La machine à fabriquer le consentement passe la vitesse supérieure

Mon dernier article sur les armes nucléaires, et en particulier celles d’Israël, a été publié environ trois heures avant qu’Israël ne commence à bombarder l’Iran. Les experts discrédités estimaient une attaque peu probable, car ils ont gobé le mensonge d’une dissension entre Trump et Netanyahu. Ceux qui ont vu Israël commettre un génocide et ont prêté attention aux objectifs ultimes des sionistes en Israël et en Occident n’ont pas douté un instant de l’imminence d’une attaque.
Une fois les bombardements commencés, la propagande s’est mise en route.
Les médias occidentaux ont repris la propagande israélienne selon laquelle ces frappes visaient des “cibles nucléaires et militaires” (comme la BBC ici), puis nous avons appris que plus de deux cents civils, dont des enfants, ont été tués dans des immeubles d’habitation à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes.
L’Iran a inévitablement riposté. Mais ce que tous les médias occidentaux ont totalement passé sous silence, c’est le fait qu’en vertu du droit international, le bombardement de l’Iran par Israël est illégal (première frappe, absence de résolution de l’ONU, absence de riposte à une attaque), alors que celui de l’Iran est légal (riposte à un bombardement et, par conséquent, légitime en vertu du droit à la légitime défense). De plus, l’attaque de centrales nucléaires (Israël a bombardé la centrale de Natanz en Iran) estexplicitement interdite par l’article 56 du Protocole additionnel à la Convention de Genève. L’AIEA a déclaré que l’attaque d’Israël a provoqué une “contamination radioactive et chimique”, mais vous n’avez sans doute pas entendu parler de cela. (à comparer avec une attaque russe contre Zaporizhzhia ou Tchernobyl. Bombarder des centrales nucléaires n’est répréhensible que dans certains cas, selon les règles occidentales). Sur les réseaux sociaux, les experts en droit international se sont indignés qu’aucun reportage n’ait mentionné ce fait. L’un des plus éminents experts mondiaux en la matière, le professeur Ben Saul, directeur du département de droit international de l’université de Sydney et rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme, a été clair : l’action d’Israël est illégale et celle de l’Iran ne l’est pas
Le professeur Kevin Jon Heller, professeur de droit international et de sécurité à l’université de Copenhague, a déclaré que l’attaque d’Israël est “illégale sans aucune ambiguïté”. Le simple fait qu’une partie agisse illégalement et l’autre légalement est quelque chose que vous ne trouverez nulle part en dehors des réseaux sociaux.
Pourquoi ? Parce que lorsqu’il s’agit d’Israël, rien de tout cela n’a d’importance. La loi ne s’applique tout simplement pas. Et la soi-disant presse libre n’a aucun intérêt à rappeler à ses lecteurs quelque chose d’aussi dépassé que le droit international. Les dirigeants occidentaux se sont rangés du côté de l’action illégale. De Mark Carney au Canada, à Starmer au Royaume-Uni, en passant par la présidente de la Commission européenne Von Der Leyen, l’Allemand Merz et, bien sûr, Trump. Ils ont tous publié des déclarations similaires sur les “graves préoccupations” concernant le programme nucléaire iranien et le “droit d’Israël à se défendre”, comme si tout avait été chorégraphié par Tel-Aviv. L’Allemagne a publié une déclaration sur “l’attaque aveugle de l’Iran” avant même que l’Iran n’ait riposté ! Et tout a été présenté comme si le pays qui a attaqué le premier n’était pas en train de commettre un génocide.
Le droit international gît sous les décombres de Gaza, et l’impunité croissante est terrifiante. Il est inquiétant de constater les tentatives de fabrication d’un consentement à un massacre illégal. Il est inquiétant de voir l’inversion orwellienne de la réalité. Il est inquiétant de voir Israël se voir accorder le droit de tuer qui il veut, où il veut. Il est inquiétant que le droit international ne soit même plus mentionné dans les rapports sur les violences commises par Israël. Nous assistons à la destruction des garde-fous juridiques contre le massacre de masse d’innocents. Nous assistons à la dévalorisation totale de la vie humaine. À Téhéran, une famille entière a été tuée dans sa maison, peut-être, et c’est difficile à croire mais cela semble être vrai, parce qu’elle portait le même nom de famille qu’un des plus éminents scientifiques nucléaires iraniens. Il suffit de vivre sa vie pour être condamné à mort par un missile lancé par un inconnu d’un autre pays parce que l’on porte le même nom que quelqu’un qu’il n’aime pas. Et les Israéliens peuvent commettre autant de meurtres de masse qu’ils le souhaitent, car ils savent que cela restera impuni. Permettre un tel massacre sans aucune conséquence met en péril l’humanité tout entière.
La propagande par omission a été tout aussi massive.
