Le gouvernement Castex est le plus cher depuis 10 ans
Avec 43 membres, Premier ministre inclus, le gouvernement Castex est le plus étoffé depuis 25 ans. La hausse vertigineuse du nombre de portefeuilles ministériels n’étant pas sans conséquence sur les finances publiques, il s’agit également du gouvernement dont les rémunérations cumulées des membres atteignent le niveau le plus élevé, depuis Fillon III, il y a dix ans.
Pour réussir la dernière ligne droite du quinquennat Macron, Jean Castex a vu (très) large. Le 26 juillet dernier, le nouveau locataire de Matignon a mis la dernière main à un casting gouvernemental XXL, que les opposants au pouvoir en place ont immédiatement caricaturé en “armée mexicaine”. Premier ministre compris, l’équipe Castex compte 43 membres dont 30 ministres et 12 secrétaires d’Etat. Si l’objectif du respect de la parité est atteint (21 hommes, 22 femmes), les partisans d’une gestion sourcilleuse des deniers publics en sont pour leurs frais.
Sans même attendre les effets du déplafonnement du nombre de collaborateurs autorisés au sein des cabinets ministériels, décrété il y a peu par l’exécutif, on peut raisonnablement supposer que le coût de fonctionnement du gouvernement Castex sera nettement supérieur à celui qui l’avait précédé, avec Edouard Philippe à sa tête.
L'addition a bondi de 30%
Avec 30 membres seulement dont 19 ministres et 10 secrétaires d’Etat, la masse salariale annuelle (hors-collaborateurs) de Philippe II atteignait 3,6 millions d’euros environ lors de son intronisation, en août 2017. Ce chiffre a légèrement augmenté par la suite, avec les nominations de 5 nouveaux ministres et secrétaires d’Etat, intervenues en 2018 et 2019. Pour obtenir cette estimation initiale, il suffisait d’additionner la rémunération du Premier ministre (180.000 euros brut par an), à celles de ses ministres (120.000 euros) et de ses Secrétaires d’Etat (114.000 euros).
L’arrivée de Jean Castex à Matignon a fait bondir l’addition de près de 30% par rapport à Philippe II. Si l’ex-maire de Prades — qui percevait un peu plus de 200.000 euros brut par an avant son arrivée à Matignon — touche, conformément à la loi, une rémunération identique à celle de son prédécesseur, la nomination de 11 ministres et 2 secrétaires d’Etat supplémentaires par rapport aux débuts de Philippe engendre un surcoût supérieur à 1,5 million d’euros, pour une facture totale de 5,1 million d’euros.
D’ici 2022, les résultats attendus par les Français seront peut-être au rendez-vous. Mais pour l’instant, la “cuvée” Castex s’est essentiellement distinguée, outre la nomination de stars médiatiques tels l’ancien ténor des barreaux Eric Dupont-Moretti, par son importance numérique inédite depuis… le premier gouvernement Juppé, en 1995. Et, bien entendu, par la flambée salariale qui en découle.
Le décret qui a tout changé
Pour trouver un gouvernement aussi “cher” que celui de l’ancien “M. Déconfinement”, il faut rembobiner une décennie. Et s’arrêter au mitan du quinquennat Sarkozy (2007-2012). Lors du large remaniement de novembre 2010, l’ancien président avait reconduit François Fillon au poste de Premier ministre, avec une équipe renouvelée et renforcée à ses côtés. L’équipe “Fillon III” comptait autant de ministres que la précédente (15), mais enregistrait la création de 11 secrétariats d’Etat supplémentaires, portant son effectif à 33 membres, Premier ministre compris. Malgré une importance numérique inférieure à celle du gouvernement Castex, “Fillon III” coûtait plus cher : 5,5 millions d’euros par an.
Pour comprendre ce paradoxe, il faut avoir en tête qu’une révision à la baisse de la rémunération des ministres avait eu lieu en 2012. Lors de son accession au pouvoir, le président François Hollande avait décidé de diminuer de 30% sa rémunération, ainsi que celles du Premier ministre et des membres du gouvernement. La mesure, adoptée par décret le 17 mai 2012, avait fait chuter le salaire du locataire de Matignon de 21.500 à 15.000 euros bruts par mois et celui des ministres de 14.000 à 10.000 euros. Enfin, les secrétaires d’Etat avaient vu leur rémunération fondre de 13.500 à 9.500 euros. Des salaires qui n’ont plus évolué depuis le début de l’ère Hollande.
