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Mercredi, 28 Mai 2025

Merz et les frappes en profondeur en Russie : nouvelle escalade du conflit ou opération de comm ?

Auteur : Karine Bechet-Golovko | Editeur : Walt | Mardi, 27 Mai 2025 - 12h21

Le Chancelier allemand a annoncé, ou plutôt rappelé, la décision prise par l'Axe atlantiste (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Allemagne) de levée des restrictions de distance de tir pour les armes livrées, par ces pays sur le front ukrainien. "Rappelé", car cette décision a été prise il y a plusieurs mois de cela. Le Kremlin souligne de son côté les conséquences dangereuses d'une telle escalade, qui entraînerait la fin du fameux processus de négociation (unilatéral), mort avant même d'avoir apporté de véritables fruits - pour la paix. Pour autant, dire n'est pas encore faire. Voyons ce qu'il en sera en réalité, la doctrine nucléaire russe n'a pas été annulée.

Dans une déclaration faite à Berlin, le Chancelier allemand Merz a déclaré, que l'armée atlantico-ukrainienne pouvait désormais frapper en profondeur en Russie :

"Il n’y a plus de limites de portée pour les armes qui ont été livrées à l’Ukraine. Ni par les Britanniques, ni par les Français, ni par nous. Ni par les Américains », a déclaré Friedrich Merz, lors d’un entretien à la télévision publique WDR à Berlin. (...) Cela signifie que l’Ukraine peut désormais se défendre, par exemple en attaquant des positions militaires en Russie (…) ce qu’elle ne faisait pas il y a quelque temps, à quelques exceptions près. Elle peut le faire maintenant"

Immédiatement, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a souligné la dangerosité d'une telle décision qui, par ailleurs, n'est pas conforme à la ligne portée par la Russie (unilatéralement) d'une sortie de guerre fondée ... sur des négociations ... de paix. Je cite :

"Si de ces décisions sont effectivement prises, elles sont absolument contraires à nos aspirations à un règlement politique et aux efforts actuellement déployés dans le cadre de ce règlement. C'est donc une décision plutôt dangereuse".

Quand les élites russes pourront ouvertement reconnaître, qu'elles sont bien les seules à vouloir et les négociations et la paix, quand en face d'elles, les élites atlantistes ne veulent que la victoire et ce sur le champ de bataille, nous commencerons à avoir de véritables chances pour une paix durable, car la dissuasion sera effective. 

Merz a précisé lors de sa conférence de presse en Finlande, en réponse aux réactions russes, que cette décision n'est pas nouvelle :

"À ma connaissance, et comme je l'ai expliqué hier, les pays qui limitaient la portée des frappes ont depuis longtemps levé ces exigences. J'ai donc décrit hier, à Berlin, ce qui se passe depuis plusieurs mois : l'Ukraine a le droit d'utiliser les armes qui lui sont fournies hors de son territoire contre des installations militaires situées sur le territoire russe".

Il n'est donc pas nécessaire de jouer les jeunes vierges effarouchées. 

En revanche, c'est une chose d'en avoir la possibilité, c'est autre chose que de vouloir réaliser cette possibilité. Si l'on regarde le danger potentiel pour la Russie de la mise en oeuvre de ces décisions par l'armée atlantico-ukrainienne, il n'est pas négligeable, sans même parler des Taurus que l'Allemagne semble se préparer à envoyer finalement sur le front :

"L’Ukraine possède et utilise déjà d’autres missiles à longue portée occidentaux, comme l’ATACMS américain et le Storm Shadow britannique. Leur rayon d'action est d'environ 300 kilomètres. Dans le même temps, les versions « à part entière » de Storm Shadow, ainsi que SCALP-EG, peuvent atteindre une cible à une distance allant jusqu'à 560 kilomètres. Cependant, l’Ukraine n’a jamais reçu de telles versions auparavant".

Autrement dit, la zone de cibles potentielles va très en profondeur en Russie :

"Comme le note Ura.Ru, une fois les restrictions levées, ces armes pourraient atteindre les régions de la Russie centrale - Smolensk, Kalouga, Briansk, Orel. Les missiles Taurus peuvent étendre leur portée de frappe jusqu'à Moscou, s'ils sont lancés depuis les régions ukrainiennes limitrophes de la Russie. Il est également à noter, que l'Ukraine pourrait également utiliser le drone Tekever AR3, capable de voler jusqu'à mille kilomètres".

Quelques remarques conclusives :

1) Le processus de négociation et la volonté de paix affichée par la Russie sont entendus comme un signe de faiblesse, qui pousse les pays de l'Axe atlantiste à aller toujours plus loin. Continuer dans cette voie semble dangereux pour la Russie, si le but est bien de renforcer sa sécurité et rétablir une certaine stabilité mondiale. Quand une stratégie ne marche pas, il faut savoir en changer à temps.

2)  Les frappes en profondeur, pas plus que les autres, ne se limiteront à des cibles militaires, comme nous le voyons déjà aujourd'hui, avec les attaques volontaires de sites civiles sur le territoire russe. De ce fait, les pays fournissant, contrôlant et déterminant les cibles de leurs missiles sont formellement responsables de crimes de guerre, puisque les conventions de Genève sont violées. Sont-ils prêts à cela, face à leurs populations et face à la communauté internationale "pro-paix" ?

3) Si des frappes sont réalisées en profondeur sur le territoire russe, il y a peu de chances pour que la Russie continue à retenir l'armée sur le front. Politiquement, Lavrov commence déjà à intégrer dans le discours politico-médiatique russe le fait que ces pays atlantistes sont parties au conflit, il y a des chances pour que cette ligne se renforce alors. La Russie pourrait par ailleurs, elle aussi, prendre des mesures de rétorsion, nécessaires pour protéger sa population et son territoire. Les pays atlantistes, sont-ils réellement prêts à entrer directement en guerre contre la Russie ? Nous pouvons largement douter du soutien que les élites dirigeantes obtiendraient, tant de leur armée, que de la population.

4) Enfin, les pays de l'Axe atlantistes sont dans une impasse avec cette décision. Car soit ils frappent peu, pour ne pas "aller trop loin", ce qui ne servira qu'à exaspérer la Russie et à la faire sortir de la ligne "conciliante", qui est encore la sienne et dont les Atlantistes ont grand besoin, sans aucun intérêt sur le plan militaire. Soit, ils prennent le risque de frappes massives (en ont-ils seulement les moyens pour longtemps ?) et la Russie est légitime à mettre en oeuvre sa doctrine nucléaire, qui prévoit désormais une possible réaction nucléaire contre les pays de cette coalition ennemis, en cas d'attaque massive conventionnelle, quand elle présente un danger existentiel pour la souveraineté du pays. Ce qui n'est pas non plus dans l'intérêt des Atlantistes. 

Dans les faits, il y a peu de chances que la déclaration de Merz ait beaucoup d'impact réel militaire sur le front. Peut-être, l'armée atlantico-ukrainienne va-t-elle démonstrativement tirer un ou deux missiles, mais il y a de fortes chances que l'escalade soit surtout communicationnelle. Le seul véritable espoir pour les Atlantistes était d'arrêter l'armée russe par les négociations pour ensuite écraser les élites dirigeantes. Cet espoir s'éloigne lentement mais sûrement et ils ne savent pas encore très bien comment y faire face. Surtout que pendant ce temps, l'armée russe avance et frappe les infrastructures militaires ennemies, ce qui rend notre ami Trump furieux, affirmant que "Poutine est devenu fou". Il reste simplement raisonnable et n'est pas tombé dans le piège.


- Source : Russie politics

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