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Vendredi, 16 Mai 2025

En Arabie saoudite, Trump rejette l’interventionnisme et les projets de changement de régime

Auteur : Moon of Alabama (Etats-Unis) | Editeur : Walt | Vendredi, 16 Mai 2025 - 14h43

Les déclarations de politique étrangère de l’administration Trump ne cessent de surprendre.

Fin janvier, le secrétaire d’État Marco Rubio faisait déjà des remarques qui s’écartaient fortement de décennies de politique américaine. Il mettait fin à l’« unipolarité », la prétendue prépondérance des États-Unis dans la politique mondiale, et reconnaissait et approuvait l’existence d’un monde multipolaire.

Il a fixé une limite à l’intervention américaine en reconnaissant les intérêts légitimes des autres :

"Le monde a toujours fonctionné de la manière suivante : les Chinois font ce qui est dans l’intérêt de la Chine, les Russes font ce qui est dans l’intérêt de la Russie, les Chiliens font ce qui est dans l’intérêt du Chili et les États-Unis font ce qui est dans l’intérêt des États-Unis. Lorsque nos intérêts sont alignés, c’est là qu’il y a des partenariats et des alliances ; lorsque nos différences ne sont pas alignées, c’est là que le travail de la diplomatie consiste à prévenir les conflits tout en favorisant nos intérêts nationaux et en comprenant qu’ils vont favoriser les leurs. Tout cela a été oublié".

Rubio veut réintroduire ce concept :

"Et je pense que cela a été oublié à la fin de la guerre froide, parce que nous étions la seule puissance au monde, et nous avons donc assumé cette responsabilité de devenir en quelque sorte le gouvernement mondial dans de nombreux cas, en essayant de résoudre tous les problèmes. Et il se passe des choses terribles dans le monde. Il y en a. Mais il y a des choses terribles qui ont un impact direct sur notre intérêt national, et nous devons à nouveau établir des priorités. Il n’est donc pas normal que le monde ait simplement une puissance unipolaire. Ce n’était pas… c’était une anomalie. C’est un résultat dû à la fin de la guerre froide, mais à terme, il faut revenir à un monde multipolaire, avec plusieurs grandes puissances dans différentes parties de la planète. C’est ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui avec la Chine et, dans une certaine mesure, la Russie, sans oublier les États voyous comme l’Iran et la Corée du Nord".

Il s’agit là d’un point de vue remarquable (bien que très tardif) et étonnant de la part du secrétaire d’État américain chargé de la politique étrangère. Surtout de la part de quelqu’un qui était auparavant affilié au mouvement néo-conservateur.

Le président Trump est actuellement en visite dans les États arabes du golfe Persique. Son principal objectif est de percevoir des redevances sous la forme de contrats d’armement et d’investissement conclus en échange de la « sécurité ». En cela, il poursuit le racket de protection qui constitue l’un des principaux aspects de la politique mondiale des États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Mais lors d’un discours (vidéo) au forum d’investissement américano-saoudien, il est également entré dans un nouveau territoire. Il a pris quinze minutes pour faire l’éloge de son hôte et pour parler de ses propres « réalisations ». Il a fait l’éloge du prince héritier Mohammad ben Salman et d’autres dirigeants du Golfe, avant de se lancer, au bout de vingt minutes, dans une critique des précédents (?) comportements américains en matière de « changement de régime ».

La Maison Blanche n’a pas fourni de transcription de ce discours de 50 minutes, mais seulement de courts extraits. Une transcription complète est disponible ici.

Voici les extraits qui indiquent de nouvelles politiques :

"Sous nos yeux, une nouvelle génération de dirigeants transcende les anciens conflits du passé et forge un avenir où le Moyen-Orient se définit par le commerce et non par le chaos, où il exporte de la technologie et non du terrorisme, et où des personnes de nations, de religions et de croyances différentes construisent des villes ensemble sans se bombarder les uns les autres. Nous ne voulons plus de cela.

(Applaudissements)

Il est essentiel que le monde entier note que cette grande transformation n’est pas le fait d’interventionnistes occidentaux ou d’hommes volant dans de beaux avions pour vous donner des leçons sur la façon de vivre et de gouverner vos propres affaires. Non, les merveilles étincelantes de Riyad et d’Abou Dhabi n’ont pas été créées par les soi-disant bâtisseurs de nations, les néoconservateurs ou les organisations libérales à but non lucratif comme celles qui ont dépensé des milliers de milliards de dollars pour ne pas développer Kaboul, Bagdad et tant d’autres villes. Au contraire, la naissance d’un Moyen-Orient moderne a été le fait des habitants de la région eux-mêmes, des gens qui sont ici, des gens qui ont vécu ici toute leur vie, développant leurs propres pays souverains, poursuivant leurs propres visions et traçant leur propre destin à leur manière. C’est vraiment incroyable ce que vous avez fait.

En fin de compte, les soi-disant bâtisseurs de nations ont détruit bien plus de nations qu’ils n’en ont construites, et les interventionnistes sont intervenus dans des sociétés complexes qu’ils ne comprenaient même pas eux-mêmes. Ils vous disaient comment faire, sans avoir aucune idée de la manière de le faire eux-mêmes. En fin de compte, la paix, la prospérité et le progrès ne sont pas le fruit d’un rejet radical de votre héritage, mais plutôt de l’acceptation de vos traditions nationales et de ce même héritage que vous aimez tant.

(Applaudissements)

Et c’est quelque chose que vous seuls pouviez faire. Vous avez réalisé un miracle moderne à la manière arabe. C’est une bonne façon.

(Applaudissements)"

Trump poursuit en évoquant d’autres pays du Moyen-Orient (à l’exception d’Israël). Il fustige Biden et l’Iran pour ensuite conclure un accord (non défini) avec ce pays.

À un moment donné, il revient au thème de l’intervention :

"En tant que président des États-Unis, ma préférence ira toujours à la paix et au partenariat chaque fois que ces résultats peuvent être atteints. Toujours. Il en sera toujours ainsi. Seul un imbécile pourrait penser le contraire. Ces dernières années, beaucoup trop de présidents américains ont été affligés par l’idée qu’il nous appartenait de regarder dans l’âme des dirigeants étrangers et d’utiliser la politique américaine pour rendre justice à leurs péchés. Ils aimaient utiliser notre très puissante armée, …

Je crois que c’est à Dieu de juger, à moi de défendre l’Amérique et de promouvoir les intérêts fondamentaux de la stabilité, de la prospérité et de la paix. C’est ce que je veux vraiment faire".

Le reste du discours est typique de Trump. Il y a beaucoup d’esbroufe, d’autopromotion et des tonnes d’hypocrisie.

Mais les parties que j’ai extraites ci-dessus sont nouvelles. Avec les remarques précédentes de Rubio, elles indiquent une politique très différente de celle de tous les autres présidents récents.

Les extraits de discours publiés par la Maison Blanche sont presque les mêmes que ceux que j’ai cités ci-dessus. La Maison Blanche souhaite manifestement leur donner une importance supplémentaire en les présentant séparément du reste du discours. Qui a écrit le discours et qui, à la Maison Blanche, était en faveur de ces formulations ?

Trump agira-t-il dans le sens décrit dans le discours ? Ou retombera-t-il dans le travers habituel d’une politique étrangère américaine interventionniste cherchant des changements de régime à gauche et à droite ?

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.


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