Tout d’abord, et c’est à mon avis le plus important, l’Iran est l’un des plus grands producteurs mondiaux de produits radiopharmaceutiques utilisés pour le diagnostic et le traitement du cancer. Or, pour diagnostiquer le cancer et fabriquer des médicaments contre le cancer, il faut des isotopes médicaux. Et on ne peut pas fabriquer d’isotopes médicaux sans enrichir l’uranium. L’Iran figure parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux de médicaments radioactifs et fournit des médicaments nucléaires à quinze pays, dont certains en Europe. En outre, les sanctions contre l’Iran interdisent l’importation de produits radiopharmaceutiques. Ce qui signifie que sans programme nucléaire, l’Iran aurait beaucoup de mal, voire serait incapable, de diagnostiquer et de traiter les personnes atteintes d’un cancer ou d’autres maladies. Les scanners et les TEP scanners utilisent des traceurs radioactifs pour obtenir une image de votre corps. La radiothérapie, qui nécessite des isotopes médicaux, lesquels nécessitent de l’uranium, est le principal moyen de traiter le cancer. En d’autres termes, l’enrichissement de l’uranium est fondamental pour la médecine moderne. En exigeant de l’Iran un enrichissement à 0 %, ce qu’ils ont fait, Israël, les États-Unis et l’Occident exigent que l’Iran abandonne la médecine moderne et condamne des millions de personnes à la maladie et à la mort.
Il s’agit d’une exigence illégitime.
C’est pourquoi vous n’en entendez jamais parler. Parce que pour obtenir le consentement de l’opinion publique à un bombardement de l’Iran, il faut que nous ignorions comment l’Iran utilise la technologie nucléaire. Outre les produits radiopharmaceutiques, le programme fournit également de l’électricité à des millions de personnes.
L’Iran a toujours accepté de limiter l’enrichissement à des fins médicales et énergétiques, et ce sont précisément les termes de l’accord rompu par les États-Unis en 2018. L’Iran respectait pleinement cet accord, qui autorisait l’enrichissement à des fins pacifiques. L’Occident sait très bien que l’Iran a besoin d’uranium pour des raisons vitales. Il sait, rationnellement, qu’il est impossible d’accepter l’enrichissement zéro. Ce qui signifie qu’Israël, avec le soutien des États-Unis et de l’Occident, a bombardé l’Iran pour avoir refusé d’accepter un accord qui aurait détruit une industrie essentielle à l’économie iranienne et tué de nombreuses personnes. L’Iran a été bombardé pour avoir voulu traiter le cancer.
Je ne cherche pas à faire de la propagande pour l’Iran. Je ne fais que relayer des informations factuelles dont les médias grand public se gardent bien de nous livrer. Et les médias nous en privent car ils savent que ces trois mots magiques – “programme nucléaire iranien” – occultent tout le contexte. Les médias et la classe politique savent que la plupart des gens entendront ces mots et penseront simplement : armes nucléaires. Ils entendront “scientifiques nucléaires” et imagineront des méchants de dessins animés dans des repaires souterrains manipulant des missiles, et non des spécialistes de la médecine nucléaire et du cancer.
Mais il est également évident que si l’Iran possédait des armes nucléaires, il ne serait pas confronté à l’agression israélienne, des centaines d’innocents seraient encore en vie, nous ne serions pas sur le chemin d’une guerre plus étendue, et l’hégémonie israélienne sur la région s’en trouverait affaiblie. L’Iran a toujours affirmé ne pas fabriquer d’arme nucléaire et aurait accepté de revenir aux conditions de l’accord de l’ère Obama si celles-ci lui avaient été à nouveau proposées. Mais à présent, si l’Iran ressort de ces attaques avec une capacité nucléaire intacte, il cherchera bien sûr à se doter de l’arme nucléaire. Il serait naïf de penser le contraire. C’est la logique qu’impose l’attaque d’Israël.
Ensuite, il y a l’élément “changement de régime”. Ces dernières 24 heures, il a été rapporté que Trump a opposé son veto à un plan israélien d’assassinat du guide suprême iranien Ali Khamenei. Nous savons maintenant que les informations faisant état d’une “rupture” entre Trump et Netanyahu au sujet d’une attaque contre l’Iran n’étaient qu’une ruse pour endormir l’Iran dans un faux sentiment de sécurité. Cela signifie que Trump a probablement donné son feu vert à un assassinat, et qu’il s’agit là d’une autre ruse pour piéger l’Iran.
Et les médias occidentaux salivent à l’idée d’un changement de régime. Le Times l’a même réclamé dans un éditorial publié dimanche.
Quelques heures plus tard, The Guardian fut le dernier en date à se lécher les babines à cette perspective.
Le changement de régime en Iran est bien sûr depuis longtemps l’obsession de nombreux politiciens et personnalités de la sécurité, des libéraux aux conservateurs. En février, une résolution de la Chambre des représentants des États-Unis appelant à un changement de régime en Iran a été soutenue par 150 politiciens, Démocrates comme Républicains.
