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Dimanche, 08 Sept. 2024

Israël dirige des milliers de personnes vers des zones « sûres » de Gaza, puis les bombarde

Auteur : Mahmoud Mushtaha | Editeur : Walt | Vendredi, 12 Juill. 2024 - 13h58

Après avoir fui vers l'ouest sur ordre de l'armée israélienne, les Palestiniens se sont rapidement retrouvés encerclés sous le feu des tanks, des drones et des snipers.

“On entendait des explosions partout & nous étions entourés d’hélicoptères, de quadcoptères & de blindés. Ma famille était là, puis certains sont ensuite partis, mais où? Une vraie nuit de cauchemar”.

*

Le dimanche 7 juillet, l’armée israélienne a ordonné aux habitants de trois quartiers de l’est de la ville de Gaza d’évacuer immédiatement vers l’ouest, en prévision d’une nouvelle invasion terrestre. Des milliers de familles déplacées ont abandonné leurs abris et cherché désespérément un endroit où passer la nuit dans les quartiers ouest de la ville. Quelques heures plus tard, les forces israéliennes les ont attaqués.

L’ordre d’évacuation est intervenu moins de deux semaines après que les forces israéliennes ont réinvesti le quartier de Shuja’iya, à l’est de la ville de Gaza. Alors que les déplacements et les incursions terrestres se poursuivent dans les villes méridionales de Khan Younis et de Rafah, et que les bombardements se poursuivent dans toute la bande de Gaza, y compris dans les “zones de sécurité” officielles, les Palestiniens ne trouvent nulle part de répit sous les assauts d’Israël.

Mahmoud Al-Shawa, 28 ans, a fui avec sa famille le quartier oriental d’Al-Tuffah après que l’armée leur a ordonné de partir dimanche. Il raconte comment des milliers d’autres personnes déplacées d’Al-Tuffah, d’Al-Daraj et de la vieille ville ont cherché refuge dans le peu d’espace disponible des bâtiments universitaires et les écoles de l’ONU. Une fois ces lieux rapidement remplis, beaucoup ont été contraints de dormir dans les rues.

La famille de M. Al-Shawa a eu la chance de trouver un abri temporaire à l’école primaire Al-Zeitoun, dans le quartier occidental d’Al-Rimal, mais ce refuge ne l’a pas protégée de ce qui s’est produit :

“Vers 2 heures du matin, les bombardements ont commencé à fuser de toutes parts”, a-t-il raconté à +972. “Le ciel s’est embrasé. Tout le monde criait”.

“Nous étions dans la cour de l’école et des éclats d’obus nous tombaient dessus”, poursuit M. Al-Shawa. “Nous avons essayé de nous cacher dans les salles de classe, mais les drones quadcoptères tiraient sur nous. Soudain, mon cousin est tombé au sol – il a été touché au bras gauche par des éclats d’obus. Il y avait des dizaines de corps sur le sol. Des gens ont été tués, je le sais. J’essayais de guider ma mère loin du chaos, mais soudain elle s’est arrêtée et a vomi à cause de tous ces corps. Je lui ai couvert les yeux de sorte qu’elle ne les voie pas”.

“Nous avons entendu le vacarme des tanks de l’armée, puis quelqu’un a crié : l’armée avait encerclé le siège de l’UNRWA [l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient], à quelques mètres de nous”, poursuit-il. “Nous avons fui l’école comme nous avons pu, avec les chars israéliens à nos trousses et les quadcoptères qui nous tiraient dessus. C’était comme un tremblement de terre ou une éruption volcanique. L’obscurité était totale – seule la couleur du sang et des missiles illuminait le quartier”.

Mahmoud Al-Shawa et sa famille ont fini par atteindre l’école Majda Wasila, un peu en retrait de l’invasion israélienne. Mais alors qu’ils fuyaient leur premier abri, ils ont vu deux fillettes paralysées en fauteuil roulant, qui s’étaient probablement réfugiées dans le centre de rééducation de l’UNRWA situé à proximité et à présent livrées à elles-mêmes. M. Al-Shawa raconte que dans la foule des fuyards, les fillettes risquaient d’être renversées, mais qu’il n’a pas pu leur venir en aide.

Selon le service des urgences de la protection civile de Gaza, des dizaines de personnes ont été tuées ou blessées lors des attaques israéliennes cette nuit-là. Du fait des opérations militaires massives dans le quartier, les équipes d’urgence n’ont pas été en mesure de se rendre auprès des victimes pour confirmer les chiffres, et Al-Rimal est devenue une ville fantôme.

