Nouveau bobard dans l'affaire Merah
Jeudi, Abdelghani Merah a prétendu ne pas avoir été sollicité lors de la préparation d’un documentaire récemment diffusé par France 3 et consacré à l’affaire Merah. Jean-Charles Doria, réalisateur de l’émission, affirme le contraire. Décryptage d’une contradiction révélatrice. Un an après les faits, les incohérences de l’affaire Merah, soulignées sur Oumma, ne cessent d’être éludées au profit de polémiques futiles. Ces derniers jours, une controverse a ainsi pris de l’ampleur à propos du documentaire -surtout psychologisant- de France 3, intitulé « Affaire Mohamed Merah : itinéraire d’un tueur » et diffusé mercredi soir en prime time.
Certains avocats de familles de victimes avaient auparavant fait pression -en vain- auprès du CSA et de France Télévisions pour faire censurer l’émission en raison de l’apparition, jugée scandaleuse, de la mère et de la sœur de Mohamed Merah dans le film.
Au lendemain de sa diffusion, une nouvelle contradiction est apparue dans le « dossier Merah ». Invité par La Nouvelle Edition de Canal+, Abdelghani Merah s’est plaint du documentaire en insistant sur l’hypocrisie, selon lui, de sa mère et de sa sœur Souad. Survient alors (à 16’16) un moment cocasse : l’animatrice Anne-Elisabeth Lemoine lui demande pourquoi il n’a « pas accepté de participer à ce documentaire ». Réponse de Merah : « Parce que je savais que… euh, déjà, on me l’a pas proposé. Et… comment vous dire, je savais que ma famille allait mentir. Ils ont une double facette ».
Face à lui, le chroniqueur Ariel Wizman s’indigne : « C’est incroyable qu’on vous l’ait pas proposé ! Enfin ! A votre avis, ça tient à quoi ? ». L’animatrice s’interpose : « Si, si ! On vous a proposé de participer à ce documentaire ». Wizman réplique : « Non ! Il dit que non ! ».
Visiblement embarrassé, Merah rétorque, l’air penaud : « Je sais pas, vous savez, j’ai eu tellement de journalistes qui m’ont appelé. Je sais pas qui m’a appelé et qui m’a proposé quoi ».
Sur le plateau de Canal+, personne n’a eu l’indélicatesse de lui faire remarquer l’incohérence de son propos. Merah prétend d’abord ne pas avoir eu de proposition mais rajoute aussitôt qu’il « savait » à propos du documentaire en cours de fabrication que sa « famille allait mentir » avant de conclure sur une note confuse, affirmant avoir oublié.
L’animatrice a, quant à elle, bien préparé son interview. Elle a rappelé que Merah avait été sollicité pour le tournage puisque le réalisateur du documentaire l’avait clairement indiqué -la veille- sur une antenne nationale. C’était mercredi matin, dans les studios d’Europe 1. Face à l’avocat Patrick Klugman, Jean-Charles Doria a tenu à défendre le caractère journalistique de son film. Interrogé de manière péremptoire (à 40’15) par l’avocat (et membre du CRIF) sur l’absence d’Abdelghani Merah dans la liste des personnes sollicitées, le réalisateur affirma alors l’avoir contacté sans obtenir de réponse favorable.
Au vu de ces deux affirmations contradictoires, une chose est claire : qu’il s’agisse de Merah ou de Doria, l’un des deux hommes ment. Notons ici que Mohamed Sifaoui, co-auteur du livre de Merah, soutient la version de ce dernier dans une tribune publiée hier par le Huffington Post (et relayée d’ailleurs par le site de la Ligue de défense juive).
Cette contre-vérité, apparemment anodine, est en réalité importante car les deux hommes -Merah et Doria- servent chacune une thèse différente à propos de l’affaire.
Quelles sont les principales lectures des évènements survenus dans la région de Toulouse et Montauban en mars 2012 ?
Depuis un an, quatre théories se concurrencent dans l’espace public :
1* Mohamed Merah était un « loup solitaire ». C’est la thèse « psychiatrique » rapidement élaborée par le clan Sarkozy, avec Claude Guéant, Bernard Squarcini et François Molins (procureur -politisé- de la République de Paris) comme porte-paroles officiels.