À quoi ressemblerait en réalité un changement de régime provoqué par l’agression occidentale ? Il suffit de jeter un œil à l’Irak, à la Libye ou à l’Afghanistan, où l’issue des changements de régime violents soutenus par l’Occident a été catastrophique. L’Iran sombrerait dans la violence sectaire, des milliers de personnes seraient tuées, l’économie serait détruite, des millions de personnes basculeraient dans la pauvreté et le pays ne connaîtrait pas de stabilité pendant au moins une génération. Et c’est exactement ce que la majorité des médias et de la classe politique espèrent. Cela relève de la perversité la plus abjecte. Bien sûr, certains Iraniens s’opposent aux dirigeants actuels. Mais les groupes d’opposition ont déclaré vouloir déterminer leur propre avenir, car ils savent où mène l’intervention occidentale. Ils ont vu les modèles occidentaux de changement de régime. Le modèle irakien, où un régime fantoche a accordé toutes les concessions pétrolières aux entreprises occidentales, a organisé une unique élection, et on a assisté à la balkanisation pure et simple du pays. Le modèle afghan, où vingt ans de dirigeants corrompus soutenus par l’Occident ont abouti au même résultat qu’au départ, avec le retour des talibans. Le modèle libyen, où l’assassinat de Kadhafi à la suite des bombardements de l’OTAN a déclenché une violence clanique brutale, des morts par milliers et la fin effective de l’État libyen.
Ce n’est pas à l’Occident de décider de tout cela. Ce n’est pas à nos dirigeants d’utiliser nos votes et nos bombes pour bouleverser brutalement les structures politiques d’autres pays. Quelle arrogance ! Et ce n’est pas à nous de juger qui devrait ou ne devrait pas diriger l’Iran, ni dans quelle mesure ce pays doit être religieux ou laïc. Nous avons déjà suffisamment de problèmes à régler chez nous. Mais jusqu’à présent, les médias occidentaux ont refusé d’admettre comment notre propre forme d’autoritarisme laïc a émergé. Des États-Unis à l’Allemagne en passant par le Royaume-Uni, les pays occidentaux répriment, poursuivent et emprisonnent des citoyens pour avoir manifesté pacifiquement et exprimé leur opinion. Le gouvernement britannique vient d’inculper un membre d’un groupe de rap pour terrorismepour avoir brandi un drapeau du Hezbollah lors d’un concert. Il risque la prison. Pour s’être opposé à un État génocidaire soutenu par nos dirigeants. Un État à qui nos dirigeants fournissent des armes et un soutien politique alors qu’il assassine, affame, mutile, torture et exécute sommairement des centaines de milliers de personnes. Tout le discours sur la “tyrannie du régime iranien” se fonde sur une supériorité morale dont nous ne sommes tout simplement pas investis. C’est risible.
N’oublions jamais que pas un seul des discours moralisateurs sur la répression en Iran que nous allons entendre dans les jours et les semaines à venir n’aura été proféré de bonne foi. De l’Égypte à la Jordanie, en passant par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, l’Occident soutient les dictatures religieuses et militaires parce qu’elles sont de notre côté. En Jordanie, gouvernée par une monarchie, le gouvernement s’est activement engagé dans la guerre aux côtés d’Israël. En Égypte, régie par une dictature militaire, des agents du gouvernement arrêtent et expulsent des militants qui tentent d’acheminer de l’aide à Gaza. Ils leur plaisent parce qu’ils ferment les yeux sur le génocide et l’agression occidentale. Ces dictateurs sont nosdictateurs.
Les discours hypocrites sur la liberté en Iran sont si arrogants et malhonnêtes qu’ils rendent fou. Et bien que l’hypocrisie ne soit pas un crime, elle est révélatrice. Elle nous renseigne sur ce que les médias et la classe politique pensent de nous. Elle nous informe sur ce qu’ils croient que nous allons gober. Elle nous montre comment ils manipulent le discours.
Alors restez lucide. Restez informé. Déchiffrez la propagande quand on vous la sert. Réalisez que la guerre contre l’Iran n’est qu’une affaire d’intérêts géostratégiques occidentaux, rien de plus. L’Iran ne représente absolument aucune menace pour l’Occident. C’est une guerre au service d’Israël. Quand la BBC vous dit à quel point il est difficile de rapporter l’actualité en Iran, n’y voyez qu’une ruse pour vous abreuver de propagande israélienne.
Demandez-vous pourquoi la BBC n’a jamais émis de réserve similaire à propos de Gaza, alors qu’Israël a interdit à tous les journalistes occidentaux d’entrer dans la bande de Gaza pour témoigner directement du génocide.
Demandez-vous pourquoi la BBC vous parle de la censure en Iran, mais ne vous dit pas qu’Israël dispose d’une loi sur la censure militaire et d’une unité de censure militaire qui approuve au préalable (ou pas) les articles de presse. Et vous comprendrez alors qu’ils ne sont que des laquais et des scribes de l’empire, et non des journalistes.
Vous saurez pourquoi la machine à fabriquer le consentement tourne à plein régime et veut votre bénédiction pour davantage de violence et de guerres.
Ne la leur donnez surtout pas.
Traduit par Spirit of Free Speech
- Source : Do not panic