L’État français de plus en plus brutal et autoritaire
Emmanuel Macron déplore la contestation de l’autorité parmi ses concitoyens. Une vision de la gouvernance exclusivement verticale.
Il est assez consternant qu’Emmanuel Macron déplore « la contestation de toute forme d’autorité, y compris de l’autorité académique et scientifique » (L’Opinion, 22/12/20). La récente flambée protestataire est parfaitement concomitante des démonstrations d’autoritarisme de son gouvernement.
Fidèle à ses tours de passe-passe rhétoriques, le président tente un parallèle avec la contestation de l’autorité académique et scientifique. Mais cette contestation semble dépendre de causes qui n’ont pas grand-chose à voir. Il s’agit bien sûr, pour le Président, de faire diversion de ses propres fautes.
La présidence d’un quasi despote même pas éclairé
La présidence de Macron est une longue et douloureuse succession d’atteintes aux libertés individuelles. Tout a commencé dès sa prise de pouvoir par la tentative de choisir les journalistes autorisés à suivre ses déplacements et son actualité présidentielle. Faut-il une solide inculture humaniste pour oser pareil coup, sans même s’en cacher ?
La réaction des médias ne s’est pas fait attendre, avec une pétition intitulée « Monsieur le Président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes ». Pétition à laquelle, fidèle à ses acrobaties dialectiques, le président a répondu qu’il s’agissait au contraire d’une « démarche d’ouverture » de sa part (Femmes Actuelles 19/05/17).
L’anachronique limitation à 80 km/h fournit le second exemple patent du dirigisme compulsif de son gouvernement. Cette mesure a été le principal déclencheur d’un mouvement de révolte de très grande ampleur, les Gilets jaunes, contre lequel Macron déploiera sans la moindre honte un dispositif d’une violence inconsidérée.
Ce qui amènera, excusez du peu, Amnesty International et le Conseil de l’Europe à émettre un avertissement, respectivement pour « usage de la violence » et « utilisation abusive des LBD » !
Rien d’étonnant à ce que le mouvement se soit durci et ne poursuive qu’un seul objectif : obtenir la tête du président. N’est-ce pas une réaction naturelle après les cent-quarante blessés graves parmi lesquels quatorze qui ont perdu un œil ? L’arrêt du mouvement n’est bien évidemment que temporaire, simplement dû aux contraintes imposées par la pandémie de coronavirus.
La première vague de cette pandémie fournit également une autre preuve de la violence du gouvernement, celui-ci décrétant le plus brutal des confinements du monde libre, tout simplement pour enrayer les conséquences de son inaction. L’obligation d’un formulaire de sortie, à remplir comme pendant les heures sombres de l’occupation, est révélatrice de cet autoritarisme centralisateur d’un autre âge.
Tout aussi malodorante est l’incroyable directive émanant du ministère de l’Intérieur qui en mars 2020 interdisait aux gendarmes le port du masque, tout simplement parce qu’aucune commande n’avait été passée suffisamment tôt. Cette mesure liberticide et dangereuse a tout naturellement déclenché l’ire de plusieurs syndicats de policiers, ceux-ci menaçant le gouvernement de leur « droit de retrait ».
À côté de ces violences gratuites et injustifiées vis-à-vis des Gilets jaunes et des policiers, la clémence dont ont bénéficié les manifestants de Notre-Dame-des- Landes, les Blackblocs ou encore les grévistes de la SNCF (qui ont pourtant pris en otage la population dans son ensemble) s’additionne au malaise général.
Tout comme les multiples tentatives pour réglementer les échanges sur Internet et les réseaux sociaux. Elles procèdent de cette même pulsion dirigiste et centralisatrice de nature à soulever l’esprit de rébellion parmi les citoyens. Car le gouvernement n’apparait plus comme le garant de l’État de droit, capable de protéger les libertés individuelles, mais au contraire comme une espèce de Léviathan aussi partial que despotique !
La science et la culture face à l’inculture et aux affects
Dans l’essai Conditions de l’éducation, M. Gaucher, M.C. Blais et D. Ottavi abordent entre autres sujets le recul de l’autorité académique et scientifique. Celui-ci est analysé comme multi-causal. À la baisse lente et progressive du prestige de l’enseignant, induite par l’affaissement des deux piliers : impératif du savoir et légitimité de l’institution, s’ajoutent aux excès d’autoritarisme scolaire d’antan des difficultés plus récentes liées à l’émergence des moyens numériques de connaissance, à la chute du niveau d’instruction ainsi qu’à un retour du religieux.
Toutes ces raisons se cumulent. Il en résulte une société qui semble se détourner de l’esprit scientifique, des raisonnements logiques, en un mot, de l’esprit des Lumières. Une évolution que l’on pourrait qualifier de régressive, la secondarité d’une société nourrie d’objectivité scientifique et de culture humaniste cédant progressivement le pas à la primarité, c’est-à-dire aux instincts, aux impressions purement subjectives et émotionnelles, tout ce qui hélas la rapproche des sociétés dites primitives.
Or, de ces tendances constatées dans de nombreuses régions du monde, seule la chute du prestige des institutions scolaires et universitaires semble commune à la contestation du pouvoir politique que dénonce Macron. Le reste apparaît bien spécifique à la France, et particulièrement lié à la tournure de démocrature violente qu’a subitement imprimé sur notre pays l’actuel président socialiste !
Le plus triste dans cette histoire est qu’il déplore lui-même les conséquences de ses propres dérapages. Tel un pompier pyromane, il s’étonne ou feint de s’étonner de l’incendie. Et comme s’il s’adressait à un peuple de demeurés, il fait miroiter un « monde d’après » tout en imposant au pays une régression autoritariste digne d’une autre époque.
Tout cela en dit long sur ses penchants totalitaires, et sur les révoltes qu’il est en train d’alimenter malgré lui contre l’État et ses institutions les plus représentatives. Institutions parmi lesquelles l’ENA, la matrice infernale capable d’enfanter des diplômés dénués du respect démocratique, la matrice à l’origine de la démocrature qu’est devenu notre pays.
- Source : Contrepoints