Nouvelle-Calédonie : la contre-insurrection de Macron peut-elle aboutir ?
La Nouvelle-Calédonie, pièce maîtresse de la présence française dans l’Océan Pacifique, a vécu une insurrection, au sens propre ces derniers jours. Cette insurrection est largement due à l’incompétence d’Emmanuel Macron et à sa technique de l’ultimatum. Depuis ces événements dramatiques, la métropole mène une contre-insurrection. Mais Macron n’a retenu, dans ce domaine, ni les enseignements fondateurs de Galula, ni leur interprétation par la CIA : sera-t-il capable de s’astreindre au sérieux nécessaire pour reprendre le contrôle de la situation ?
De l’insurrection en Nouvelle-Calédonie, il y a beaucoup à dire… Avec le retour précaire au calme, le Courrier s’engage dans un passage en revue, tout au long de la journée, des mécanismes insurrectionnels qui expliquent la situation sur place.
Un point retient l’attention : la mauvaise compréhension par Emmanuel Macron du fait insurrectionnel, et son manque de maîtrise de la contre-insurrection telle qu’elle est pronée par la CIA, donne un éclairage saisissant sur la dégradation rapide de la situation dans cette île française de moins en moins bien contrôlée. Dans cet article, je passe en revue quelques-unes des erreurs commises par Emmanuel Macron dans ce dossier très spécial, au vu de la théorie de la contre-insurrection telle qu’elle est enseignée dans les écoles militaires, à partir des écrits du colonel français Galula.
Première erreur : Macron a nourri les causes de l’insurrection
On le sait, depuis les accords de Matignon, la métropole apaise les tensions en donnant le temps au temps. Conformément aux enseignements de Galula, il s’agit de ne pas donner “une cause” aux insurgés;
En lançant un ultimatum aux indépendantistes : un accord en bonne et due forme avant la fin juin, sinon un passage en force au Congrès pour changer la composition du corps électoral, Macron a remis du carburant dans une cause qui s’étiolait. Les colons blancs veulent prendre le pouvoir !
La perche était d’autant plus tentante à saisir par les indépendantistes que Macron avait déjà marqué son orientation en choisissant la leader loyalite Sonia Backès comme secrétaire d’Etat en 2022. Backès est d’ailleurs battue aux élections sénatoriales suivantes, au profit d’un indépendantiste.
Macron aurait dû, dès cet instant, comprendre que sa stratégie était mauvaise.
Deuxième erreur : Macron n’a pas renforcé l’appareil politique local
Autre préconisation de Galula : lorsque l’insurrection se prépare mais n’a pas encore éclaté, le pouvoir loyaliste doit renforcer l’appareil politique où l’insurrection risque d’éclater.
Or Macron a fait tout le contraire en Nouvelle-Calédonie.
Nous avons signalé son choix de nommer Sonia Backès au gouvernement, décision comprise par les indépendantistes comme un signal envoyé sur place à une volonté française de soutenir les adversaires loyalistes. Ce faisant, les indépendantistes ont remporté les élections sénatoriales suivantes.
Dès cet instant (au tournant de l’été dernier), le pouvoir parisien aurait dû apaiser les tensions et enforcer la concorde locale. Manifestement ni Elisabeth Borne, ni Gabriel Attal, ne se sont préoccupés de la situation. Ils ont laissé Gérald Darmanin négocier un prétendu accord affaibli par les maladresses d’Emmanuel Macron.
Troisième erreur : la réforme du corps électoral sans soutien majoritaire
Comme le rappelle Galula, aucune réforme politique ne peut être lancée tant que les insurgés contrôlent ou sont susceptibles de contrôler la population. L’annonce d’une réforme constitutionnelle est tombée dans une configuration exactement inverse : chauffés à blancs, les groupuscules indépendantistes n’attendaient que cette occasion pour agir…
Quatrième erreur : lancer l’ultimatum du referendum
Retour de Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron a indiqué qu’il pourrait tout à fait lancer un referendum sur la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, alors qu’il n’a pas encore rétabli l’ordre, il prend le risque de proférer une nouvelle menace de passage en force. Inutile de dire qu’il s’agit là d’une provocation extrêmement dangereuse, qui contrevient aux grands principes de la contre-insurrection.
L’enseignement constant de Galula, tel qu’il a été repris par la CIA, consiste à mettre l’accent sur la lutte politique, sur la dimension “culturelle” en quelque sorte, qui permet de contrôler la population insurgée en renouant le fil avec elle, et en l’associant à un projet global d’amélioration qui prive les insurgés de la “bonne cause” qui attise la colère du peuple… Visiblement, Emmanuel Macron ne connaît pas ces grands principes.
Un constat, en tout cas : la prise de risque est désormais immense, du fait de l’incompétence et du manque de sérieux d’Emmanuel Macron.
- Source : Le Courrier des Stratèges