Une pénurie organisée de traitement contre le cancer en Italie a fait bondir les prix jusqu’à 1 500%
Une pénurie organisée de traitement contre le cancer en Italie a fait bondir les prix jusqu’à 1500%, relançant le débat sur la tarification des médicaments en Europe.
Le 14 octobre, l’autorité italienne de la concurrence (AGCM) a condamné l’entreprise pharmaceutique Aspen Pharma à une amende de 5 millions d’euros pour avoir fait du « chantage » à l’agence des médicaments italienne, l’AIFA.
Aspen aurait notamment menacé de cesser de livrer des traitements contre le cancer, particulièrement ceux utilisés pour les enfants et personnes âgées, si l’agence n’augmentait pas les prix des médicaments.
Des augmentations jusqu’à 1 500 %
Dans sa déclaration, l’agence italienne des médicaments souligne que l’entreprise est la seule à produire ce type de traitement, et a donc abusé de sa position sur le marché. Elle dénonce aussi des « prix fixes injustifiés » présentant des augmentations incroyables, jusqu’à 1 500 %, punis par l’amende.
Les procédures ont été lancées l’an dernier par Altroconsumo, le membre italien du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), après des plaintes liées à des pénuries de certains traitements.
Aspen avait acheté les traitements oncologiques en question à la firme GlaxoSmithKline. Son brevet ayant expiré il y a dix ans, l’augmentation des prix a soulevé des inquiétudes. L’entreprise a donc lancé des négociations agressives avec l’AIFA et a fini par menacer d’interrompre la livraison de médicaments sur le marché italien. Les traitements anticancers ont disparu, avant de réapparaitre 15 fois plus chers qu’avant.
Ilaria Passarani, qui dirige le département Alimentation et santé du BEUC, s’est déclarée consternée par ces pratiques pernicieuses qui placent le profit avant tout, et notamment la santé et la vie des patients. « Cinq traitements vitaux contre le cancer ont été retirés du marché, avant d’être réintroduits à des prix impossibles. L’impact de cette manœuvre sur les consommateurs n’est pas seulement grave, mais également injustifié », estime-t-elle, regrettant que les pénuries soient devenues courantes en Europe.
« S’agit-il s’un problème d’approvisionnement ou d’une stratégie commerciale délétère ? Dans le premier cas, c’est déplorable et le problème doit être résolu. Dans le second cas, c’est tout à fait évitable et il faut punir les responsables », s’indigne-t-elle.
Ilaria Passarani exhorte également la Commission européenne à enquêter sur ce type de stratégies non éthiques dans d’autres pays, suite aux conclusions du Conseil des ministres de la Santé en juin.
Les institutions s’alarment
Quand l’accès des patients à des médicaments essentiels efficaces et accessibles est mis en danger par des « prix très hauts et intenables, le retrait du marché de produits sans brevets ou la non-entrée sur le marché national de certains produits pour des causes de stratégie économique des entreprises et que le gouvernement n’a parfois qu’une influence limitée sur la situation », cela constitue une défaillance du marché, ont estimé les ministres de la Santé au mois de juin.
Ils appellent donc les États membres à coopérer afin de créer un meilleur accès aux traitements.
Lors d’une interview avec EurActiv, Petar Moskov, le ministre bulgare à la Santé, a déclaré que la Bulgarie et la Roumanie comptaient sur une coopération régionale pour négocier ensemble le prix et la disponibilité de certains médicaments.
Le Parlement européen s’est également inquiété de l’accès au médicament et de la tarification pratiquée par l’industrie pharmaceutique. L’eurodéputée espagnole Soledad Cabezón Ruiz (S&D), auteure du rapport sur l’accès aux médicaments, a exigé la mise en place de mesures pour le marché pharmaceutique à l’échelle européenne, afin d’obtenir des prix équitables pour les médicaments.
Pouvoirs de la Commission
La Commission européenne est chargée des questions de concurrence des produits médicaux sur le marché européen, mais la question du remboursement des médicaments relève de la compétence exclusive des États membres.
Yannis Natsis, de l’Alliance européenne pour la santé publique, a récemment accusé l’exécutif européen de ne pas en faire assez. « La Commission n’a peut-être pas de compétence exclusive sur la santé, mais elle a beaucoup de pouvoirs en ce qui concerne la réglementation liée aux produits pharmaceutiques, via l’Agence européenne des médicaments », souligne-t-il.
- Source : EurActiv