Vucic, cible d’une nouvelle tentative de «Révolution de couleur»

À Belgrade, les rues grondent, mais derrière les slogans démocratiques, se dessinent les contours familiers d’une stratégie d’ingérence. Selon Boris Rogine, les fragilités réelles que traverse la Serbie servent aujourd’hui de prétexte à une nouvelle tentative de «révolution de couleur» destinée à replacer Belgrade dans l’orbite euro-atlantique.
Une nouvelle vague de manifestations a éclaté en Serbie le 28 juin, sous le prétexte officiel du «non-respect des revendications de l’opposition» et de la «perte de légitimité du Parlement». En réalité, il ne s’agit pas du facteur déclenchant des troubles, mais de la continuation logique d’une campagne de longue haleine, amorcée dès 2023, et visant un changement de pouvoir à Belgrade.
Malgré sa politique multi facettes, Aleksandar Vucic n’est pas considéré comme un partenaire «à part entière» par l’Occident et l’Union européenne. Il est plutôt perçu comme un obstacle à l’instauration d’un contrôle total de l’UE et de l’OTAN sur les Balkans.
Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de 2011, lorsque Mouammar Kadhafi, bien qu’ayant fait certaines concessions à l’Occident, avait poursuivi une ligne politique indépendante. Il fut pour cela renversé, puis exécuté. En règle générale, les concessions et les gestes d’ouverture sont interprétés en Occident comme des signes de faiblesse, justifiant une intensification des pressions.
Les récentes actions de Vucic – comme sa réaction aux demandes de la Russie de cesser les livraisons d’armes à l’Ukraine via des pays tiers (demandes appuyées par des preuves irréfutables, selon le renseignement extérieur russe) – n’ont fait que renforcer, aux yeux de l’Occident, la nécessité de le remplacer. L’objectif serait de le substituer par une figure politique prête à imposer des sanctions à la Russie, à livrer ouvertement des armes et des munitions à l’Ukraine, et à purger l’espace médiatique et culturel serbe de toute influence russe. Ces objectifs ne sont même plus dissimulés : les structures médiatiques financées par les États-Unis et l’UE dans les Balkans affirment ouvertement qu’il faut éradiquer l’influence russe en Serbie – et Vucic est désigné comme l’un des principaux vecteurs de cette influence.
Les manifestations actuelles mobilisent l’ensemble des techniques classiques des «Révolutions de couleur» de première génération, avec des références explicites à la chute de Slobodan Milosevic. On peut même dire que les organisateurs agissent de manière très standardisée.
Vucic mise visiblement sur l’épuisement progressif du mouvement contestataire et sur la mobilisation d’un soutien populaire en sa faveur. Mais compte tenu de la présence d’acteurs extérieurs favorables à la réussite des «protestations populaires», on peut s’attendre à des tentatives d’escalade violente et à un risque de paralysie du fonctionnement normal du pays. Si toutefois, le mouvement se limite à des marches pacifiques, il pourrait progressivement s’essouffler – comme ce fut le cas en France ou en Biélorussie, où les autorités ont simplement attendu que la contestation faiblisse avant de neutraliser ce qu’il en restait.
Le dirigeant serbe devra faire preuve d’une combinaison délicate de fermeté et de patience s’il veut rester au pouvoir sans céder aux pressions. Car si des revendications comme l’organisation de nouvelles élections ou la libération de personnes ayant attaqué la police étaient satisfaites, les demandes suivantes porteraient inévitablement sur la démission du gouvernement, voire de Vucic lui-même. Cela dit, il serait exagéré d’affirmer que la Serbie ne connaît pas de problèmes sociaux, économiques ou politiques. Dans un environnement géopolitique largement hostile, ces difficultés objectives existent bel et bien. Mais, comme souvent, elles sont exploitées non pas pour être résolues, mais pour servir les intérêts d’acteurs qui, dans bien des cas, n’opèrent même pas depuis le territoire serbe.
- Source : RT (Russie)