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Mardi, 26 Nov. 2024

Le traité transatlantique risque de faire baisser les salaires en Europe

Auteur : Frédéric Farah et Thomas Porcher | Editeur : Walt | Jeudi, 18 Déc. 2014 - 23h45

En uniformisant les normes entre les deux continents, le futur traité transatlantique rendra la dévaluation du dollar encore plus efficace pour l’économie américaine, au détriment de l’Europe. 

Les négociations transatlantiques en cours négligent une question centrale : celle des rapports entre le dollar et l’euro. Alors que l’Europe reste obsédée par le lien entre politique monétaire et inflation, les États-Unis utilisent le dollar comme une arme pour subventionner leurs exportations. Face aux fluctuations du dollar, la BCE a plus réagi qu’agi. L’appréciation de plus de 50% de l’euro de 2001 à 2008, a entraîné peu de réactions de sa part, et cette progression a été l’un des éléments de la mise à mal des industries européennes et particulièrement françaises. Le traité transatlantique risque d’amplifier les effets des dévaluations monétaires. En uniformisant les normes entre les deux continents, la dévaluation du dollar sera encore plus efficace pour l’économie américaine au détriment de l’Europe. Le risque est que les États européens, pour rester compétitifs, pratiquent des dévaluations internes.

États-Unis vs Europe : pragmatisme contre dogme

Alors que l’Europe a imposé des dogmes rigides (équilibre budgétaire, lutte contre l’inflation) qui la privent de leviers de politique économique dont tout le monde se sert, les États-Unis ont un recours bien plus pragmatique à la politique monétaire et budgétaire quand il s’agit de dynamiser leur croissance économique. Concernant la politique monétaire, les Américains ont bien compris qu’une dévaluation de leur monnaie améliore d’une part la compétitivité de leurs exportations mais rend également les importations venues d’Europe plus chères ce qui, inversement, augmente la compétitivité de leurs produits intérieurs. Ce mécanisme fonctionne d’autant plus que les États-Unis et l’Europe font du commerce intra-branche c’est-à-dire du commerce de biens identiques donc substituables.

La France aurait besoin d’un euro plus faible, pas l’Allemagne

Alors pourquoi les Européens ne font pas de même en dévaluant l’euro ? Le problème vient de l’hétérogénéité économique des pays européens. Le haut niveau de l’euro désavantage certains pays mais profite à d’autres notamment l’Allemagne qui se place sur le haut de gamme. Au final, des études montrent que la France aurait besoin d’un euro à 1,10 dollar, l’Allemagne a 1,30 dollar et la Grèce à moins d’1 dollar. Les rapports de forces existant également à l’intérieur de l’Europe, il en a résulté un euro qui s’est apprécié de plus de 50 % depuis 2001.

L’uniformisation des normes augmente les effets des dévaluations monétaires

Le traité transatlantique, s’il est ratifié, rendrait les dévaluations monétaires encore plus efficaces qu’aujourd’hui, et pourrait représenter un véritable choc de concurrence pour les industries européennes. Car, actuellement, certains secteurs sont protégés par des normes différentes qui sont quasiment les seuls obstacles au commerce entre les États-Unis et l’Europe. En uniformisant ces normes, la substituabilité des biens européens et américains va augmenter et, de surcroît, va entraîner une mise en concurrence plus directe des entreprises des deux continents. Mais cette concurrence pourrait être encore plus forte si les États-Unis décidaient au nom de leurs intérêts économiques de se livrer à des manipulations monétaires pour accroître leur compétitivité. Dans ces conditions, le commerce ne pourra qu’être en faveur des États-Unis et comme la majorité des échanges sont intra-européens, les exportations américaines pourraient même se substituer à celles de certains pays européens entraînant des pertes de débouchés pour ces industries et, in fine, des possibles fermetures.

Pour compenser cette perte de compétitivité due à une dévaluation du dollar et en l’absence d’une politique monétaire européenne plus pragmatique, les États européens ne pourront qu’agir (in)directement sur les prix des produits via une dévaluation interne c’est-à-dire une baisse des coûts de production par la compression des salaires et l’hyper-flexibilisation du marché du travail.

Note : Frédéric Farah et Thomas Porcher, économistes, auteurs de TAFTA : l’accord du plus fort (éd. Max Milo)


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