“Si nous tentons d’évacuer, on nous tire dessus, et si nous restons, on nous tuera”

Comme Al-Rimal, le quartier d’Al-Sabra, dans le sud-ouest de la ville de Gaza, a également été attaqué par l’armée israélienne dans la nuit de dimanche à lundi, sans avertissement préalable. De nombreuses familles déplacées s’y étaient réfugiées depuis les quartiers orientaux à la suite de l’ordre d’évacuation initial. Mais vers 23 heures, les habitants ont commencé à entendre des explosions et des hélicoptères israéliens se diriger vers eux. “Ce que nous avons vu n’était pas une zone sûre mais un véritable champ de bataille”, a déclaré à +972 Alaa Sbaih, un habitant d’Al-Sabra âgé de 24 ans.

Plus tôt dans la journée, M. Sbaih avait ouvert sa maison à des proches réfugiés du quartier d’Al-Daraj, dans l’est du pays. Mais ils ont vite été piégés : alors que les bombardements se poursuivaient le lendemain, ils ont découvert que des snipers israéliens avaient pris position sur les bâtiments voisins de l’université Al-Azhar, de l’université islamique et de la tour Al-Sousi, et qu’ils tiraient sur tout ce qui se trouvait à vue.

M. Sbaih n’ose même pas s’approcher des fenêtres pour vérifier ce qui se passe dehors, et pour cause.

“Notre voisin de la famille Al-Qasas a essayé de s’enfuir, mais une fois arrivé à sa voiture, un sniper lui a tiré dessus et l’a laissé se vider de son sang dans la rue, avec ses enfants qui l’appelaient en criant”,

a raconté Sbaih. En effet, des soldats israéliens ont confié à +972 et à Local Call que des civils palestiniens dans toute la bande de Gaza sont régulièrement abattus, simplement parce qu’ils se trouvent dans des zones où les forces israéliennes opèrent, ou simplement parce qu’ils les regardent depuis leur fenêtre.

Des Palestiniens fuient le quartier d’Al-Rimal en réponse aux ordres d’évacuation israéliens, ville de Gaza, 8 juillet 2024. (Ferial Abdu)

Ce n’est que lundi après-midi que l’armée israélienne a finalement émis un deuxième ordre d’évacuation, enjoignant les habitants des quartiers occidentaux d’Al-Sabra, d’Al-Rimal et de Tal Al-Hawa d’évacuer vers le sud, en direction de la ville de Deir Al-Balah. Mais comme l’armée israélienne est toujours présente dans le secteur, M. Sbaih et ses proches sont confrontés à un choix impossible.

“Nous n’avons pas d’autre choix que de mourir : si nous essayons d’évacuer, on nous tire dessus, et si nous restons, on nous tuera”.

Maher Mamdooh, 21 ans, a expliqué à +972 qu’après avoir été forcé de déménager avec plus de 30 membres de sa famille il y a seulement deux semaines de Shuja’iya, il a été déplacé trois fois entre dimanche après-midi et lundi matin : d’Al-Daraj à la frontière d’Al-Rimal, puis dans le centre d’Al-Rimal, et enfin plus au nord en direction de Jabalia. Au cours de ces épreuves, il a perdu tous ses biens et a été séparé de certains de ses proches.

“Nous nous sommes enfuis de la maison au beau milieu de la nuit – nous courions dans tous les sens, et personne ne savait où aller”, a-t-il raconté. “On entendait des explosions partout et nous étions entourés d’hélicoptères, de quadcoptères et de blindés. Ma famille était avec moi, et nous ne savons pas où ils sont partis ensuite. Une nuit de cauchemar”.

Mercredi, l’armée israélienne a émis un troisième ordre d’évacuation, sommant les Palestiniens de fuir l’ensemble de la ville de Gaza. La reprise de l’offensive a également contraint les deux derniers hôpitaux de la ville de Gaza à fermer leurs portes : Al-Ahli – touché par des missiles – et la Patient’s Friends Benevolent Society. Al-Shifa, le plus grand hôpital de Gaza, est toujours en ruines depuis le siège israélien du mois de mars.

Après neuf mois de déplacements incessants, de massacres et de famine, M. Mamdooh affirme que la vie est devenue insupportable depuis bien trop longtemps.

“Combien de fois devrons-nous mourir ? Israël ne peut plus nous tuer. Personne au monde ne peut ressentir ce que je ressens aujourd’hui”.

Dans un commentaire à +972, un porte-parole de l’armée israélienne a nié avoir bombardé les zones décrites, et a déclaré que

“toute la partie nord de Gaza est considérée par Tsahal comme une zone de combat évacuée, et que le Hamas opère au cœur des zones civiles”.

Traduction : Spirit of Free Speech

Image en vedette : Des Palestiniens fuient le quartier d’Al-Rimal en réponse aux ordres d’évacuation israéliens, ville de Gaza, 8 juillet 2024. (Ferial Abdu)


- Source : 972Mag

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