Les sanctions iraniennes. Un rappel de la façon dont les États-Unis ont fait une arme du système financier
Seule CNN s’est montrée surprise par l’annonce récente de Donald Trump qu’il retirait les États-Unis de l’accord iranien négocié par son prédécesseur. Suivant la même approche que la précédente administration républicaine, qui fut pourtant un échec, le Président a opté pour la confrontation avec le régime iranien plutôt que de soutenir les factions iraniennes modérées du pays par le biais du commerce. La décision a déjà accru les tensions dans cette région instable, alors même que l’Iran et Israël se tirent dessus en Syrie.
Pendant ce temps, les dirigeants européens sont en train de discuter avec les responsables iraniens pour tenter de trouver un moyen de contourner les nouvelles sanctions américaines. D’autres ont attaqué avec véhémence les actions de Trump et dénoncé le rôle de « policier économique » que s’arrogent les États-Unis.
Comme l’a dit le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, à propos de cette décision :
« Voulons-nous être des vassaux des États-Unis qui obéissent le doigt sur la couture du pantalon ? Ou voulons-nous faire savoir que nous avons nos intérêts économiques, que nous considérons donc que nous continuerons à commercer avec l’Iran ? »
Selon les journaux, les fonctionnaires européens envisagent différentes options pour aider à sauver leurs relations économiques avec l’Iran.
L’une consiste à relancer les « statuts de blocage », ceux auxquels l’UE a menacé de faire appel en réponse aux sanctions imposées à Cuba, à la Libye et à l’Iran dans les années 1990. Le mécanisme fonctionne de manière similaire à la doctrine anti-commandeering, ordonnant aux fonctionnaires européens de refuser de se conformer aux sanctions américaines. Comme le note Reuters, les statuts de blocage « n’ont jamais été utilisés et sont perçus par les gouvernements européens comme une arme politique ». Cela a marché dans le passé parce que l’administration Clinton a tout simplement reculé, ce qui semble peu probable avec le président Trump.
L’autre est d’établir de nouvelles institutions financières sans lien avec le système financier américain. L’Iran a déjà fait de l’euro la monnaie officielle de déclaration des opérations de change, de sorte qu’à première vue, cela semble être une alternative viable.
Cependant, le problème auquel sont confrontés les décideurs européens est que les États-Unis ont fait beaucoup d’efforts pour militariser le secteur bancaire ces dernières années.
Comme Richard Goldberg l’a fait remarquer dans Foreign Policy :
« [En 2010] Le Congrès a adopté une nouvelle loi qui tire parti de la plus grande force des États-Unis contre le commerce du reste du monde avec l’Iran : les transactions financières.
Après des années de mise au ban de la plupart des institutions financières iraniennes pour leur participation à diverses activités illicites, le Congrès a reconnu qu’il devait également punir les tiers pour avoir fait affaire avec ces entreprises criminelles. Ainsi, il a déclaré que toute banque étrangère qui entretient une relation d’intermédiaire avec une des banques iraniennes mises au ban ne pourrait plus avoir de relations financières avec les États-Unis.
En 2011, les États-Unis ont étendu cette interdiction à toutes les transactions effectuées avec la Banque centrale d’Iran et, en 2012, à toutes les transactions effectuées dans le cadre d’un large éventail d’activités économiques iraniennes ».
Aucune institution financière ne voudra prendre le risque de se faire rejeter par le système bancaire américain, quelle que soit la fermeté des lois sur le statut de blocage. En tant que tel, cet outil politique européen a peu de chances de succès.
Pendant ce temps, les législateurs américains sont déjà en train de trouver des moyens de poursuivre les banques centrales européennes si elles cherchent à établir des institutions financières spéciales pour le commerce iranien. Comme l’indique le Weekly Standard, une note de service est en circulation au Capitole, indiquant que les décideurs politiques américains devraient :
« Rappeler aux gouvernements européens que les sanctions financières américaines s’appliquent à toutes les ‘institutions financières étrangères’, ce que le département du Trésor a précédemment interprété comme incluant ‘les banques centrales ou les banques étrangères détenues ou contrôlées par l’État, et pas seulement les banques privées. Les pays qui envisagent de transférer le traitement des paiements des institutions privées vers les banques centrales mettront sérieusement en péril leurs systèmes financiers’ ».
Ironiquement, le manque d’options réelles pour contrer Trump justifie en fait la vision du monde qu’il montrait lorsqu’il était candidat à la présidence. Tout comme Trump préconisait une approche « America First » pour des relations étrangères qui privilégiait « l’intérêt national » avant les projets « globalistes », l’Europe doit identifier les moyens de limiter sa dépendance vis-à-vis du système financier américain ou bien être réduite au statut de vassal de Washington. Tout comme la décentralisation politique est le meilleur moyen de parvenir à une véritable autodétermination, la décentralisation financière est le meilleur moyen pour les nations de protéger leurs propres intérêts souverains.
Bien sûr, pour que ce soit vraiment le cas, il faut d’abord réinitialiser l’ordre monétaire mondial.
Tant que le dollar jouira de sa position privilégiée établie par Bretton-Woods, le reste du monde est vulnérable à tout effet de levier exercé par les États-Unis.
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.
- Source : Zero Hedge (Etats-Unis)