Les coûts externes de l’activité humaine détruisent la planète par Paul Craig Roberts
Les humains s’exterminent eux-mêmes en exterminant les autres formes de vie. En tant que personne attachée à la pensée libre, je me surprends parfois à me demander si ce dont nous aurions vraiment besoin ne serait pas une forme de contrôle mental, à la Star Trek, pour nous empêcher de détruire la planète pour le profit de quelques-uns.
Les externalités négatives sont négligés par les économistes, et les conséquences involontaires des lois et des décisions politiques – en fait, toute décision, même celles qui semblent très rationnelles – peuvent être surprenantes. Je suis convaincu que les externalités négatives de la production capitaliste dépassent les profits et, dans certains cas, dépassent même les coûts de production. La loi la plus soigneusement étudiée, comme l’entreprise la plus soigneusement planifiée peuvent avoir des conséquences désastreuses. Essentiellement, lorsque les humains prennent des décisions, ils n’évaluent jamais totalement les conséquences de ce qu’ils font.
La situation s’aggrave lorsqu’une économie financiarisée, où les emplois sont délocalisés dans d’autres économies faisant la même chose, constate qu’il est plus rentable pour les entreprises de racheter leurs propres actions, voire de s’endetter dans le but de décapitaliser les sociétés, que d’investir dans de nouvelles usines, du matériel et de la main-d’œuvre. Les rachats d’actions sont le principal investissement fait par les entreprises étasuniennes aujourd’hui. Ces dernières années, la totalité des bénéfices et des emprunts des sociétés a été utilisée pour racheter des actions, ce qui profite avant tout aux cadres et aux actionnaires. Les banques centrales du Japon et de l’Union européenne soutiennent le cours des actions en en achetant aussi. La banque centrale japonaise est le principal détenteur de fonds négociés en bourse (ETF). Je suis convaincu que la Réserve fédérale empêche les krachs du marché boursier américain en achetant des contrats à terme S&P.
La perte d’emplois dans une société détruit les échelles de la mobilité ascendante, augmentant ainsi l’instabilité sociale et politique, et la concentration de tous les gains de richesse aux mains des cadres et actionnaires des entreprises empêche la redistribution des revenus et nous ramène à l’époque pré-moderne, aux temps de l’aristocratie et des serfs. Les banques centrales qui injectent des liquidités, ce qui fait monter des prix des actions et des obligations, créent ainsi des bulles d’actifs qui sont des krachs en puissance.
A côté du peu d’attention que les coûts externes de production reçoivent de la part des économistes, les coûts externes de l’activité humaine sur la planète en reçoivent encore moins.
Cela m’a été rappelé lorsque j’ai reçu comme cadeau de Noël une copie des magnifiques photographies de Joel Sartore sur les espèces animales en voie de disparition.
Ce livre fend le cœur, et on se demande pourquoi Dieu a permis aux humains de dominer la nature alors qu’ils n’ont aucun égard pour les conséquences désastreuses de leurs actions. Considérez les espèces d’animaux, d’insectes, de reptiles, d’oiseaux qui ont disparu et qui sont en voie de disparition. Pourquoi avons-nous fait cela ? Pour aucune autre raison que d’enrichir encore plus quelques personnes déjà riches. Ils n’avaient pas besoin de cet argent qui a détruit des animaux, des plantes, des forêts, de l’eau propre, des poissons et la vie marine, des oiseaux, des papillons, des abeilles et un grand nombre d’insectes. [L’argent finance l’accès au pouvoir et son maintien, NdSF]
Depuis que Dick Cheney a été vice-président des États-Unis, président de facto, l’Agence de protection de l’environnement n’a été qu’un agent servant les intérêts miniers, forestiers et énergétiques. La plupart des autres mesures de protection de l’environnement et de la faune ont également été mises de côté. Les forêts nationales sont coupées, les monuments nationaux sont défigurés, les loups sont abattus, et des espèces rares sont braconnées et chassées pour les trophées. Il semble que les humains ne seront pas heureux tant que toutes les autres espèces n’auront pas été exterminées.