Des gouvernement socialistes onéreux, malgré la baisse des salaires
François Fillon et ses ministres étaient donc privilégiés, par rapport à leurs successeurs. Ce qui explique que la masse salariale des gouvernements nommés après 2012 n’a plus jamais atteint un niveau si élevé que “Fillon III” et ses 5,5 millions d’euros. Même avec une équipe aussi pléthorique que celle qui dirige actuellement le pays. Le gouvernement Castex est néanmoins celui qui s’en rapproche le plus. Entre temps, la France avait connu les gouvernements Ayrault I et II (2012-2014) pléthoriques dès leur intronisation (35 et 38 membres) et donc assez onéreux : 4,2 et 4,5 millions d’euros par an.
Au printemps 2014, Manuel Valls s’était essayé à la rationalisation des effectifs, nommant un premier gouvernement composé de 31 membres “seulement”, pour une facture de 3,7 millions d’euros par an. Mais le remaniement d’août 2014, l’avait fait renouer avec le travers français des exécutifs boursouflés. Il s’était alors entouré d’une large équipe de 17 ministres et 20 secrétaires d’Etat. De quoi faire remonter la masse salariale du gouvernement à 4,6 millions d’euros par an. Un montant resté inchangé sous Bernard Cazeneuve.
A un peu moins de deux années du terme de son quinquennat, force est de constater que, sur ce thème, Emmanuel Macron emprunte le même chemin que ses prédécesseurs. Les gouvernements successifs sont de plus en plus étoffés, ce qui provoque naturellement une hausse des dépenses publiques. En mai 2017, Edouard Philippe avait pourtant bien commencé, en nommant une équipe resserrée de 23 membres, dont la masse salariale était inférieure à 3 millions d’euros. Mais la démission de quatre d’entre eux pour cause de difficultés judiciaires, l’avait obligé à remanier dès le mois de juin, élargissant au passage son équipe à 30 membres (3,6 millions d’euros), et même 35, à la fin de son bail à Matignon.
En marge de l’inflation des portefeuilles, le nombre maximum de collaborateurs autorisés dans les cabinets ministériels en début de quinquennat (entre 5 et 10) vient d’être augmenté d’environ 50%. Le total de 324 conseillers recensés dans les différents ministères en août 2019, selon une annexe au projet de loi de finances 2020, devrait donc subir une forte hausse dans les mois à venir.
De la même façon, on peut s’attendre à voir grossir la masse salariale des cabinets ministériels au sein desquels la rémunération brute moyenne (primes comprises) était de 110.000 euros par an, en 2019. Sans même prendre en compte les salaires des 2.092 “personnels supports” (chauffeurs, secrétaires...) également présents au sein des ministères, le montant total de la masse salariale des cabinets dépassait 35 millions d’euros en 2019. Grâce au déplafonnement, les membres du gouvernement Castex — 16 ministres de plein exercice, 14 ministres délégués, et 12 secrétaires d’Etat — pourront théoriquement embaucher un total de 518 conseillers, auxquels il convient d’ajouter les membres des cabinets civils et militaires du Premier ministre — 70 en 2019 — pour obtenir un effectif global (là aussi théorique) légèrement inférieur à 600 membres.
Dans cette hypothèse “maximaliste”, la facture des cabinets pourrait quasiment doubler, et atteindre environ 65 millions d’euros par an. A moins, bien entendu, que Jean Castex passe des consignes de modération salariale, afin de compenser l’augmentation des effectifs de cabinet. Interrogés à ce sujet il y a quelques jours, les services du Premier ministre n’ont, toutefois, pas répondu à nos demandes.
Quoi qu’il en soit, la mise sur orbite du pléthorique gouvernement Castex confirme que face aux difficultés de leur tâche, les hommes politiques croient aux vertus du collectif. A condition qu’il soit le plus large possible…
- Source : Capital