Quand France 2 verse dans l'ultralibéralisme
Lundi soir, j'ai regardé le journal de 20 heures de France 2. Il me semblait que les journalistes étaient plutôt de gauche, mais deux reportages questionnent sérieusement ce postulat, sur les questions économiques au moins. Sans doute une nouvelle preuve de la dérive idéologique de notre époque.
L’effritement du droit du travail
Le premier reportage traitait des projets actuels sur le droit du travail. Ici aussi, la majorité « socialiste » semble vouloir dépasser l’UMP par sa droite en libéralisant des aspects de notre droit du travail que Nicolas Sarkozy n’avait pas remis en question au pouvoir… Voilà un angle qui aurait permis de singulièrement enrichir le reportage, à la tonaité bien neutre. Même s’il est vrai que les conditions de travail des journalistes sont souvent très difficiles, la neutralité dans le traitement de cette déconstruction de notre modèle social est assez effarante. Les indemnités de licenciement y étaient présentées comme un coût trop élevé pour les entreprises. Pour un peu, le Medef aurait pu faire la vidéo !
Bien sûr, le reportage se raccrochait au fait que les licenciés auraient une priorité en cas de rémbauches, mais ne s’agit-il pas d’un gadget destiné à faire passer cette réforme ? Car, en pratique, la plupart de ces licenciements sont probablement définitifs. Il s’agit donc d’un engagement qui ne coûtera pas grand chose et qui permettra peut-être de faire passer des mesures bien plus importantes. Il est tout de même incroyable que les journalistes ne soulignent pas l’immense paradoxe qu’il y a à ce qu’un gouvernement dit de gauche libéralise le marché du travail laissé par une majorité précédente de droite. Et il est dommage aussi de ne pas laisser la parole à ceux qui s’opposent à cette réforme.
Le romantisme des minis maisons
Le second reportage incriminé était consacré au « phénomène » des mini-maisons, des sortes de camping, sur roue ou pas. Dans un gloubi-boulga bien indigeste, France 2 mélangeait la cabane pour les enfants dans le jardin, la chambre d’hôte façon cabane et le sort d’une pauvre famille étasunienne, passée d’une maison de 180 mètres carrés à une mini maison de 19 mètres carrés après avoir perdue la première suite à un épisode de chômage. On aurait aimé que les journalistes parlent du contraste avec les banques protégées par des montagnes d’argent public et se demandent si notre société n’a pas tout simplement perdu tout sens moral avec ce révoltant deux poids deux mesures.
Mais non, le reportage relatait san filtre les avantages qu’y voyait le couple étasunien : moins de charges, et donc la possibilité de s'en sortir. Quelle est la prochaine étape ? Dire à ceux qui ne joignent pas les deux bouts qu’ils ont toujours la solution d’opter pour une mini maison ? Il était proprement indécent de mélanger des choses qui n’auraient jamais dû être mélangées. A minima, les journalistes auraient pu souligner la dureté qu’il y a à devoir diviser par dix la taille de son logement après avoir souscrit un emprunt dans des conditions potentiellement douteuses et perdu son emploi suite à la crise déclenchée par la bulle financière, alors que le secteur financier est largement sauvé par l’Etat.
Bref, devant des reportages dignes de la pire propagande néolibérale, espérons que France 2 va reprendre sa mission de service public, en informant avec plus de nuance et de mise en perspective. Il est tout de même tristement ironique de voir un gaulliste reprocher au service public d’être trop à droite…
- Source : Laurent Herblay