2* Merah était assisté par un ou plusieurs hommes de la mouvance fondamentaliste. C’est la thèse alarmiste et idéologique favorisée par Manuel Valls, promue avec zèle par le CRIF (constitué partie civile dans le procès) et relayée médiatiquement par le tandem Merah-Sifaoui. Dirigeant de la communauté juive de Toulouse et militant d’un rapprochement renforcé entre Israël et l’Union européenne, Arié Bensemhoun a d’ailleurs profité du débat organisé par France 3 pour affirmer qu’il y aurait des « centaines de Merah » dans la nature avant d’ajouter qu’il faudrait davantage surveiller les mosquées dans lesquelles seraient formées, selon lui, les « Merah de demain ».
3* Merah était un bouc émissaire à qui l’on a imputé les assassinats en raison de son profil de « coupable idéal ». Qualifiée sommairement de « théorie du complot » et condamnée par Le Monde, cette thèse, qui présente obscurément le clan Sarkozy comme le commanditaire -ou le complice passif- des meurtres, est populaire si l’on en juge par le succès des vidéos internet en sa faveur ou les commentaires régulièrement exprimés sur Twitter.
4* Merah était le (principal) assassin des sept meurtres mais il a été manipulé, voire assisté, par une partie tierce et non identifiée à ce jour. Le jeune homme croyait être un soldat de la « cause djihadiste » alors qu’il servait, à son insu, un agenda politique particulier. Plus complexe, cette thèse renvoie dos à dos les partisans de la version d’un attentat uniquement « islamiste » et ceux qui clament l’innocence entière du jeune Toulousain.
Le fantôme du SAC
Abdelghani Merah, acteur-clé de la thèse n°2, est toujours sollicité par les médias malgré le camouflet qu’il a subi ces dernières semaines. Les cinq individus, mis en garde à vue et présentés systématiquement -à tour de rôle- comme le « 3ème homme » (alors que la culpabilité du second, Abdelkader Merah, n’est toujours pas avérée), ont tous été relâchés, notamment celui (« le gitan » converti à l’islam) que le tandem Merah/Sifaoui pointait du doigt.
* Charles Mencarelli dit le « gitan » témoigne
Jean-Charles Doria sert, quant à lui, la thèse n°1 : celle d’un Mohamed Merah « paumé » et isolé. C’est ainsi, également, que Bernard Squarcini, l’ex-directeur de la DCRI, se voit présenté dans le documentaire comme le Cassandre infortuné de l’affaire Merah. L’homme aurait privilégié la « piste islamiste » mais n’aurait pas été écouté par la police judiciaire.
Soulignons également un élément croustillant dans la confection du documentaire, produit par Tony Comiti. Ce dernier n’est pas exactement un inconnu pour le clan Sarkozy. L’illustre producteur de télévision (également à l’origine d’un docu-fiction valorisant l’ancien maire de Neuilly) est le fils de Paul Comiti, cofondateur et ex-dirigeant du Service d’Action Civique –une police parallèle des années 60/70 (officiellement disparue) et spécialisée dans les coups tordus au service du pouvoir gaulliste. Ironie du sort, Claude Guéant (homme-clé de l’affaire Merah et fil rouge du documentaire de Doria) est précisément le fils politique d’une figure majeure du SAC : Charles Pasqua.
L’ancien ministre de l’Intérieur était d’ailleurs intervenu sur le plateau d’I Télé, quelques heures après la fin de l’assaut du RAID, pour affirmer maladroitement (à 0’40) qu’il n’avait « jamais cru » à la capture de Mohamed Merah vivant. A la suite de notre publication -l’été dernier- de cette information (point n°27), la vidéo a été curieusement retirée du site de la chaîne d’information mais l’auteur de ces lignes en a sauvegardé une copie.
De nouvelles zones d’ombre sont apparues depuis un an et les mensonges s’accumulent à propos de l’affaire Merah. A ce jour, aucune enquête véritablement indépendante n’a encore vu le jour. Qu’ils soient proches de la DCRI, du CRIF ou du clan Sarkozy, les journalistes qui ont travaillé sur le sujet ont passé plusieurs faits sous silence. Il ne tient qu’à vous, lecteur désireux d’être informé au mieux, d’encourager l’investigation et l’exposition de nouvelles pistes. C’est à vous, citoyen hostile au mensonge d’Etat, de dissiper la poudre aux yeux entourant l’affaire Merah.
- Source : Hicham Hamza