoire possible” avant le début d’un nouveau cycle de pourparlers de paix avec l’Ukraine.

Les résultats n’auraient pas été probants. L’offensive n’aurait progressé que de 200 km au-delà des zones déjà contrôlées par la Russie en Ukraine. Ce gain, au prix de lourdes pertes, ne serait que d’une importance minime :

“Ce ne sont que des zones agricoles, aucune ville stratégique ni site de communication. Les pertes estimées seraient montées à 380 jusqu’en mai [/mois]. Les troupes régulières les mieux entraînées auraient été remplacées par des soldats peu expérimentés. Les meilleurs officiers et sous-officiers de grade intermédiaire seraient tous morts… Tous les blindés et véhicules de combat modernes seraient hors d’usage”

Le responsable américain a poursuivi :

“Avec la débâcle de l’offensive, Poutine s’est tourné vers la stratégie du ‘Blitz de Londres’. Les Britanniques ont tenu bon sous Winnie [Churchill], mais les habitants de Kiev pas franchement sous Zelensky.

“Les Ukrainiens enregistrent actuellement soixante morts au kilomètre carré — un chiffre encore soutenable —, mais les effectifs résiduels sont principalement composés d’anciens réfractaires à la conscription récemment enrôlés de force sous les drapeaux”.

Il a prédit que “personne en Europe ne sacrifiera sa carrière et ses week-ends à Paris pour soutenir Zelensky. Les États européens opterons tous pour le départ de Zelensky”.

Il a rappelé avec mépris l’insistance de l’Europe à équiper l’armée de l’air ukrainienne d’avions de combat F-16 américains et à lui fournir une formation supplémentaire en Roumanie et au Danemark pour que ses pilotes apprennent l’anglais, et à piloter ces F-16. Selon lui, cette initiative a été un échec total : “Les pilotes ukrainiens ont appris à décoller, mais ne savent pas atterrir”.

“L’initiative, sur l’insistance des Européens, d’équiper les Ukrainiens de F-16 — formation d’anglais & pilotage en sus — fut un échec total. Les pilotes ukrainiens ont appris à décoller, mais ne savent pas atterrir”. 

Traduit par Spirit of Free Speech

Image en vedette : Le président Volodymyr Zelensky lors de la Conférence sur la reconstruction de l’Ukraine la semaine dernière à Rome. / Photo © Michael Kappeler/Picture Alliance via Getty Images.


- Source : Seymour Hersh

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