Un nouveau rapport détaille un « flux ininterrompu » de livraisons d’armes françaises vers Israël

Un rapport publié ce matin démontre que le gouvernement français a menti en prétendant ne pas livrer d’armes à Israël. Selon les 10 organisations à l’origine du document, la France livre des armes, des munitions et des pièces détachées destinées à l’armement « en flux ininterrompu» à Israël.
Une dizaine d’organisations dont Progressive International, Stop Arming Israel, l’AFPS et BDS France publiait ce matin un rapport commun, fruit de recherches approfondies sur les exportations françaises en Israël. Basé sur les données publiées par l’Autorité fiscale israélienne, ce rapport observe « plus de 15 milliards d’articles dans la catégorie ‘bombes, grenades, torpilles, mines, missiles et autres munitions de guerre’ d’une valeur de plus de 7 millions d’euros, ainsi que 1868 articles dans la catégorie ‘pièces et accessoires de lance-roquettes, grenades, lance-flammes, artillerie, fusils militaires et fusils de chasse’, d’une valeur de plus de 2 millions d’euros ».
Si la France a signé le traité de l’ONU sur le commerce des armes, censé empêcher les ventes d’armes en cas de risque de violation des droits humains, elle ne semble pas toujours respecter cet engagement, et poursuit ses exportations sous le sceau du secret alors que la Cour Internationale de Justice a attesté en janvier 2024 du « risque de génocide » perpétré par Israël à Gaza.
Disclose révélait, déjà l’an dernier, que la société Thales avait continué de livrer à Israël des pièces équipements électroniques pour l’assemblage des drones armés « Hermès 900 », alors que ces drones sont utilisés pour bombarder des civils à Gaza. L’enquête de Disclose mettait en évidence au moins huit frappes meurtrières des drones israéliens contre la population gazaouie depuis octobre 2023.
Le rapport, présenté ce matin lors d’une conférence de presse introduite par la députée Sophia Chikirou à l’Assemblée Nationale, prouve non seulement que des exportations d’armes en direction d’Israël ont lieu, mais aussi qu’elles lieu « en continu ». « Tout au long du génocide en cours, nous avons pu observer les présidents verser ce que l’on peut appeler des larmes de crocodile pour le peuple palestinien. Le président Macron a fait des discours sur la souffrance des Palestinien-nes, fait des promesses creuses sur leur libération et présentant la France comme championne des droits humains », ironise David Adler, coordinateur de Pogressive International, dans sa présentation du rapport. « Mais aujourd’hui nous pouvons confirmer ce que beaucoup soupçonnaient depuis longtemps : que la France a joué et continue de jouer un rôle central dans le transport d’armes envers Israël, non pas dans un but défensif mais pour être déployées contre le peuple de Gaza et des territoires occupés de Cisjordanie ».
Plus de 15 milliards d’articles livrés
Le rapport commence par détailler les quantités d’articles d’armement listées dans le rapport de l’Autorité fiscale dans les catégories désignées par le code du système harmonisé de l’Organisation Mondiale des douanes comme relevant des « armes et munitions ». Parmi les sous-catégories qui y figurent, le rapport exclut celles destinées à un usage commercial non-militaire ainsi que celle destinées à un « usage domestique ». Plus de 15 milliards d’articles sont retenus comme pouvant être destinés à l’usage de l’armée israélienne.
Les données d’importation n’indiquant cependant pas la description des produits, les rédacteur-ices du rapport soulignent qu’une enquête approfondie devra venir préciser l’usage qu’il est fait des composants français dans l’armement israélien.
Le rapport détaille cependant un certain nombre de composants d’armes utilisés par Israël qui correspondent à des articles que la France produit. Soulignant que la France, en pointe en matière d’artillerie d’infanterie ou de systèmes antichars et antiaériens et que ces systèmes d’armes sont « actuellement déployés par l’armée israélienne », il établi que ceux-cis pourraient avoir été fabriqués en France et correspondre donc aux importations documentées.
Le rapport rappelle également l’enquête du média Disclose, qui avait identifié un composant français dans une mitrailleuse utilisée lors du « massacre de la farine » en février 2024, au cours duquel l’armée israélienne avait ouvert le feu sur des civils qui attendaient un convoi humanitaire à Gaza, assassinant au moins 117 Palestinien-nes et en blessant 750 autres.
La seconde partie du rapport se base sur les données des transports aériens et maritimes, listant 14 vols de fret, contenant pour la plupart des « pièces et accessoires de lance-roquettes, grenades, lance-flammes, artillerie, fusils et carabines militaires », qui ont atterri à l’aéroport israélien Ben Gourion entre décembre 2023 et avril 2025. Il est également relevé trois vols transportant des pièces de F-35 en provenance des États-Unis et à destination d’Israël ayant transité par Paris.
La semaine dernière, alors que les dockers de Fos-sur-mer refusaient de charger des composants militaires qui devaient partir pour Israël, marquant leur refus de « participer au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien », le ministre des armées Sébastien Lecornu répondait de sang-froid : « Il n’y a pas d’armes vendues à Israël ». À une semaine du salon annuel de l’armement du Bourget, ce rapport vient appuyer les revendications des militants mobilisés contre celui-ci et pour son bannissement d’Israël parmi les exposants.
« Cela fait des mois qu’au sein de la commission de la défense nationale, nous interrogeons le ministre sur les exportations d’armes à Israël, » rappelle le député Bastien Lachaud pour conclure la conférence de presse. « La France a signé un traité, elle doit respecter sa parole. Le traité est très clair : lorsqu’il y a un risque de commission de génocide ou de crimes contre l’humanité, les ventes et les livraisons doivent s’interrompre. Ça n’a pas été le cas, et la responsabilité du gouvernement français est totale en la matière puisque c’est lui qui autorise ces ventes ».
- Source : Agence Média Palestine