Les organisations environnementales privées sont maintenant tellement dépendantes de l’argent et des administrateurs des entreprises qu’elles sont largement inefficaces. Elles ne peuvent pas faire de lobbying efficace contre les intérêts de leurs donateurs à Washington.
Écoutez cette histoire de cailloux. Une société minière canadienne, Constantine Metal Resources, a reçu, avec l’approbation de l’Agence pour l’Environnement étasunienne, un permis pour commencer une exploitation minière au siège social de Bristol Bay en Alaska, un État américain. Ces eaux sont le lieu de frai du saumon et l’endroit où les aigles et les grizzlis qui vivent sur le saumon trouvent leur nourriture. Comme cette compagnie l’indique clairement dans ses annonces, ce que l’on peut tirer de cette exploitation minière sont des profits pour les sociétés étrangères, 2 000 emplois temporaires et un maigre millier d’emplois à temps plein pendant l’exploitation. Ce que l’on y perd, c’est une industrie de la pêche de 1,5 milliard de dollars et les 14 000 emplois qui y sont associés, 417 milles carrés d’habitat vierge, 4 rivières de pêche de classe mondiale, 60 milles linéaires de zone de frai de premier ordre pour le saumon, et la destruction d’eaux vierges par 360 000 gallons d’effluents toxiques qui passent quotidiennement dans la rivière Chilkat, entraînant la destruction de la vie des saumons, des aigles et des grizzlis ainsi que celle de 14 000 personnes.
C’est la façon dont le capitalisme prend ses décisions. Ce qui compte pour la vie de la planète ne comptent pas pour lui. Ceux qui comptent leurs profits sont de puissantes sociétés qui peuvent faire pression sur le Congrès et les agences de régulation qui sont censées protéger l’environnement et la vie qui dépend de cet environnement protégé.
Lorsque le capitalisme est vu sous l’angle réel de son fonctionnement et non sous l’angle romantique que lui donne l’économie de marché, il est visiblement une force destructrice. Moins il est réglementé, plus il est une force destructrice. Mais peut-il être régulé ? Tous les efforts ont échoué. L’économiste George Stigler, de l’Université de Chicago, a dit que tous les organismes de réglementation deviennent les captifs de ceux qu’ils sont censés réglementer et que, par conséquent, les organismes de réglementation deviennent les agents de ceux qu’ils sont censés contrôler.
La forêt amazonienne est détruite par des gens qui, de fait, sont des criminels qui détruisent une ressource mondiale et n’obtiennent en contrepartie qu’une ou deux récoltes poussant sur la terre dénudée. Le gouvernement brésilien corrompu mis en place par Washington pour servir les intérêts américains est partie prenante du crime contre la vie sur terre. La même chose se produit dans les forêts indonésiennes grâce aux sociétés forestières chinoises. Adieu le Tigre de Sumatra. Adieu aux populations indigènes qui dépendent des forêts.
Dans l’avant-propos du livre de Santore, Vanishing Animals, Elizabeth Kolbert fait remarquer que les humains d’aujourd’hui sont l’équivalent de l’astéroïde d’il y a 66 millions d’années qui a anéanti les dinosaures, sauf que cette fois nous anéantissons tout, y compris nous-mêmes.
Lorsque nous éliminons un animal ou un insecte, le génome d’une espèce est perdu. En fait, nous détruisons des bibliothèques, nous nous rendons donc plus ignorants.
Il me semble que les défenseurs de la diversité pourraient faire beaucoup plus de bien si, au lieu de faire des efforts pour remplacer les Blancs, ils en faisaient pour sauver la diversité sur la planète Terre. Mais cela exigerait de l’intelligence et de l’empathie pour toute forme de vie, des traits qui ne sont pas abondants dans la population humaine.
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
- Source : Institute for Political Economy (Etats-Unis)